Bas les masques

Bas les masques

Signé  : Pr JF Schved Prodesseur en Hématologie et Transfusion, Faculté de Médecine de Montpellier


Percés jusques au fond du cœur
D’un virus imprévu aussi bien que mortel,
Misérable produit d’un monde industriel
Ou geste revanchard d’un pangolin vengeur,
Le voici confiné, sous un masque tremblant
Notre monde arrogant !

D’après P Corneille, Le C(ov)id

Au terme d’une démarche supervisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), avec le soutien de l’ANSES, deux nouvelles catégories de masques à usage non sanitaire ont ainsi été créées, par une note d’information des ministères de la santé, de l’économie et des finances, et du travail du 29 mars 2020. 

Voilà donc ce qui manquait : non pas les masques qui auraient pu, dès le début protéger même imparfaitement la population, mais les textes. Car en France, le réglementaire et le normatif l’emportent toujours sur l’urgence soit-elle de santé.

Commençons par un bref rappel historique :

En 2011, le stock français chirurgicaux et 700 millions de masques FFP2 est d’un milliard de masques chirurgicaux. La première décision critique, prise sur avis du Haut conseil à la Santé publique a été de modifier cette stratégie sécuritaire considérée comme inutilement coûteuse, puisque les masques périment en moyenne après 4 à 5 ans, et de ne constituer qu’un stock tournant.  Ceci correspondait à ne plus renouveler les réserves, ce qui a été mis en place. En 2013, nouvelle évolution, ne gérons plus des stocks inertes, mais introduisons la notion de flux pour réguler les stocks, ce qui conduit à les réduire, considérant que l’on saurait les régénérer très vite en cas de crise. En 2015, les stocks ont donc diminué de moitié.

Du fait de la baisse des commandes dont celles de l’état, en 2018, l’usine Plaintel en Bretagne, après avoir été rachetée par Honeywell qui a délocalisé la production en Tunisie, ferme définitivement dans l’indifférence générale dont celle du gouvernement. Elle produisait 200 millions de masques par an. Les stocks baissent, mais il n’y a aucun risque, prétend-on, car en cas de crise nous saurions relancer la production.

Le sénateur Delattre avait pourtant en 2015 dans le cadre d’une commission, tiré la sonnette d’alarme : "La réservation de capacités de production ne peut constituer une solution unique pour prévenir les situations sanitaires."  Argument balayé par une objection imparable : en cas de difficulté, nous pouvions compter sur notre capacité à reconstituer les réserves et surtout sur la capacité de production inépuisable de la Chine.

Plus récemment, en mai 2019 un rapport d’experts publié par Santé Publique France lançait une autre alarme : « En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30% de la population. »

Début janvier 2020, il n’y a plus en France de stock de masques FFP2 et nous disposons de 117 millions de masques chirurgicaux.

Et alors…et alors…Eh ! Eh ! Covid est arrivé.

Le 23 janvier, heureusement un grand spécialiste mondial, français de surcroit, de la virologie nous rassure : « Le monde est devenu complètement fou…pour deux ou trois chinois qui meurent…comme un bus qui tombe au Pérou…c’est tellement dérisoire que ça finit par être hallucinant. C’est juste du délire…enfin c’est pas sérieux. »

Le 26 janvier Agnès Buzyn, ministre de la Santé nous assure qu’il n’y aura pas de pénurie de masque en cas d’épidémie Covid 19 en France.

Le 27 janvier : on recommande l’usage du masque uniquement pour les personnes malades et des équipements de protection uniquement pour les soignants.

En février, l’épidémie s’étend, la Chine réserve sa production pour ses propres besoins. Le masque se fait rare et très recherché sur le marché mondial.

Le 25 mars Sibeth Ndiaye nous indique que quand les gestes barrières sont respectés, il n’y a pas besoin de masque (NDLR : ici, ce n’est pas un masque qui s’impose mais un bâillon)

Ce même 25 mars, changement de discours : l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indique un protocole de traitement permettant une réutilisation des masques en tissu à usage non sanitaires prévus dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 :

Dans le contexte de l’épidémie à Covid-19, l’usage de masques dédiés pour des usages non sanitaires présente un intérêt pour réserver l’utilisation des masques ayant le statut de dispositif médical ou d’équipement de protection individuel aux personnels de santé

L’agence reconnaît donc l’intérêt de masques dits « à usage non sanitaire » et donc utilisables (et utiles) pour d’autres que les personnels de santé.

Dans la mesure où l’on sort du sanitaire strict, on pourrait s’attendre à ce que la bride sur la fabrication tout venant de masques soit relâchée pour en permettre une fabrication et une distribution augmentée. Mais les ayatollah de la norme gardent la main.

Le 27 mars l’AFNOR fournit un référentiel de fabrication, assez contraignant.

Le 2 avril, prenant les autorités de cours, l’académie de médecine propose de rendre obligatoire masque grand public appelé aussi alternatif

« Toute personne qui sort dans la rue devrait être considérée comme un porteur qui s’ignore et mettre un masque sur son visage pour éviter de contaminer ses voisins » précise Yves Buisson, membre de cette académie.

Résumons : La communauté scientifique valide l’intérêt du masque et demande que son port soit généralisé dans les lieux publics. D’autres pays sont arrivés aux mêmes conclusions et surtout les appliquent , mais les irréductibles gaulois se distinguent encore : il n’est à ce jour pas possible de se procurer par soi-même un masque !

Masques dans les pharmacies ? Pas possible. Depuis un décret du 13 mars les masques chirurgicaux et FFP2 sont réquisitionnés par l’état jusqu’au 31 mai. Les pharmaciens ne peuvent donc pas les vendre au grand public. Soit, mais qu’en est-il des masques en tissu ? Ils ne font pas partie de la liste des marchandises autorisées à la vente en pharmacie ! Cette liste évolue au rythme administratif habituel. Aux dernières nouvelles, elle est à l’horizon, cette ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure qu’on s’en approche.

Masques dans les grandes surfaces, comme au Maroc ou en Autriche ? Vous n’y pensez pas : il s’agit d’un produit de santé, on ne peut pas vendre cela comme du papier toilette et actuellement, le gouvernement les réquisitionne.

Alors, que faire ? Alors : sortez vos trousses à couture, bricolez, ne vous imposez aucune contrainte, aucune norme et soyez tranquilles : l’administration veille non pas sur vous mais sur les textes qui vous protègent. La preuve, regardez les courbes : à la différence d’autres pays au départ plus atteints, la France a atteint un plateau de contaminations et décès et s’y est stabilisée.

Il court il court le Covid…

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#1MASQUEPOURTOUS c'est maintenant