Occlusion Carotidienne

 
 
“Dans le doute, dites la vérité. Mark Twain

Endovascular Surgery Revascularization of Chronic Cervical Carotid Occlusions. Systematic Review and Meta-Analysis.
Chirurgie endovasculaire Revascularisation des occlusions carotidiennes cervicales chroniques : revue systématique et méta‐analyse
Ortega-Gutierrez S., Galecio-Castillo M., Zevallos CB., Rodriguez-Calienes A., Vivanco-Suarez J., Weng J., Samaniego EA., Farooqui M., MD, Derdeyn C.
Stroke Vascular and Interventional Neurology, 2023 June epub
https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/SVIN.123.0008
Article libre d'accés

Analyse  par François Becker
L’objectif des auteurs était de réaliser une revue systématique de la littérature avec méta-analyse de toutes les données disponibles pour évaluer le taux de recanalisation et la sécurité des occlusions chroniques symptomatiques de l’artère carotide interne extra-crânienne (ACIec) traitées par chirurgie endovasculaire (recanalisation par angioplastie-stenting).
 
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Critère principal d’efficacité :  

Taux de recanalisation (déploiement du stent avec succès et restauration d’un flux antégrade cervico-encéphalique sans réocclusion aigue durant la procédure).

Critère principal de sécurité  : 

 Taux d’AIT et d’AVC ischémique et toute hémorragie intra-crânienne à 30 jours post-procédure (les lésions intracrâniennes ischémiques n’ont été considérées que si symptomatiques)

Les auteurs ont également comparé les taux de récidive d’AVC entre angioplastie-stenting et « meilleur traitement médical » du moment dans les études qui le permettaient.
 
Critères secondaires :

Récidive d’accident ischémique (AIT, AVC) à long terme (NB : long terme = plus de 30 jours post-op.

Autres accidents peri-opératoires et mortalité à j30.

1ère question, qu’appelaient-ils occlusion chronique symptomatique ?
 
Ont été qualifiées de chroniques les occlusions dont le diagnostic a été fait au moins 2 semaines avant le geste endovasculaire ou les occlusions dites chroniques dans les articles analysés. Cette définition implique que des cas auraient été classés en occlusions aigues par d’autres.


Dans le tableau 2, les cas avec délai « Dg d’occlusion – Tt endovasculaire » < 1 mois ou délai inconnu représentent la moitié des cas.

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Ont été qualifiées de symptomatiques les occlusions ACIec avec une symptomatologie neurologique relative à l’hémisphère concerné et/ou des signes d’hypoperfusion ipsilatérale en imagerie cérébrale. Donc là aussi une certaine hétérogénéité, des cas ont été classés sur des données cliniques, d’autres sur des données d’imagerie, d’autres sur des données cliniques et paracliniques.
 
Cette définition manque de précision et pose problème par rapport à la terminologie utilisée pour les sténoses carotides.

Mais c’est compliqué, il est important de connaitre l’ancienneté de l’occlusion ACIec et l’ancienneté des tableaux neurologique clinique et paraclinique en distinguant deux grands cas de figure -1 en continuité avec ou séquellaire de l’occlusion, 2-majoré ou apparu depuis l’occlusion.
 
Dans chaque cas il est important de savoir si la symptomatologie est liée à l’hémisphère homolatérale, à l’hémisphère controlatérale ou non-hémisphérique, et dans ces deux derniers cas s’il existe des lésions significatives sur l’axe carotidien controlatéral.
2ème question, quelles études ont été sélectionnées ?
 
Les auteurs ont sélectionné des RCTs, des études de cohortes, des études transversales, des séries de cas (n ≥ 10), des études cas-contrôles. 7176 articles ont été identifiés, 22 études ont été retenues pour la revue systématique, 18 pour la méta-analyse (soit 0.4% des articles identifiés).
Les 22 études comportaient un total de 750 patients traités par « chirurgie endovasculaire » (dont 561 retenus pour la méta-analyse) et 278 traités par « traitement médical ».
 
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L’âge moyen des patients variait de 55 à 67 ans, le taux de femmes dans les études variait de 0 à 52%.
La durée de suivi variait de 9 à 26 mois dans les séries « chirurgie endovasculaire » et de 10 à 56 mois pour les séries « traitement médical ».
 
Dans les séries « chirurgie endovasculaire » le délai « Dg d’occlusion ACIec-Tt EV » était ≥ 1 mois dans 6 études, ≥ 2 sem. dans 6 études et très imprécis dans 3 études.
Tout cela implique aussi une grande hétérogénéité.
Résultats.
 
