Malformations Vasculaires

 
 “Il y a moins de l'ignorance à la Science que de la fausse science à la vraie science.”  Ernest Psichari
 
Entretien avec le Dr Monira NOU
Malformations à flux lent de l’adulte et de l’enfant

Le congrès de l'ISSVA vient de se terminer à Boston, Monira Nou a accepé pour MedVasc.info de nous faire partager son expérience et celle de la RCP (Réunion Collégiale Pluridisciplinaire ) du CHU de Montpellier sur les malformations vasculaires


nou moniraDr Monira NOU HOWALDT
Praticien hospitalier
 Service Médecine Vasculaire, Hôpital Saint Eloi, CHU Montpellier
Plateau Technique des explorations fonctionnelles vasculaires
Centre de cicatrisation des plaies vasculaires
Centre de phlébologie diagsnostique et interventionnelle
Centre de référence des malformations vasculaires (FAVA-Multi) 

Peux tu nous rappeler ce que sont les malformations vasculaires à flux lent de l’enfant et celle de l’adulte et le rôle de l’écho- Doppler ?

Les malformations vasculaires sont des anomalies de structure des vaisseaux, acquises au cours de l’embryogenèse. Il n’y a pas de prolifération cellulaire contrairement aux tumeurs vasculaires. Elles sont congénitales et sont donc présentes dès la naissance mais sont parfois asymptomatiques les premières années de vie. Elles ne régressent pas spontanément et évoluent tout au long de la vie de manière proportionnelle à la croissance de l’individu.

Les malformations vasculaires peuvent être isolées, combinées ou associées à d’autres anomalies (tissulaires, osseuses, dysmorphie etc…) en cas de forme syndromique. La classification de l’ISSVA (International Society of study of Vascular Anomalies) permet de distinguer les différentes anomalies vasculaires en fonction de leur flux, mais également en fonction du type de vaisseaux atteint, les gênes impliqués ainsi que les formes syndromiques. On distingue les malformations à flux lent (qui concernent les capillaires, les veines et des vaisseaux lymphatiques) et celles à flux rapide (également appelées malformations artério-veineuses). Les malformations vasculaires ont la capacité d’envahir et de disséquer les tissus hôtes sous-jacents (muscle, os, articulation, tendon, nerf etc…).

L’écho doppler est un examen de 1ère intention qui peut être réalisé aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant. Cet examen a l’avantage d’être non invasif, non vulnérant et non irradiant. Il permet de repérer la lésion vasculaire, de la caractériser, d’évaluer son extension par rapport aux structures sous-jacentes mais également d’analyser les flux afin de déterminer s’il s’agit d’une lésion à flux rapide ou bien à flux lent. Il doit donc systématiquement être demandé en cas de suspicion de malformations vasculaires. L’écho doppler est également utile dans le suivi des malformations vasculaires à flux lent. Il permet notamment de faire le diagnostic d’éventuelles complications (par exemple des thromboses ou des hémorragies) et permet de réaliser une véritable cartographie veineuse avec une analyse hémodynamique qui peut être utile dans le cadre d’un bilan pré thérapeutique d’une malformation veineuse.
 
 
A                                                                                     B                                                              
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C                                                                                          D

Malformation veineuse en échographie (A) et présence d’un phlébolithe (B) (Collection CHU Montpellier)
Malformation veineuse avant (A) et après thrombose (D) (Collection CHU Montpellier)

Particularités des malformations à flux lent de l’enfant, rôle de l‘imagerie radiologique, quand ? pourquoi systématique ?

L’angiome plan est la malformation capillaire la plus fréquemment rencontrée. Il s’agit d’une malformation superficielle qui est donc visible. Elle peut générer un retentissement esthétique mais très souvent, au cours du temps l’angiome aura tendance à s’éclaircir Il existe des formes syndromiques avec malformation capillaire tel que le syndrome de Sturge Weber-Krabbe ou le Syndrome de Cobb qui justifient d’une prise en charge spécifique. Il est possible de réaliser des séances de laser percutané à colorant pulsé pour réduire la teinte de l’angiome plan. Débuté dans l’enfance, le laser aura une meilleure efficacité. Attention néanmoins aux formes masquées de malformations artério-veineuses qui peuvent se présenter sous la forme d’un angiome plan au début de leur évolution.

