COVID 19 : les « rassuristes », notre vocabulaire s’enrichit….

COVID 19 : les « rassuristes », notre vocabulaire s’enrichit….

Signé :  Dr Joelle Laffont, Médecin Vasculaire, Toulouse

"le port du masque obligatoire à l'extérieur. Selon lui, on aboutit à "une forme de gestuelle symbolique qui s'apparente presque, finalement, à de la superstition". Laurent Toubiana (épidémiologiste et rassuriste).

"Moi quand un philosophe me répond,je ne comprends plus ma question." Pierre Desproges

"Je voudrais rassurer les peuples qui meurent de faim dans le monde : ici, on mange pour vous." Coluche


Face aux « alarmistes »
qui se plient aux décisions du gouvernement, les “rassuristes” ('appellation non officielle partagée par de nombreux médias.) que l'épidémie n'inquiète guère font entendre leurs voix. Positivistes forcenés qui assurent que les autorités sanitaires mondiales s’inquiètent un peu trop, tout en balayant d’un revers de la main le million de morts comptabilisés à l’échelle planétaire depuis le début de la pandémie.

Que disent-ils ? Nageant à contre-courant en affirmant que le coronavirus n’est pas aussi dangereux qu’on le prétend, ils étaient prudents et réservés lors de l’apparition du virus, ils ont la parole plus aisée depuis le début de ce que l’on doit bien admettre être la deuxième vague. Et ce retour sur le devant de la scène trouve sa place dans un contexte plus général de défiance vis-à-vis des autorités. Ils dénoncent la gestion de la crise par les décideurs. Un discours qui ne laisse pas indifférent face aux revirements, aux atermoiements, au manque de transparence de l’exécutif. Un discours qui ne va pas atténuer la légitime défiance ressentie à l’égard des politiques (du politique) et des « experts » du scientifique.

Que cherchent-ils ? Inoculer le virus du doute sur la prise en charge sanitaire de la crise ? Ils accusent l'exécutif de jouer sur les peurs. Louis Fouché, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Conception à Marseille (AP-HM), l'un des signataires de la tribune du 27 septembre, estime ainsi auprès de France 3 Côte d'Azur que la menace d'un reconfinement est une façon de "reprendre le contrôle sur les gens, par la menace". Cela jugule toute contestation, c'est tyrannique, antidémocratique et ça n'est pas proportionné aux risques de cette épidémie de Covid ». Un gouvernement « précautionneux » « surprotecteur » pour se protéger lui-même et revenir aux affaires avec la gloire de la victoire par KO.

Oui mais … KO sur qui sur quoi ? la population ou l’économie ou le virus. Pour les deux premiers c’est sûr. Pour le dernier çà l’est nettement moins parce que vaincre le virus n’est pas le fait d’un gouvernement quel qu’il soit mais bien le résultat d’un comportement individuel et collectif expliqué compris cohérent adapté choisi et accepté donc adopté par tous.

assuristebisQui sont-ils ? En vrac pour l’anecdote Joey Starr, Vincent Lindon ou Yann Moix se sont fait entendre pour dénoncer les excès supposés d'un Etat surprotecteur, dénoncer le "sanitairement correct" dans lequel baignerait notre pays. Fin septembre sur Instagram est publié ce message avec beaucoup de « tact et mesure », « Vivez à fond, embrassons-nous, crevons, ayons de la fièvre." - rien que ça : Nicolas Bedos nous invitant à nous élever contre "les lâches directives gouvernementales" destinées à lutter contre la pandémie de Covid-19. S’il était seul ce serait négligeable, et nous nous autoriserions à penser qu’il a écrit sous le coup de la douleur d’avoir perdu son père récemment et de la colère de ne pas avoir pu le voir suffisamment pour cause de protection de la personne âgée : qui sommes-nous pour blâmer un cri du cœur. Il n’est pas seul, et dans la sphère politique, les "anti-restrictions" ont aussi leurs porte-voix : Renaud Muselier, président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et médecin de profession, pour qui la "dictature d'une éthique médicale veut imposer son savoir-faire aux choix politiques"ou Samia Ghali, la deuxième adjointe à la mairie de Marseille, qui condamne à cor et à cri le "diktat" de gens qui "se réunissent à Paris, entre eux, entre nantis", ou encore Martine Wonner, ex-députée LREM du Bas-Rhin, qui n'a pas hésité à lancer à l'Assemblée nationale, le 2 octobre, que le port du masque était inutile.