Critère principal d’efficacité

Taux de recanalisation de 74% (95IC 0.66-0.80) pour 14 études (561 patients). Ce taux descend à 65% en excluant les études avec un délai connu d’occlusion < 1 mois.
 
Critère principal de sécurité

2% d’accidents ischémiques (95% IC : 1-4%) et 2% d’accidents hémorragiques (95% IC : 1-4%) péri-opératoires pour 13 études (534 patients). Ces taux ne bougent pas sensiblement en excluant les études avec un délai connu d’occlusion < 1 mois.
 
Critères secondaires d’efficacité :
 
12% (95%IC : 7-20%) de récidives d’accidents ischémiques cérébraux sur un délai de 9 à 52 mois dans les séries angioplastie-stenting (14%, 95%IC 10-19%) en excluant les études avec un délai connu d’occlusion < 1 mois)

19% (95%IC : 15-25%) de récidives d’accidents ischémiques cérébraux sur un délai de 9 à 52 mois dans les cohortes « traitement médical » (5 études, 313 cas)

Le taux d’autres complications péri-opératoires et de mortalité péri-opératoires étaient respectivement de 4 et 1%
 
Les auteurs abordent la discussion en disant que ces résultats sont très satisfaisants avec un profil de sécurité élevé de l’angioplastie-stenting et qu’une fois la recanalisation obtenue le traitement EV offre une efficacité plus élevée que celle du traitement médical seul.
 
Pas étonnant si on considère que déjà dans l’introduction les auteurs, citant les séries de cas de recanalisation EV d’occlusions subaigues/chroniques de l’ACIec, considèraient qu’un taux de complications de 5% (pour un taux de recanalisation de 60-70%) est un faible taux de complications …
 
Mon point de vue est nettement plus mitigé, est-ce que ce taux de complications péri-opératoires vaut la peine pour une efficacité de 65% en terme de recanalisation obtenue ?
Les auteurs reconnaissent toutefois plusieurs limites à leur travail ainsi notent-ils que 
 
Premièrement, les événements périprocéduraux sont auto-évalués et dans 15 études ont été collectés rétrospectivement, ce qui introduit des risques importants de biais de sélection et de notification.

Deuxièmement, les populations étudiées sont difficilement comparables. La plupart des patients rapportés traités avec cette procédure ont été sélectionnés sur la base de facteurs cliniques ou anatomiques, et seules 9 études ont formellement évalué les troubles hémodynamiques avant l'intervention. Les patients avec une déficience hémodynamique sévère peuvent avoir un risque beaucoup plus élevé d'AVC périprocédural (hémorragique ou ischémique).

Il est important de noter qu'aucun RCT comparant les deux interventions (angioplasie-stenting vs traitement médical optimal) n'a été trouvé. Par conséquent, il a été nécessaire d'effectuer une analyse des proportions obtenues à partir de bras uniques de différentes études non randomisées et d'un RCT.
 
De plus, la nature actuelle des critères de sélection des études fait qu’il y avait probablement un biais de sélection, où les patients pris en charge de manière conservatrice présentaient probablement lésions plus difficiles sur le plan technique selon les critères des neuro-interventionnistes et seules les lésions au profil plus favorable ont été stentées.
 
Étant donné que la majorité des analyses groupées ont été obtenues à partir d'études observationnelles rétrospectives, il y avait une grande hétérogénéité dans les définitions et les populations. Lorsque cela était faisable et que des données étaient fournies, les chercheurs ont extrait manuellement les sous-groupes de patients qui répondaient aux critères d'inclusion. Cependant, dans certaines études incluses, il y avait une incertitude concernant les segments traités et la description détaillée de la technique endovasculaire.
 
En ce qui concerne le traitement médical de nombreuses études ne répondaient pas aux critères d'inclusion et n'ont pas pu être incluses dans l’analyse, ce qui a limité la taille de l’échantillon. Les différents moments de suivi constituent une autre limitation importante. Le taux de récidive d'AVC varie dans le temps, et le manque de temps de suivi approprié et cohérent peut avoir conduit à sous-estimer ou à surestimer le nombre d'événements.
 
Enfin, le terme occlusion chronique manque d'une définition uniforme de la durée. Le traitement endovasculaire est fondamentalement différent chez un patient qui présente des symptômes d'une durée de 3 jours (en particulier lorsqu'il se poursuit avec une dépendance à la pression artérielle ou une inadéquation clinique/infarctus indiquant un état grave, atteinte hémodynamique proche de la pénombre) versus un patient présentant un déficit clinique stable suite à un événement ischémique (même si récurrent) survenu 3 mois auparavant. Comme le montre l'analyse de sensibilité, les occlusions plus anciennes ont des taux de revascularisation plus faibles, mais pas des taux de complications périprocédurales plus élevés. De plus, cette catégorie de patients semble avoir une histoire naturelle plus inquiétante, comme le note le nombre d'événements récurrents.
 
