La Médecine de l'émotion

La Médecine de l'émotion

illustration : Bordeaux : Monet, Renoir et Chagall pour la prochaine exposition des Bassins de Lumières à la base sous-marine, Janvier 2021

"La vie est faite de choix : Oui ou Non ; Continuer ou Abandonner ; Se relever ou Rester à terre... Certains choix comptent plus que d'autres : Aimer ou Haïr ; être un Héros ou un Lâche ; Se battre ou Se rendre ; Vivre ou Mourir. Je vais le répéter une dernière fois, pour ceux qui en douteraient encore : la vie est faite de choix. Vivre ou mourir, le choix le plus important, mais la décision nous appartient rarement" Grey's Anatomy - Derek Shepherd

"Je considérerai la santé et le bien-être de mon patient comme ma priorité "
Déclaration de Genève (Serment d'Hippocrate)

 Extraits de témoignages : la VIE, la MORT

Dr Christophe Luthy 

Service de médecine interne de réhabilitation
Département de réhabilitation et gériatrie
HUG, 1211 Genève 14

"La dernière fois où je me suis senti vaciller sérieusement, j’avais été appelé par un collègue auprès d’un jeune patient en fin de vie qui présentait des douleurs réfractaires. Evidemment, je ne me doutais pas que ce dernier avait décidé de mourir dans mes bras. En le voyant se redresser sur son matelas et tendre la main vers moi, j’ai rapidement compris cet appel sans qu’aucun doute ne puisse s’insinuer dans mon esprit. Naturellement, le collègue qui m’accompagnait nous a laissés seuls au plus mauvais moment pour répondre à son téléphone. Je me vois encore là, penché au-dessus de ces draps bleus sur lequel gisait ce corps frémissant. Pendant ce temps mes pensées et mon cœur, eux, étaient en apesanteur. J’avais beau avoir l’expérience de ce genre de situations, j’ai violemment ressenti cette difficulté si particulière qui consiste à guider une personne en douceur quelque part par là-bas. Ma main pétrie dans la sienne, j’aurais pu crier de douleur. J’aurais voulu clamer combien tout ceci était injuste. J’aurais espéré avoir davantage de temps pour dire à cette personne tout notre respect d’avoir mis tant d’efforts à se battre contre la maladie.

– Vous savez, je n’ai plus peur maintenant, me dit le patient " Je regrette seulement de ne pas avoir eu le courage de m’en aller plus tôt." Tout à coup, il a retenu son souffle avant de dire : – N’est-ce pas que vous le direz aux autres. Et sa tête s’est imperceptiblement posée plus profondément sur l’oreiller. Abasourdi, je suis resté au bord du lit avec mes questions. Je sentais encore nos mouvements de rapprochement. Et même si j’étais pleinement conscient du fait que pour permettre à un sujet de se dire, il convient également d’assumer l’irrémédiable de l’altérité, je discernais aussi combien mon sentiment de proximité prenait son origine dans la découverte que cet autre était naturellement installé au plus profond de moi. Je crois que c’est la vivacité de cette oscillation qui m’a laissé interdit."

https://www.biusante.parisdescartes.fr/blog/index.php/le-medecin-et-la-mort/

Comme le souligne Anne Carol, dans Les médecins et la mort, XIXe-XXe siècle, « il y a quelque chose de paradoxal à parler de médicalisation de la mort. Comment la médecine pourrait-elle s’approprier ce qui signe son échec, ce qui marque, justement, les limites de son pouvoir ? »
Le rapport à la mort s’est trouvé objectivement, mais aussi subjectivement, modifié à partir de la moitié du XIXe siècle, à la suite des révolutions scientifiques (avec Pasteur, Koch, etc. : découverte des antiseptiques, vaccination contre la rage, le choléra, la diphtérie, naissance de la microbiologie, de la radiologie, de l’électrocardiographie) qui progressivement, au XXe siècle, ont conduit la médecine de succès en succès jusqu’aux années 1980 : découverte des antibiotiques, transfusion sanguine, électroencéphalogramme, pacemaker, greffe du coeur, du rein, de la moelle osseuse, du poumon, échographie, scanner, IRM, fécondation in vitro, thérapie génique, PMA et GPA en debat… Il n’est pas sans la définition clinique de la mort qui ait changé et l’Intelligence Artificielle qui se profile comme un nouveau visage de la médecine.
Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, « l’attachement à la vie, la raréfaction relative de la mort – notamment épidémique – , qui se lit dans les courbes démographiques, rend plus légitime le désir de vivre, moins impérative la résignation » 

Covid-19 : « Il y a des malades qui ne seront pas pris en réanimation. On s’y prépare »
Bertrand Guidet, chef du service de réanimation à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, expose les importants dilemmes éthiques qui se posent aux médecins contraints de choisir entre plusieurs malades, et appelle à un débat de société sur le sujet. 


