COVID 19 : Porteur de cahier de rappel. Où la Covid 19 génère des emplois insolites !

COVID 19 : Porteur de cahier de rappel. Où la Covid 19 génère des emplois insolites !

Signé Dr Joelle Laffont, Médecin Vasculaire , Toulouse

"Je pense que la célébrité en elle-même n'est pas une récompense. Tout au plus, elle te permet d'avoir une place au restaurant." David Bowie

"Un grand restaurant ne se résume pas uniquement aux clients et aux belles voitures. Derrière il y a de la rigueur, de la passion, de l'amour du travail bien fait, de la discipline et de la transmission du savoir." Anoymus


restaurant chocolat
 La pandémie de Covid 19 ou plutôt sa gestion erratique -
met à       mal l’emploi, ruine le spectacle vivant, met au tapis les métiers du tourisme, ferme les salles de sports, voit se mettre en place les premiers plans sociaux (surement pas les derniers et toujours plus ravageurs), confine les gens à domicile où tout est possible, étouffe la vie en société.

 Mais d’un autre côté, surprise, elle voit naître des « petits boulots »      inédits jusqu’alors !!! Parmi lesquels « rechargeur » de flacons de gel hydroalcoolique, installateur des marqueurs de distance au sol, organisateur des files d’attente au laboratoire, veilleur du lavage des mains à l’entrée des magasins (parce que çà tend à l’oubli), compteur d’entrées dans les lieux publics…. Dernier d’entre eux, le porteur (ou responsable) du « cahier de rappel »,

Le « cahier de rappel » c’est quoi ?

Un registre dans lequel bars et restaurants se doivent de consigner noms et numéros de téléphone des clients qui fréquentent l’établissement. Ceci afin d’obéir au protocole sanitaire qui leur est imposé.

Le « cahier de rappel » pour quel objectif ?

Retracer l’ensemble des clients d’un bar ou d’un restaurant, et lister les cas-contact en contactant au plus vite les consommateurs qui ont pu être en contact avec une personne atteinte de la Covid 19 lors de leur passage dans l’établissement.

Le « cahiers de rappel » comment est-il né ?

Ce cahier de rappel a été mis en place en raison de l’échec patent de l’application « Stop-Covid » [seuls 2,3 millions de téléchargements ont été enregistrés - près de 700 000 selon CCL-Covid désinstallations de l’application –– chiffres à ajouter aux utilisateurs qui ne l’ont jamais activé : résultat une opération dérisoire. « Le nombre de notifications à des cas contacts est ainsi actuellement inférieur à 200 sur trois mois », rapporte CCL-Covid.]. On attend avec impatience la nouvelle version qui solutionnera tout.
Le « cahier de rappel » est né pour « éviter le pire ». À l’initiative des restaurateurs et hôteliers stigmatisés, qui dans une situation très difficile après les mois de confinement et les restrictions, ont proposé une série de mesures aux autorités pour rester ouverts même en cas de passage en alerte maximale, lorsque cette menace a pointé le bout de son joli nez au retour des vacances estivales. Il y a les gestes barrière (masque pour la clientèle et le service - gel hydroalcoolique), la distanciation sociale avec une limitation plus stricte du nombre de convives autour des tables – la règle des 6, sans oublier la ventilation des lieux clos.

Le « cahiers de rappel » quelle efficacité espérée/ attendue ?