Plus effrayant, les rassuristes sont des scientifiques. Se différenciant des complotistes et des sans-masques qui possèdent autant de connaissances scientifiques qu’un ectoplasme, ils sont microbiologistes, infectiologues, épidémiologistes, sociologues spécialisés en politiques sanitaires ou professeurs de physiologie. Ils critiquent les choix de l'exécutif. "Nous ne voulons plus être gouvernés par la peur", écrivent 35 médecins, infectiologues et universitaires dans une tribune publiée par Le Parisien, le 10 septembre. Mais la peur est un excellent outil de manipulation n’est-il pas ?

"Il est urgent de changer de stratégie sanitaire", répètent 350 autres professionnels de santé dans une nouvelle tribune parue le 27 septembre sur un blog hébergé par Mediapart, après un refus de France-info, notamment. En pied des deux textes figurent plusieurs signatures dont celles de l'épidémiologiste Laurent Toubiana, du professeur de physiologie Jean-François Toussaint ou encore du sociologue Laurent Mucchielli : figures emblématiques du courant des "rassuristes"- trois comme les rois mages !!

Pourquoi sont-ils audibles ? Parce que chaque jour communiqués menaçants de l’exécutif, mesures toujours plus restrictives annoncées par l’exécutif, contenus anxiogènes de table-rondes et autres interview ouverts ciblés quotidiens relayés en boucle par les médias, contribuent à une forme d’autoritarisme sous couvert de protection sanitaire qui est ressenti comme liberticide.

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Parce que la communication désordonnée et c’est un euphémisme, contradictoire d’une semaine à l’autre voire d’un jour à l’autre, les discours changeants ne parlant pas d’une voix « unique », ou encore une opposition flagrante entre le Conseil scientifique et l’omniscient Chef d’état .Tt tout cela depuis le début de cette pandémie, ont fait le lit de la défiance grandissante vis-à-vis de la gestion de cette crise qui perdure et l’union collective n’a plus de substrat. Comme l’a dit le sociologue Philippe Riutort, chercheur associé au Laboratoire communication et politique (Irisso-­CNRS). "Nous ne sommes plus au printemps où, pendant le confinement, il y avait une sorte d'union nationale." De plus "Il n'est pas facile de s'y retrouver car il y a une relative complexité du discours du gouvernement et des experts, depuis le mois de mars", ainsi que l’observe Olivier Borraz, (sociologue du SNTS - coauteur du livre Covid-19 : une crise organisationnelle - Presses de Sciences Po, 2020).

Parce que le débat scientifique, habituellement réservé aux chercheurs, s'est soudainement retrouvé dans la sphère publique, glissement qui s'est opéré de façon maladroite et délétère. « Il y a une inadéquation entre les débats scientifiques et les arènes médiatiques » (Caroline Ollivier-Yaniv, professeure en sciences de l'information et de la communication). Les règles de discussion dans les colloques séminaires congrès sont très différentes de celles des émissions de télé où les échanges visent davantage à alimenter la polémique que "la controverse au sens plein du terme". Faits alimentant la « cacophonie » sur les plateaux télé : cacophonie largement entretenue par certains médias et chaînes d'info dont les audiences sont largement revigorées par la Covid-19 et qui mettent plus l’accent sur les mesures gouvernementales et leurs conséquences que sur les raisons qui conduisent à les prendre.

Parce que sur ces mêmes plateaux-télé ou émissions radiophoniques, l'expertise des débatteurs n'est pas toujours au rendez-vous. Et François Jost sémiologue, évoque le « règne de l'ultracrépidarianisme", nouveau mot savant pour décrire le fait de parler de choses qui dépassent son champ de compétences. Un « grand » spécialiste n’est-il pas quelqu’un qui doute légitimement et qui l’avoue : ce n’est pas un crime ! Oui mais voilà dans notre monde actuel le doute n’est plus permis : il faut affirmer. Rien ne peut être gris, c’est tout blanc ou tout noir (sans polémique de couleur évidemment !). Et tout le monde devient spécialiste.

Leurs arguments ? Ils ont avancé que le virus vivait ses derniers jours, qu’il ne se propagerait pas, que les chaleurs estivales ou le froid de retour en viendraient à bout, que l’immunité collective suffirait, qu’il serait moins virulent après mutation. Ou encore en commun avec nos défenseurs de la « liberté », que toutes les règles sanitaires imposées constituaient une atteinte aux droits de la personne.

