ISS (3) BLOB

ISS (3) BLOB

Signé : Dr Joelle Laffont , Médecin Vasculaire, Toulouse et JPL (medvasc.info) 

"Ni animal, ni plante, ni champignon, le blob est une masse jaune à la texture spongieuse et aux capacités étonnantes ! Sans bouche, sans yeux ni estomac, cet organisme unicellulaire parvient néanmoins à voir et à digérer. Découpé en morceaux, il cicatrise en deux minutes, est capable de se reproduire (il présente pas moins de 720 sexes), de communiquer, de résoudre des énigmes et d'avoir différentes personnalités alors même qu'il n'a pas de cerveau et il est dénué de membres." Audrey Dussutour (AD)

« Jaune, moche, vaguement gluant » et sentant « la moisissure » AD

“L'intelligence dépersonnalise.” Léon Paul Fargue

“L'intelligence sans humour est difficilement de la vraie intelligence.” Etienne Chatiliez

"Le mesurable a conquis presque toute la science et en a discrédité toutes où il n'a pas pu s'introduire" Paul Valéry


CVT Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le 8187
Qui donc est BLOB compagnon de Thomas Pesquet à bord de l’ISS ?
Les vents  ot été favorables , le 23 avril 2021, le spationaute Thomas Pesquet a décollé de Cap Canaveral en équipage pour la mission Alpha, à destination de l’ISS (Station spatiale internationale) pour six mois de studieuses vacances spatiales.
 
À ses côtés un étrange compagnon, une mystérieuse intelligence sans cervelle qui casse les codes : le BLOB bien sûr.
Un fait divers texan : une première médiatique pour le Blob. Au matin du 26 mai 1973, dans les environs de Dallas : Marie H. découvre dans son jardin une chose étrange "mousseuse, crémeuse et jaune pâle, similaire à une omelette, pas plus grosse qu’un cookie". Elle pense qu’il s’agit d’un champignon. Deux semaines plus tard, la chose a atteint la taille de seize cookies ! Trop envahissante. Alors commence une tentative de destruction à coups de râteau. Deux jours plus tard la chose s’est régénérée et a doublé en taille. Malgré une attaque à coups de bâton, une semaine plus tard, la chose est de retour, toujours plus grande. M.H passe à la tentative d’empoisonnement avec un herbicide : « l’omelette » se met alors à saigner un liquide rouge. Mais le jour d’après, la chose est toujours là, visiblement décidée à s’incruster. Entrent alors en jeu les pompiers qui bombardent la chose d’eau à haute pression et la police qui canarde l’intrus à coup de fusil (on est au Texas quand même !). Rien à faire, la chose semble indestructible et continue de grossir. Puis soudain, l’intrus disparaît du jour au lendemain sans laisser de trace.
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Ça y est, on sait, c’est un extraterrestre. Surnommé "blob" (référence au film de science-fiction pas forcément très réussi, The Blob (1958) dans lequel un organisme ressemblant à une gelée anglaise arrive d’une autre planète et dévore tout sur son passage dans une petite ville de Pennsylvanie : flippant !).
 
Le blob -- de son véritable nom Physarum polycephalum – est un être unicellulaire bien terrestre sans bouche ni cerveau. Ni champignon, ni animal, ni végétal (ou les 3 peut-être), il s’agit d’un myxomycète, selon la génétique du règne des amibozoaires qui regroupe des organismes informes se déplaçant avec des excroissances appelées pseudopodes. En résumé « un champignon gluant » : charmant !

Les premiers blobs sont apparus sur terre il y a un milliard d’années. Le blob est composé d’une seule cellule géante, qui peut atteindre plusieurs mètres de diamètre jusque 10 m² (Dans les Appalaches, on a signalé un blob de plus d’un kilomètre carré). Petit rappel : une cellule humaine mesure en moyenne dix micromètres de diamètre, soit dix millions de fois moins. Demeurons modestes !

Le blob, est issu de la fusion de deux cellules sexuées, comme nous ! Elles ne sont pas appelées ovules ou spermatozoïdes car le blob possède… 720 sexes différents – quel talent ! que de réjouissances ! Une fois dans un milieu humide, ces cellules sexuées (appelées spores) partent en quête d’une cellule du sexe opposé. Avec plus de 720 possibilités, c’est la fête et la tâche se révèle plutôt aisée. Lorsque deux cellules de sexe opposé se rencontrent, elles fusionnent pour devenir une cellule unique. Mais là, contrairement à nous, la cellule ne va pas se diviser, seul son noyau va le faire. La cellule grandira au gré des divisions de ses noyaux jusqu’à atteindre des tailles record.
 