PHOTOMONIRANNNCollection CHU Montpellier 

Les malformations veineuses sont les plus fréquentes des malformations vasculaires (environ 50 %). 
Elles peuvent toucher toutes les parties du corps mais l’atteinte du visage et des membres sont les plus fréquentes. Lorsque l’atteinte est superficielle, elle peut être visible dès la naissance mais très souvent il existe une atteinte plus profonde (intra-musculaire) qui peut se révéler après plusieurs années d’évolution vers la petite enfance ou bien vers l’adolescence à la suite d’une complication (évènements douloureux, gonflement, thromboses, saignement etc…). Les formes sporadiques sont les plus fréquentes mais il existe des formes héréditaires dans environ 2% des cas (Malformations veineuses cutanéomuqueuses (MVCM), Malformation Glomuveineuse, Syndrome de Bean etc…). La présence de trouble de la coagulation (Coagulopathie intra-vasculaire localisée ou diffuse CIVL ou CIVD) est fréquente dans les formes intramusculaires et/ou étendues et justifie d’une prise en charge dédiée et de précaution avant tout geste thérapeutique (sclérothérapie, chirurgie ou traitement endoveineux par Laser ou Radiofréquence). La réalisation d’une angio-IRM est systématique en complément de l’écho-Doppler.

MO1Exemples de malformations veineuses (Collection CHU Montpellier)

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Exemples de malformations veineuses à l’IRM en séquence T1 et T2 (Collection CHU Montpellier)



Les malformations lymphatiques peuvent se manifester sous la forme de 2 tableaux cliniques. Soit il existe une atteinte des vaisseaux lymphatiques primitifs et dans ce cas-là il s’agira d’un lymphœdème. Soit il existe une atteinte extra tronculaire qui peut se manifester sous la forme de macro-kyste lymphatiques ou bien de microkystes lymphatiques. Les macrokystes lymphatiques peuvent justifier d’une prise en charge dès l’enfance lorsqu’ils sont de volume important pour limiter les complications.
L’imagerie servant à évaluer une malformation vasculaire chez l’enfant doit systématiquement comporter un écho-doppler. L’examen doit être réalisé par une équipe entraînée et habituée à la population pédiatrique. Elle devra être complétée par une angio-IRM pour la confirmer et en cas de doute diagnostique ou bien dans le cadre d’un bilan pré-thérapeutique pour mieux caractériser les rapports de la malformation. Néanmoins, chez les enfants en bas âges, l’IRM peut être décalée pour éviter d’être réalisée sous anesthésie générale lorsque la présentation clinique est typique et lorsque l’écho-doppler est suffisamment exhaustif pour ne pas avoir de doute diagnostique

 Particularité des malformations à flux rapides de l’adulte, rôle de l‘imagerie radiologique,    quand ? pourquoi systématique ?

Il existe 2 présentations cliniques de malformation artério-veineux (MAV). Soit il s’agit d’une communication anormale directe entre une artère et une veine et dans ce cas-là on va parler de fistule artério-veineuse. Soit il s’agit d’une communication via un lit capillaire embryonnaire (« nidus ») et on parlera de malformation artério-veineuse.

Les MAV ont un potentiel évolutif. Elles peuvent être quiescentes au début puis présenter une phase de croissance et être à l’origine de complications telles que des ulcérations et des hémorragies. Lorsque les MAV évoluent depuis longtemps, un retentissement cardiaque est possible (insuffisance cardiaque à haut débit). La réalisation d’une échographie cardiaque trans-thoracique est donc systématique dans le bilan initial et dans le suivi d’une malformation artério-veineuse.

L’écho doppler doit systématiquement être réalisé. Il permet de caractériser la malformation artério-veineuse et d’évaluer son retentissement en mesurant le calibre des artères participant à l’alimentation de la malformation. Il permet également de mesurer des débits qui seront utiles dans le suivi et de repérer les shunts artério-veineux lors du bilan pré-thérapeutique.

Une angio-IRM est systématiquement programmée en complément de l’écho doppler pour mieux caractériser la malformation ainsi que ses afférences et le drainage veineux. Un angioscanner avec des reconstructions 3D est également utile dans le cadre du bilan pré-chirurgical car il permet de bien visualiser les différents rapports de la malformation artério-veineuse. Enfin l’artériographie peut également être proposée notamment dans le cadre du bilan pré-thérapeutique des MAV cérébrales et ORL.