Commentaires
3D emotion space The seven basis emotions are exemplary mapped into this emotion space

La vie et la mort sont étroitement liées en Médecine. La vie, tout faire pour la préserver quand la mort est inéluctable tout faire pour l'accompagner.

Aujourd'hui la pandémie nous oblige à une réflexion sur la vie et la mort car dans certains cas va se poser ,le plus rarement possible, le choix de la vie ou le choix de la mort entre deux patients en réanimation , choix extrême dû à la pandémie et aux manque de possibilités de prise en charge de certains patients. Nul ne veut prendre cette décision, la chirurgie de guerre le fait mais nous ne sommes pas en guerre. C'est le pire pour un médecin et il faut éviter à tout prix d'avoir à se poser la question. Idem dans les EPHAD où la mort l'emporte le plus souvent sur la vie. Le notion de perte de chance est inadmissible en médecine.

Entre la vie et la mort se situe l'empathie et la compassionqui concernent  à la fois l'une et l'autre.
 

"L'empathiese résumerait à une aptitude cognitive du médecin, consistant à se mettre dans la situation du patient tout en gardant une distance émotionnelle ; qui serait une réaction émotionnelle involontaire et  qui dépendrait des programmes biologiques innés réglant les interactions sociales ;elle engloberait une composante cognitive et une composante émotionnelle."

"La relation empathique peut se définir comme un processus (Smith & Hoppe, 1991) qui guide les réponses successives du médecin dans le sens de la rencontre et favorise l’élaboration cognitive que nous avons déjà évoquée.

Schématiquement, ce processus se déroule en 6 points
reconnaître les moments d’émotion ;
- demander au patient ce qui se passe ;
- nommer l’émotion ;
- la légitimer ;
- respecter les efforts du patient pour faire face ;
- lui offrir aide et soutien pour le futur.

Une piste à visée pragmatique qui aide à concrétiser une attitude empathique."

Celle-ci aide le médecin à considérer son patient comme une personne à part entière, en donnant un droit d’existence tant à ses sentiments ainsi qu’à ses dérèglements somatiques.

"L’empathie initiale est nécessaire pour être touché. Mais ensuite il faut de la compassion pour se protéger des émotions négatives générées par l’empathie. Ce passage de l’empathie à la compassion est utile pour que les gens perçoivent eux-mêmes la différence et soient capables de distinguer un état empathique d’un état compassionnel".

Mais l'empathie se conjugue avec  a compassion : Elle marque des rapports différents à autrui et à soi-même. L’empathie fonctionne comme un simple miroir des émotions d’autrui, la compassion implique un sentiment de bienveillance, avec la volonté d’aider la personne qui souffre


L'empathie est totalement absente des débats à propos de la pandémie comme la compassion, très présentent au sein des équipes médicales, l'empathie et la compassion sont absentes des plateaux TV et autres,
normal ce n'est pas un critère d'audience. C'est absolument intolérable. On a la triste impression qu'à part énoncer tous les soirs le nombre de morts (bis repetita avec le croque mort de la république) personne ne fait référence à des personnes qui étaient encore en vie il ya quelques heures. Les médias cristallisent sur la mort donc sur la peur, peu sur les vies sauvées, peu sur qui étaient ces personnes, anisi va la vie........non la mort ! 

La médecine de l'émotion est très présente durant cette pandémie comme dans la médecine en général. L'émotion fait partie de l'exercice de la médecine mais en conservant une certaine distance permettant de prendre les bonnes décisions et ce quelque soient les difficultés.

"Tout ça montre peut-être que, comme me le disait il y a quelques jours Elisabeth Cuchet avec sa longue expérience de médecin réanimateur et anesthésiste, « la médecine c’est du cousu-main » et n’oublions pas toutes les facettes du soin si nous vous voulons lui garder son humanité." d'après JM Bruel un ami très cher.