Son apparence ? Mille espèces ont été identifiées et surement plus : ronds, arborescents, informes, roses, jaunes, blancs, noirs cela dépend de l’espèce, d’aspect pas toujours fun.
Le Physarum polycephalum, est jaune vif et informe Il ressemble un peu à un lichen, une mousse jaune. En détail on perçoit un maillage de veines dans lesquelles circule le protoplasme, « le sang du blob ». Ce réseau veineux est en perpétuelle adaptation et distribue les nutriments et autres molécules essentielles, de manière étonnamment efficace en tous points de son organisme, en un minimum de temps dans toute la cellule.
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Comme un animal, le blob se déplace aussi et surtout lorsqu'il est affamé. Sa vitesse de pointe étant de 4 cm à l’heure alors pas de panique, il ne vous rampera pas après lors de l’une de vos visites dans les sous-bois ou les forêts, son habitat de prédilection car il affectionne les endroits sombres et humides, déteste la lumière.

 Etranges mœurs d’un quasi « Immortel ».
Il résiste à tout, au chaud, au froid, à l'eau, au feu. Mais il fait face aux menaces que sont la déforestation et le réchauffement climatique ; son milieu naturel se réduit et il ne peut survivre quand les températures dépassent les 29 degrés.
En été après une averse il est facilement repérable, car il aime la chaleur et l’humidité. Dès que les conditions environnementales sont mauvaises (sécheresse, manque de nourriture) le blob entre « en dormance » jusqu’à ce que la situation s’améliore. Il peut rester « en dormance » pendant des années.

Pour « réveiller » « la belle au bois dormant », il suffit simplement de l’arroser et de lui offrir de la nourriture. À chaque réveil, le blob redevient jeune et vigoureux, un incroyable quasi immortel. Autre étrangeté, un blob peut être découpé en de multiples morceaux, il saigne mais coagule extrêmement vite, cicatrise rapidement pour former des blobs autonomes. À l’inverse, des blobs génétiquement identiques placés dans un même environnement se perçoivent et fusionnent pour former un unique blob.

Étonnante intelligence sans cervelle !

Malgré sa simplicité apparente, le blob démontre une forme d’intelligence primitive. En effet cet être dépourvu de cerveau et de système nerveux est capable d’apprendre de ses expériences et de transmettre son savoir à ses congénères.

Il dispose d'étonnantes capacités d’adaptation : capable de trouver le chemin le plus court dans un labyrinthe avec une récompense « comestible », capable d’équilibrer son régime alimentaire, capable de joindre entre eux de multiples points pour former des réseaux optimisés efficaces, les moins redondants possible.
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Des capacités d'apprentissage simple appelé « habituation ». Celui-ci nous permet au quotidien de cesser de répondre à des stimulations désagréables répétitives mais inoffensives (bruit des voitures en ville) tout en restant alerte à des stimulations nouvelles (coup de klaxon).
L’habituation n’est pas éternelle, si vous déménagez à la campagne, vous réagirez de nouveau au pénible bruit des voitures.

L’habituation du blob a été démontrée par des chercheurs de l'université de Toulouse. Ils ont testé cette intelligence en titillant le blob sur l'un de ses points faibles : sa gourmandise ! Il est friand de bactéries de champignons et en laboratoire de flocons d'avoine, de jaune d’œuf. Ils ont placé, entre lui et des réserves de nourriture, des ponts saupoudrés de sel. Substance inoffensive pour le blob mais dont il répugne le contact. La première fois que le blob traverse le pont, il y va clairement à reculons et met plus de 10 heures à franchir le pont. Lors des traversées suivantes, le blob met de moins en moins de temps, jusqu’à effectuer le trajet en moins de 2 heures. Au total il n'a fallu au blob que quelques jours, pour faire fi de son aversion et aller chercher à manger de l'autre côté du pont. Une fois le blob habitué au sel, il fallait en vérifier la spécificité. Le blob a donc été contraint de traverser un pont contenant de la caféine, autre substance que le blob exècre. Il a mis une éternité à franchir le pont. Il n’était donc pas habitué à toutes substances désagréables.
Une fois cet apprentissage acquis, deux choses peut-être encore plus étonnantes.

 D'abord, le blob l'a gardé « en mémoire ». Même après plusieurs mois de dormance, il se souvenait qu'il pouvait passer les ponts de sel sans crainte même s’il reproduisait le schéma de la toute première traversée. L’habituation n’était pas éternelle : tiens donc, c’est comme pour nous alors ! Ensuite, le blob est capable de transmettre ses expériences à des congénères, en « fusionnant » temporairement avec eux.

