Deux lettres, deux destins

Deux lettres, deux destins

" La mort en réanimation est une mort « particulière » dans le sens où elle ne correspond pas à la « bonne mort » telle qu’elle est définie aujourd’hui dans notre société. Une « bonne mort » est décrite comme une mort douce, sans acharnement thérapeutique et sans violence technique, prenant en compte la personne dans son intégrité. En réanimation, ce n’est pas ce type de mort  inconscients, et que leur vie est étroitement dépendante des machines et des techniques qui les  est extrêmement forte et nombreux sont les soignants qui évoquent une « mauvaise mort », une mort « qu’ils ne souhaitent pas à leurs proches ». Nancy Kentish-Barne

"On peut être altruiste dans son salon mais quand on est probablement proche de la fin de sa vie, avoir autant d'attention sur la collectivité, ça nous a énormément marqué." Elie Azoulay

"C'est quelqu'un qui nous a énormément marqué par sa générosité. Elle a posé les bonnes questions, elle était très informée, et elle avait déjà parlé de ses préférences, de ses directives anticipées" Elie Azoulay



Deux lettres , deux destins, deux histoires,  partagés par Guy Môquet et "Madame Denise"

Voici le texte de la dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941:

«Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé,

Je vais mourir! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas!

J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme. 

17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.

Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon coeur d’enfant. Courage!

Votre Guy qui vous aime»


Voici le lettre adressé à Madame Denise , lettre qu'elle ne pourra pas  lire (Pr ElieAzoulay, Pr Sadek Beloucif, Nancy Kentosh-Barnes, Dr Matthieu Le Dorze), Le Monde du 8/12/2020
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La première lettre émane d'un jeune homme âgé de 17 ans qui sait qu'il va mourrir, lettre lue en son temps dans les écoles. La deuxième lettre est adressée à Madame Denise, âgée de 90 ans, lettre qu'elle ne lira jamais, emportée par la Covid-19, lettre écrite par l'équipe médicale qui l'a prise en charge à l'Hôpital Saint Louis. Ces deux itinéraires si éloignés sont très proches. Ils ont en commun une mort d'un côté annoncée et une mort de l'autre côté attendue. Leur mort de l'un comme de  l'autre sert à quelque chose. Guy Môquet est mort pour une cause juste, mais cette mort était injuste. L 'histoire de Madame Denise a bouleversé une équipe de réanimation. Elle a refusé le dernier lit de réanimation pour laisser la place "aux jeunes" et par souci d'un manque possible d'oxygène pour tous les patients. Ces quelques lignes résument la situation provoquée au sein de l'équipe médicale : "Chère Madame, nous vous savons gré de cette expérience médicale, humaine et sociale inédite. Nous penserons à vous à chaque situation dans laquelle une décision difficile devra être prise, merci pour cet échange si riche d'enseignement". C'est le coeur de la médecine, de celle que je m'efforce de suivre. Car cette histoire passe en revue toutes les choses importantes de la médecine.Toujours écouter et discuter avec le patient et sa famille proche, respectez ses souhaits, ses directives anticipées, ne pas s'obstiner quand c'est inutile ,l'acharnement thérapeutique une obstination à risque, enfin expliquer et se concerter avant de décider pour tout ce qui est grave et moins grave. La réanimation est un secteur difficile tant sur le plan médical que celui de la conscience.

Ces deux lettres doivent être diffusées, lue et relues. Celle de Madame Denise devrait être lue et commentée à la Faculté de Médecine .

" Mme Denise énormément marqué par sa générosité", explique Elie Azoulay.

Madame Denise et Guy Môquet sont amenés à se rencontrer dans l'au-delà car l'un comme l'autre ont fait preuve d'un altruisme "débordant", cet altruisme dont nous avons tant besoin actuellement et qui fait défaut.

Merci au Pr Elie Azoulay ainsi qu'à toute votre équipe d'avoir partagé ces moments de vérité si importants. et oh combien utile. Compassion empathie, éthique, écoute  transparence, humanité, sont des attitudes si importantes en Médecine et ailleurs. La médecine d'aujourd'hui semble quelque fois les avoir oublié. 

Votre lettre sera précieuse pour tous les étudiants en Médecine.

J'insisterai une fois de plus sur l'ALTRUISME de ces deux destins, sur leur courage, leur détermination et sur leur lucidité commune.

Source : 
https://www.liberation.fr/france/2007/10/22/la-lettre-de-guy-moquet-le-texte-integral_12258
Le Monde du 8 Décembre 2020
https://www.cairn.info/fins-de-vie-ethique-et-societe--9782749251905-page-217.htm
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-des-medecins-de-l-hopital-saint-louis-rendent-hommage-a-une-patiente-decedee-tres-altruiste_4212163.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/07/covid-19-madame-nous-n-oublierons-jamais-que-vous-nous-avez-demande-de-nous-occuper-des-patients-qui-avaient-des-chances-de-s-en-sortir_6062434_3232.html

#1MASQUETOURTOUS c'est aussi de l'altruisme