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Exemples de malformations artério-veineuses en angio-TDM avec reconstruction 3D (Collection CHU Montpellier)

Traitement des thromboses intra malformations veineuses ?

Le choix du traitement des s thromboses intra malformatives veineux va dépendre du type de malformation veineuse, de l’extension de la thrombose, de l’âge du patient et de la présence concomitante ou pas de trouble de la coagulation (coagulopathie type CIVL ou CIVD).
Chez les jeunes enfants, très souvent, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’ASPIRINE permettent de soulager le tableau clinique. Ensuite, en cas réponse insuffisante des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ou des AOD pourront être utilisés.

Chez les adultes le traitement de 1ère intention d’une thrombose veineuse intra malformative sera les héparines de bas poids moléculaire si la fonction rénale le permet. La posologie est variable et va dépendre notamment de l’extension de la thrombose et du type de malformations veineuses. En cas d’épisodes récurrents de thromboses il pourra se discuter un traitement au long cours par AVK ou bien par AOD.

Une compression veineuse est également systématiquement proposée.

Enquête génétique chez qui ? Quand ? Comment ? Ce que l’on peut en attendre ?

Suite à la découverte en 2012 de différentes mutations du gêne PIK3CA, l’association d’une hypertrophie de membres à des malformations vasculaires complexes à flux lent, peut justifier la réalisation d’une enquête génétique. En effet cela s’intègre dans le cadre des PROS syndrome (PIK3CA « overgrowth syndrome »). La voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR (phosphoïnositide-3- kinase/protéine kinase B/mechanistic target of rapamycin) joue un rôle majeur dans les processus cellulaires de la cellule normale tels que la prolifération, la croissance, l’angiogenèse, la survie cellulaire et le métabolisme. Les composants de cette voie interagissent avec de nombreuses autres voies, y compris la voie Ras/MAPK et AKT1. La suractivation de la voie PI3K/AKT/mTOR entraîne une dérégulation significative des fonctions cellulaires normales, qui à leur tour, conduit à un excès de croissance métabolique et angiogénique. La suractivation de la voie PI3K/AKT/mTOR entraîne une dérégulation significative des fonctions cellulaires normales qui, à son tour, conduit à un avantage métabolique de croissance compétitif et à l’angiogenèse. Les syndromes de CLOVES, Klippel Trenaunay et le Syndrome de Protée font partie des PROS Syndrome.
 
 Aparté : Informations complémentaires : PROS SYNDROME
Ensemble de syndromes hypertrophiques atteignant différents tissus liés à des mutations non héréditaires du gène PIK3CA apparaissant à un stade post-zygotique au cours du développement de l’embryon, dont le phénotype est extrêmement varié, dépendant de la localisation et du moment de leur apparition.

Le syndrome PROS comprend le FAO (« fibroadipose overgrowth »), le HHML (« hemihyperplasia-multiple lipomatosis), le DMEG (« dysplastic megalencephaly »), le MCAP (« megalencephaly-capillary malformation ») et le CLOVES (« congenital lipomatous asymetric overgrowth of the trunk with lymphatic, capillary, venous and combined type vascular malformations, epidermal naevi, scoliosis/skeletal and spinal anomalies »). Mais, l’entité PROS est évolutive au grès des découvertes de nouvelles mutations. C’est ainsi que le syndrome de Klippel-Trenaunay vient d’être d’être intégré aux PROS. La majorité des mutations sont retrouvées dans le gène PIK3CA qui code la sous-unité catalytique de l’enzyme phosphatidyl-3-kinase AKT/mTOR. Celle-ci catalyse la conversion du phosphatidylinositol (3, 4) bisphosphate en phosphatidylinositol (3, 4, 5) trisphosphate (PIP3), lequel active la sérine-thréonine kinase AKT. L’activation de AKT met en route la voie mTOR aboutissant à la prolifération cellulaire. Toutes ces mutations sont somatiques et activatrices (gain de fonction). Il n’existe pas de traitement spécifique pour les patients qui le plus souvent sont traités par chirurgie avec amputation/résection ou radiologie interventionnelle. Des progrès récents ont été constatés avec l’usage d’inhibiteurs de PIK3CA.


https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=syndrome%20PROS#:~:text=syndrome%20PROS%20l.m.&text=Ensemble%20de%20syndromes%20hypertrophiques%20atteignant,du%20moment%20de%20leur%20apparition.