Cette initiative , mise en œuvre correctement, pourrait effectivement corriger un angle mort de la lutte contre la Covid 19 en France. Les bars et les restaurants constituent un point aveugle de la cartographie des clusters. Et la salle de restaurant (et en pire les bars) serait la pire configuration puisqu’elle concentre les risques liés au fait d’être en intérieur et sans masque : en intérieur, la concentration du virus dans l’air augmente plus facilement. Rajoutons le fait “qu’on y mange, on y boit, on y parle” : « dans toutes les activités oropharyngées, de la respiration aux hurlements en passant par la parole, les éternuements, on va avoir des émissions de particules” (Jean-François Doussin spécialiste des aérosols atmosphériques et de la pollution particulaire, au HuffPost). Cependant aucune étude sérieuse (considérant salle et terrasse, service à table et à emporter) n’a prouvé la véracité de ce qui nous semble pétri de bons sens.
En théorie, l’avantage est évident. En disposant des noms et des heures de visites, les clusters qui ont leur origine dans les bars et les restaurants peuvent être effectivement comptabilisés. Et surtout le fameux traçage de contacts peut avoir lieu bien plus efficacement. Comme à Kiel en juillet, où ce qui aurait pu être un gigantesque foyer épidémique essaimant à partir du snack-bar de la gare principale, vers toute la région a pu être en grande partie évité grâce à ce système. Ou encore dans le quartier étudiant à la mode de Neukölln à Berlin, plusieurs clients d’une brasserie ont été testés positifs au SARS-CoV-2. En utilisant le cahier, les autorités ont pu contacter 70 personnes pour les mettre à l’écart avant d’être testées.
Ce système a été mis en place depuis Aout, dans des pays qui s’en sortent mieux que nous sur le front de l’épidémie, comme l’Allemagne et l’Italie (ou encore en Autriche, en Suisse).

Le « cahier de rappel », les informations qui doivent y figurer sont-elles protégées ?
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En effet si l’outil peut prendre plusieurs formes, il interroge sur la possibilité du vol de ces données (démontré avec éclat un groupe de hackers allemands à la fin du mois d’août) ou sur la protection des données personnelles qui sont conservées par les patrons de ces établissements et constituent dans l’absolu une mine de renseignements pour les autorités, quel que soit le sujet de l’enquête.

La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) garante de l'application du Règlement général sur la protection des données, a instauré des garde-fous et publié un guide des bonnes pratiques.
Les clients doivent être "informés de l’objet de cette collecte et des droits dont ils disposent concernant leurs données".

"Les données à collecter doivent se limiter à l’identité de la personne (nom/prénom) ainsi qu’à un seul moyen de contact (numéro de téléphone) 

il est interdit de collecter davantage de données". L’heure d'arrivée et celle de départ doivent être notées. En revanche une pièce d'identité ne peut être réclamée par le restaurateur, c'est au client de faire preuve d'honnêteté. Les données fournies par les clients ne peuvent être utilisées que dans un cadre sanitaire. Les restaurateurs ont interdiction de s’en servir pour formuler des offres promotionnelles ou à des fins personnelles. En cas d’abus, les clients sont invités à saisir la Cnil.


Les informations de contact ne doivent être conservées que 14 jours. Au-delà, elles doivent être supprimées ou détruites.


Les informations ne doivent pas figurer sur un carnet en libre-accès, où chacun inscrit son nom et son numéro de téléphone… et peut au passage voir ceux des clients précédents. Le formulaire individuel est recommandé, à remplir à sa table, ou bien complété par le restaurateur lui-même à l'arrivée.

Le formulaire doit ensuite "être conservé dans un lieu sécurisé et ne pas être laissé à la vue de tous les clients". Pour les établissements qui ont opté pour un système numérique (logiciel, QR Code), les données doivent être protégées avec un mot de passe "robuste" et surtout pas stockées sur une clé USB.

Le « cahier de rappel » il a quel aspect ?

Chaque « cahier de rappel » qui peut s’inspirer des formulaires proposés par la CNIL, rend compte du standing de l’établissement. Et selon l’endroit qui nous accueillera jusqu’à 21 heures pétantes, il nous sera proposé un registre sous la forme :
  • D’un joli carnet cartonné en vélin, façon livre d’or, pour les plus chics,
  • D’un cahier d’écolier pour ceux pour qui c’est une corvée,
  • D’une feuille volante trop photocopiée avec des cases de tableau Excel pour les plus administratifs,
  • D’un document agrémenté de petites blagues complices pour les chaînes franchisées dont les cadres en communication voient dans chaque galère une potentielle amélioration de l’expérience client.