Les blobs peuvent fusionner : question, un blob habitué peut-il transférer son savoir a un congénère naïf ? Les scientifiques ont fait fusionner un blob habitué au sel avec un blob naïf. Après la fusion les blobs ont été séparés et testés individuellement. Surprise ! Les blobs naïfs franchissent le pont rapidement et se comportent comme des blobs habitués au sel. Ils ont ensuite formé des paires de blobs "expérimentés", des paires de "naïfs" et des paires mixtes "naïfs-expérimentés" pour qu'ils fusionnent entre eux : les blobs mixtes étaient plus rapides que les blobs naïfs, comme si l'apprentissage du caractère inoffensif du sel avait été partagé. Avec des trios et des quatuors de blobs fusionnés, le résultat restait le même : tant qu'un « expérimenté » fait partie de l'équation, l'apprentissage est partagé. Pour prouver qu'un transfert d'informations avait bien eu lieu, ils ont effectué la même expérience, mais ils ont séparé (en les coupant en deux) les blobs "naïfs et expérimentés" qui avaient fusionné soit au bout d'une heure, soit au bout de trois. Résultat : seuls les blobs naïfs qui avaient fusionné au moins trois heures avec un blob expérimenté ignoraient le sel, les autres montraient une forte aversion.
Les chercheurs ont alors observé les blobs fusionnés au microscope et ont remarqué qu'une veine se formait entre eux au bout de... trois heures de contact : le vaisseau des échanges ?
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Cependant il faut savoir que les blobs venant de différentes régions du monde semblent ne pas être égaux lorsqu'il est question d’intelligence. Le blob australien a tendance à « réfléchir » avant de prendre une décision et apprend aussi plus facilement que le blob américain. Le blob japonais, quant à lui, est plus fonceur ; il se trompe une fois sur deux. Peut-être le résultat d'une compétition différente dans leurs régions d'origine. En tout cas, d'où qu'il vienne, le blob... n'est pas si bête !
 
Pourquoi les emmener dans l’espace ?
Pendant le voyage, les 4 blobs de l’espace (préparés par Audrey Dussutour chercheuse au CNRS), seront en dormance, c'est-à-dire tout secs et endormis. À leur arrivée dans l'ISS, Thomas Pesquet va les « réveiller » en mettant « une petite goutte d'eau dessus » et une de ses missions à bord sera d’observer leur comportement.
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Sur place, les blobs vivront dans des petites boites en plastique. Certains mieux lotis que d'autres. Deux blobs seront avec quatre flocons d'avoine et deux autres un petit peu moins chanceux partent sans nourriture. Sur Terre, ceux qui sont sans nourriture explorent toute leur boîte et finissent par s'endormir. Comment feront-ils dans l’espace après avoir été réveillés, en utilisant leur capacité à optimiser les trajets dans une stratégie de navigation vers la nourriture mais avec la contrainte de la faire dans l’espace, en impesanteur, et donc en 3 dimensions ?


Ceux qui face à 4 flocons d’avoine ont le droit de manger vont les connecter entre eux avec leur système veineux et pouvoir grandir.

Les déplacements des blobs dans l'espace seront filmés pour photographier leur évolution selon les deux protocoles. « Le blob avance à quelques millimètres par heure. Sur Terre, il rampe. Là, comme il sera soumis à la microgravité, peut-être aura-t-il plus tendance à explorer le couvercle et à descendre, à être un petit peu moins sage » (Audrey Dussutour).

En parallèle, les élèves de collèges et lycées équipés de leurs propres blobs réaliseront les mêmes expériences mais sur Terre cette fois, pour comparer le comportement de ces fameux petits organismes unicellulaires dans les 3 situations.

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Thomas  Pesquet vous présente le BLOB avec Audrey Dussutour
: https://www.youtube.com/watch?v=zqR0jWoYbfw&t=3s&ab_channel=CNES

Ces expériences démontrent pour la première fois qu’un unicellulaire peut apprendre sans avoir de cerveau et qu’il peut partager  son savoir ! Ces expériences pionnières viennent ébranler tout ce que l’on pensait savoir sur l’intelligence du vivant. La grande aventure du blob ne fait que commencer.
 
Source :

Découvrez l'histoire du blob, cet organisme unicellulaire qui ressemble à une omelette (francetvinfo.fr) (https://www.francetvinfo.fr/sciences/decouvrez-l-histoire-du-blob-cet-organisme-unicellulaire-qui-ressemble-a-une-omelette_2410857.html)