La recherche de mutations génétiques par biologie moléculaire est faite soit sur un prélèvement sang, soit via une biopsie tissulaire réalisée sur le territoire atteint.

Deux classes thérapeutiques font l’objet d’intérêt dans ces cadres pathologiques : les inhibiteurs de mTOR et les inhibiteurs de PIK3CA :

• les inhibiteurs de la voie PI3K constituent une classe intéressante pour le traitement des PROS. En effet, l’inhibition sélective d’une isoforme de la voie PIK3CA peut directement inverser le défaut moléculaire prédominant, tout en minimisant le risque d’effets hors cible provenant de l’inhibition des autres isoformes. Les principaux effets secondaires associés à ces composés sont l’hyperglycémie et les effets secondaires gastro-intestinaux. En 2016, les premiers essais ont été réalisés, après autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, devant l’absence d’autres possibilités thérapeutiques et le pronostic vital du patient engagé à court terme. La publication des résultats dans Nature et plusieurs autres publications montrent l’efficacité de l’alpélisib, un inhibiteur de PIK3CA, sur la réduction des zones hypertrophiques, l’amélioration des scolioses, les douleurs, la qualité de vie dans les syndromes PROS.

• les inhibiteurs de la voie mTOR comprennent le sirolimus (rapamycine), l’évérolimus, le ridaforolimus, le temsirolimus, et sont des traitements autorisés pour toute une série d’affections allant de la suppression des transplantations au traitement du cancer. Les effets inhibiteurs de croissance des inhibiteurs de mTOR sont obtenus par l’inhibition du cycle cellulaire et le blocage de la progression du cycle cellulaire. Les inhibiteurs de la voie mTOR sont importants pour la production et la sécrétion d’insuline. Une revue de la littérature montre l’intérêt de la rapamycine (sirolimus) dans les malformations lymphatiques et/ou veineuses avec ou sans hypertrophie, avec des résultats prometteurs. La rapamycine aurait un effet sur la douleur mais peu sur le volume du membre hypertrophié. Une première publication à la suite d’un essai randomisé au niveau national montre un effet significatif sur la taille pour les malformations lymphatiques uniquement, la symptomatologie douloureuse est diminuée dans les malformations veineuses et les malformations combinées, et la qualité de vie augmentée.

Carte Blanche : demain les malformations veineuses

Dans les malformations veineuses, le panel thérapeutique est large. Il est à la fois médical, comme nous venons de le détailler précédemment en s’appuyant sur la compression, les antalgiques et les anticoagulants. Mais la prise en charge est également interventionnelle. La sclérothérapie fait partie des traitements référence et de 1ère intention et permet de réduire le volume de la malformation, améliore le retentissement fonctionnel, les douleurs et les complications thrombotiques. L’avènement des thérapies endovasculaires tel que le laser endoveineux ou les recanalisations veineuses, ouvrent un axe thérapeutique supplémentaire très intéressant et complémentaire mais nécessite d’être réalisée par une équipe habituée à ce type de pathologie.

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Collection CHU Montpellier by Monira Nou


La prise en charge des malformations vasculaires doit être multidisciplinaire. Les avancées génétiques permettent de mieux comprendre les mécanismes de survenue des malformations mais également le développement de thérapie ciblées, offrant ainsi à nos patients, l’espoir de trouver des traitements plus efficaces pour les soulager.

Un grand MERCI Monira , une expertise accomplie en matière de malformations vasculaires, qui témoigne de la vitalité de la consultation multidisciplinaire des malformations vasculaires du CHU de Montpellier, Médecine Vasculaire, Saint Eloi  :  
Pr Isabelle Quéré ,Dr  Sandrine Mestre Godin, Dr Michèle Bigorre, Pr Héléne Kovacsik , Dr Jochen Roessler,.....pour les piliers de la "MULTI" , l'équipe se renforce régulièrement en fonctions des cas cliniques à traiter.