Ou encore mieux : la version « digitalisée ». Les clients n’ont qu’à scanner le QR code affiché sur la table du restaurant pour afficher le cahier directement sur leur smartphone et renseigner leurs coordonnées. Ce dispositif « rassurerait » la clientèle et libère du temps pour la brigade de restauration qui peut se concentrer exclusivement sur le service : tout le monde est content !
Le métier de « porteur du cahier de rappel » c’est quoi ?

S’il n’est pas nécessaire pour exercer cet emploi de ressembler à l’une de ces somptueuses créatures perchées sur des talons qui se penchent sur le front des clients du Café Marly, au pied de la Pyramide du Louvre, pour prendre leur température, la fonction de collecte des coordonnées est une tâche qui demande discrétion, tact et finesse.


Les clients sont dès à présent, tenus (il faut lire obligés) de communiquer leurs données et cela ne se fait pas sans douleur mais bien expliqué çà va passer !

Le job est plus ingrat que celui du porteur de flacon de gel hydroalcoolique qui a l’air d’offrir quelque chose plutôt que de réclamer.

Il n’est pas toujours bien accueilli, le porteur du « cahier de rappel ». Il doit préciser qu’il ne le fait pas de gaieté de cœur et que çà lui pèse ce rôle de « contrôleur » (çà calmerait les sceptiques), rassurer les méfiants qui redoutent l’exploitation malveillante et malhonnête de leurs données, faire comprendre aux sanitairement inquiets que c’est bien le minimum. L’humour à bon escient n’est pas interdit. Il patientera devant les clients inconnus qui se demandent s’ils ne sont pas trop connus pour laisser leur téléphone, se forcera à sourire quand pour la énième fois de la journée il entend « je pourrais mettre Emmanuel Macron ou Jean Castex ou Olivier Veran ou Arthur ou le nom de mon voisin » avant que les clients ne se ravisent car tout compte fait, ce n’est pas si mal d’être prévenu. Et à force d’habitude et d’observation, il devinera les gens importants à cet indice manifeste, le numéro du standard de leur entreprise remplace celui de leur portable.

Cependant il y a déjà menace sur ce boulot de génération virale. En effet dans le lot des responsables et gérants d’établissements, il y a ceux qui préfèrent laisser un registre à l’extérieur de leur établissement (« merci de vous inscrire avant de vous installer »), ceux qui prennent les numéros sur leur carnet de commandes avant les entrées, ceux qui déposent à l’avance des petites fiches sur la table ou des QR codes demandant de s’enregistrer sans papier ni crayon. On ne peut jurer de rien dans un monde où l’imprévisible et l’opportunisme commandent.


Mise en danger des libertés, mise en danger des données privées, le porteur de cahier de rappel n’est pas un « auxiliaire de police » même si des dérives ont été observées dans les pays voisins utilisateurs (la liste de contact Coronavirus peut servir de preuve dans une affaire de justice, d’après le code de procédure pénale allemand !).


Alors accueillons-le avec bienveillance lors de notre prochain passage dans l’un de ces lieux où seul compte le plaisir des papilles et la convivialité terme tellement malmené par les temps qui courent.

Source : 

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/10/16/porteur-de-cahier-de-rappel-un-metier-covid-19_6056280_4500055.html?xtor=EPR-32280631-[m-le-mag]-20201016

https://fr.news.yahoo.com/covid-19-le-cahier-de-rappel-dans-les-restaurants-existe-deja-ailleurs-voici-le-resultat-

https://www.tom.travel/2020/10/09/covid-19-vazee-digitalise-cahier-rappel-restaurateurs

https://www.europe1.fr/societe/covid-19-comment-garantir-la-securite-des-donnees-des-cahiers-de-rappel-des-restaurants -


https://www.cnil.fr/fr/cahier-de-rappel-exemples-de-formulaire-de-recueil-de-donnees-et-mentions-dinformation-rgpd