Par conséquent, il est clairement nécessaire de définir le terme occlusion chronique pour les recherches futures.
 
La définition doit tenir compte de la chronologie des symptômes les plus récents par rapport à la chronologie du diagnostic d'occlusion carotidienne et de la revascularisation.
 
Au total étude à prendre avec des pincettes ….
PS
 
La définition du terme occlusion chronique symptomatique est vraiment fondamentale pour savoir de quoi on parle.

Ce travail a le mérite de faire le point sur la question des indications de revascularisation par angioplastie-stenting des occlusions chroniques symptomatiques de l’artère carotide interne extra-crânienne, mais on est encore bien loin de la pratique quotidienne. Certes les progrès techniques (matériel et procédure) et le haut niveau de compétence de certaines équipes permettent d’envisager cette option, mais les auteurs reconnaissent que « Bien que ces résultats puissent être prometteurs, ils doivent être interprétés avec prudence et sans perdre de vue les limites de cette étude », que « les preuves à l’appui de la recanalisation endovasculaires de l’ACIec demeurent faibles ».

Les auteurs concluent que leur but ultime est la réalisation essais randomisés contrôlés pour identifier les patients à haut risque et asseoir l’efficacité et la sureté de la recanalisation endovasculaire des oblitérations chroniques symptomatiques de l’artère carotide interne extra-crânienne. Le premier travail consiste d’abord à définir les qualificatifs chroniques et symptomatiques …

 
PS 


1-Les occlusions chroniques symptomatiques ou asymptomatiques de l’ACIec n’ont pas fait l’objet de recommandations.

Les recommandations ESVS 2023 ne mentionnent que les sténoses pseudo-occlusives : Reco.56 « For symptomatic patients with carotid near occlusion and distal vessel collapse, carotid endarterectomy and carotid stenting are not recommended, unless as part of a randomised controlled trial (Class III, Level B) ». Reco.57 « For patients with carotid near occlusion and distal vessel collapse with recurrent carotid territory symptoms (despite best medical therapy), carotid endarterectomy or carotid artery stenting may be considered only after multidisciplinary team review (Class IIb, Level c ».

2-Le délai entre l’occlusion ACI et le moment à partir duquel elle est considérée comme chronique est fondamental pour la façon dont sera qualifié l’état neurologique du patient (état séquellaire ou complication évolutive ou nouvel épisode neurologique), mais aussi parce que certaines occlusion-thrombotiques de l’ACIec se recanalisent plus ou moins.

3-La définition du terme occlusion chronique symptomatique est vraiment fondamentale pour savoir de quoi on parle. Pour mémoire, un article princeps de Hackman sur les occlusions asymptomatiques de l’ACIec (Hackam DG. Prognosis of asymptomatic carotid artery occlusion, SR-MA. Stroke 2016 May)
• Taux annuel d’AIT homolatéraux : 1.0% (95%IC : 0.3-1.08%)
• Taux annuel d’AVC homolatéraux : 1.3% (95%IC : 0.4-2.1)
• Taux annuel de DC tte cause : 7.7% (95%IC : 4.3-11.2). DC cardiaque 3.3% (95% 1.2-5.4%)
Conclusion : « Stroke in ACAO is relatively infrequent, but patients face high mortality rates. This suggests the need for intensified medical therapy in ACAO ».

4-Le mode de recrutement de ces patients est également important à prendre en compte, le point de vue est différent suivant que le diagnostic d’occlusion ACIec est fait dans une unité d’exploration ou dans une unité neuro-vasculaire.

J’évoquerai une série personnelle comparant les deux modes de recrutement (Laboratoire d’EFV recevant des patients chroniques et des patients aigus à 50-50 versus Unité Neurologie-Vasculaire) durant une même période de 5 ans : 205 oblitérations ACIec diagnostiquées en EFV dont 49% étaient asymptomatiques (35% totalement asymptomatiques, 7% avec syndrome de l’hémisphère opposé, 7% avec symptômes non hémisphériques) versus 18 oblitérations ACI sur 250 AVCs en UNV (36% de séquelles majeures ou de décès).

F.Becker 27/06/202

 
On est très loin de la pratique quotidienne......qui pour l'instant ne RECOMMANDE PAS la recanalisation des occlusions carotidiennes chroniques, la seule indication désobstrution d'ue occlusio carotidienn aigue  en cas de thrombose post op (chirurgie ou endovasculaire)  immédiate.