Arguments légers et à mille lieues de la réalité et la situation sanitaire mondiale actuelle, qui peuvent avoir de lourdes conséquences, notamment en termes de vigilance.

immunitécollectL’immunité collective. « L’immunité collective par infection naturelle n’est pas une stratégie, c’est le signe qu’un gouvernement n’a pas réussi à contrôler une épidémie et qu’il en paie le prix en vies perdues », selon Florian Krammer, (professeur de microbiologie à l’école de médecine Icahn - hôpital Mount Sinaï - New York) qui remet les pendules à l’heure. On atteint un stade de stagnation de l’épidémie parce que le nombre de décès diminue. Oui si l’on veut, mais le nombre de cas diagnostiqués augmente et certes on dépiste « larga manu » sans discernement, le nombre des hospitalisations s’accroit et pas forcément en réanimation. Laisser dire que l'épidémie s'essouffle nous met tous en danger.


La mutation du virus le rendrait moins dangereux mais Didier Raoult péremptoire, est maintenant moins rassurant sur ce point.

Le confinement imposé par les autorités sanitaires serait inutile. Une étude de l’Université d’Oxford (qui a démontré qu’il n’y a pas de lien probable entre les méthodes de confinement et la mortalité) est abondamment utilisée. Pourtant, des études de courbes observées en milieu hospitalier montrent au contraire que les hospitalisations chutent quelques semaines après l’entrée en vigueur de mesures de confinement.

Quant aux chaleurs elles n’ont rien « tué » sinon toutes les régions « chaudes » seraient totalement hors du circuit de contamination.

Enfin le relâchement des gestes barrière et le rejet des mesures de prévention face à une réelle menace, ils seraient catastrophiques.

Rassurants les rassuristes ? Pas si sûr ….

Une bonne part de la population stressée, pour ne pas dire exaspérée par l’incroyable place qu’occupe la COVID-19 dans son quotidien, a besoin de se faire dire que ça va mieux ; elle veut se faire dire que ça va mieux. Dans un tel contexte, il est facile pour les rassuristes de trouver écho à leurs propos « tranquillisants »..

Cependant les « rassuristes » ne sont pas rassurants ou apaisants. Parce que lancés tous azimuts, les points de vue de ces scientifiques contribuent à créer le chaos et à ébranler la confiance des gens. Dix mois – voire même onze mois - après l’arrivée de la COVID-19 chez nous, il est vrai qu’il y a des jours où on ne sait plus à quel saint se vouer.

Où est passée la nécessaire prudence dont devraient faire preuve ces scientifiques et spécialistes du « rassurisme » ? Sans doute happés par la compétition engendrée par les médias, l’appât du paraître, et cette obsession du « je dois me faire entendre », ils tiennent des propos roulés dans la certitude (ou si je voulais provoquer « dans la farine »). La polarisation du débat fait perdre du temps qu’on pourrait employer à mieux gérer la crise qui sévit actuellement.

Car la réalité est autre et la menace réelle. Au contraire ces faits devraient, doivent conduire à adopter les comportements adaptés et respectueux, en laissant à chacun la possibilité de prouver que grâce à son expertise personnelle, il peut apporter sa pierre à l’édifice, sans menaces.

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Rassurer c’est bien ce que en tant que professionnel de santé, j’essaie de réussir chaque jour avec des explications claires transparentes argumentées sur la preuve, audibles et compréhensibles par tous et pour tous, en écoutant et entendant les souhaits de mes patients.





« Les mesures restrictives des droits et libertés ne sont légales que si elles répondent aux trois exigences inhérentes au principe de proportionnalité : la nécessité, l'adéquation et la proportionnalité
 ».


Source : 

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/video-rassuristes-contre-alarmistes-cet-epidemiologiste-ne-croit-pas-a-une-deuxieme-vague-de-covid-19_4133257.html

https://www.liberation.fr/france/2020/10/04/cinq-arguments-des-rassuristes-passes-au-crible_1801400

https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/covid-19-pourquoi-il-faut-denoncer-les-rassuristes_2135790.html

https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-la-reponse-des-soignants-aux-arguments-des-rassuristes-3994911

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-comment-les-rassuristes-tentent-d-inoculer-le-doute-sur-les-mesures-sanitaires_4131769

https://www.lapresse.ca/covid-19/2020-10-07/les-rassuristes.php

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/video-rassuristes-contre-alarmistes-cet-epidemiologiste-ne-croit-pas-a-une-deuxieme-vague-de-covid-19_4133257.html

 

#1MASQUEPOURTOUS, ça rassure !