Marc Carrier
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Entretien avec Marc Carrier : COVID-19 et MTEV
"Le Canada est délimité au nord par l'or, à l'ouest par l'orient, à l'est par l'histoire et au sud par des amis" Frances Shelley Wees
« Advance - Ottawa - en Avant ». Devise de la ville d'Ottawa
Entretien avec Marc Carrier :Senior Scientist, Clinical Epidemiology Program
Ottawa Hospital Research Institute
Chief, Division of Hematology, Department of Medicine
The Ottawa Hospital
Professor, Department of Medicine
University of Ottawa
Marc Carrier est un éminenent spécialiste sur le maladie Vieneuse thrombo Embolique.
Il a publié entre 2011 et 2021 , 210 articles sur cette thématique dans les revues les plus prestigieuse.Cet entretien est centré sur la MTEV et la Covid-19Merci Marc , un grand Merci d'avoir répondu à mes questions et en francais
L’orage cytokinique qui est présent chez les patients Covid-19 en réanimation, comment est-il un activateur des phénomènes thrombotiques ?Excellente question. Je crois que l’entrée du virus dans la cellule endothéliale (exposition de facteur tissulaire), la cascade inflammatoire (relâche de cytokines) et l’orage cytokinique (activation du complément) sont tous des activateurs inter-reliés qui contribuent à la formation de thrombine, le dépôt de fibrine et les phénomènes thrombotiques.
A votre avis si la prévention par héparine de bas poids moléculaire est le médicament de la prévention de la maladie thrombo embolique en réanimation au décours de la Covid-19, à quelle dose ? Préventive ? Intermédiaire ? Ou curative ?
Pour l’instant, les données probantes semblent suggérer que les HBPM à dose préventive devraient être utilisées chez les patients en réanimation pour Covid-19. L’essai multi-plateforme randomisé (mRCT) qui a randomisé les patients avec Covid-19 en réanimation entre une dose d’héparine (majorité HBPM) thérapeutique et une dose standard (intermédiaire et préventive) n’a pas démontré de bénéfices sur le critère de jugement primaire de “Organ-support free days ». Les taux d’évènements thrombotiques (artériels et veineux) étaient moins élevés chez les patients recevant des dose thérapeutiques (5.7% vs. 10.3%) mais sans diminution de la morbidité et la mortalité. La prévention primaire à dose thérapeutique est aussi associée à une augmentation du risque hémorragique de 1.3% (définition de l’ISTH). L’étude iranienne INSPIRATION nous donne quelques indices pour décider entre une dose préventive et intermédiaire chez les patients en réanimation. Une dose intermédiaire n’a pas diminué le risque de survenue du critère de jugement principal (thromboses artérielles et veineuses, mortalité et traitement d’oxygénation extracorporelle) mais semble augmenter le risque hémorragique (définition de BARC; 2.5 vs 1.4%). Il y a donc peu de données randomisées en faveur d’une dose thérapeutique ou intermédiaire chez les patients Covid-19 en réanimation.
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.10.21252749v1
https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2777829Pensez-vous que les anticoagulants oraux directs aient une place dans la prévention de la maladie thrombo embolique, chez les patients Covid-19 hospitalisés mais non en réanimation ?
Il y a plusieurs essais en cours et nous aurons peut-être une perspective différente dans les prochaines semaines ou mois. Pour l’instant l’étude ACTION, qui a comparé le rivaroxaban à une dose de 20 mg par jour (patients hospitalisés stables et au long cours (30 jours)) et l’énoxaparine 1 mg/kg BID (patients en réanimation) à une dose préventive (énoxaparine 40 mg par jour) pendant l’hospitalisation, n’a pas démontré de bénéfices mais une augmentation du risque hémorragique. Donc, pour l’instant, je ne crois pas que les anticoagulants oraux directs aient une place mais des études pré- et post-hospitalisation sont en cours et les données pourraient changer notre prise en charge. Il est possible que les héparines (HBPM ou non-fractionnée) puissent avoir d’autres fonctions (ex. diminution de l’entrée du virus, etc.) qui pourraient avoir des bénéfices chez les patients hospitalisés avec Covid-19
Pensez-vous que les D Dimères chez les patients hospitalisés en médecine et ou en réanimation en cas de Covid-10 puissent aider à moduler la gestion de la prévention de la thrombose en ce qui concerne sa posologie ?
Plusieurs études et essais en cours utilisent différents biomarqueurs (incluant les D-dimères) afin de stratifier les patients hospitalisés avec la Covid-19. Donc nous aurons plus d’information dans les prochains mois.
Au début de la pandémie, les niveaux élevés des D-dimères chez les patients hospitalisés semblaient être associés à une coagulopathie spécifique à la Covid-19. Maintenant, nous savons que les D-dimères peuvent être générés dans l’espace alvéolaire. L’écoulement de protéines plasmatiques (afin d’activer les cytokines) contient aussi de la thrombine et du fibrinogène qui éventuellement sera dégradé en D-dimères. Donc les D-dimères pourraient être un facteur pronostique de détérioration pulmonaire (et de mortalité) plutôt que d’un risque thrombo-embolique ou vasculaire.
L’essai mRCT n’a pas rapporté de différences importantes dans les odds-ratio favorisant une dose thérapeutique plutôt qu’une dose standard chez les patients hospitalisés (mais pas en réanimation) qui avaient des D-dimères élevés (2X la limite de la normale) ou non. Les odds ratios pour le critère de jugement principal (voir question 2) étaient de 1.3 (probabilité de 97%) et 1.2 (probabilité de 92%) chez les patients hospitalisés avec la Covid-19 (mais pas en réanimation) avec des D-dimères élevés ou non, respectivement. Donc pour l’instant, les données probantes semblent démontrer que les D-dimères ne sont pas très importants pour moduler la gestion de la thrombose chez les patients hospitalisés avec la Covid-19.
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.05.13.21256846v1
A. Khorana a évoqué dans un article du JTH, qu’il existait des ressemblances entre le Cancer et la Covid-19 en matière de maladie thrombo embolique veineuse, les 2 CC. Qu’en pensez-vous ?
Comme je suis un des auteurs de la publication, je suis un peu biaisé. Le but était de réviser la pathophysiologie de ces deux maladies pro-thrombo emboliques en donnant une perspective différente afin de générer une discussion et un débat. Je crois, en effet, qu’il y a des ressemblances intéressantes. Le risque thrombotique est élevé, les d-dimères sont très élevés et possiblement associé à un mauvais pronostic et la prévention primaire à dose de prophylactique semble insuffisante. Cependant, les différences entre les deux maladies (Cancer et COVID) permettent aussi aux cliniciens de réfléchir à la pathophysiologie sous-jacente et d’établir une prise en charge optimale afin de prévenir la malade thromboembolique chez ces patients. Je vous encourage à lire l’article :
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jth.15294
Avez-vous été confronté dans votre pratique à des thromboses veineuses classiques, thrombose veineuse profonde des membres, thrombose veineuse superficielle et/ou embolie pulmonaire post vaccination anti Covid-19 et avec quel vaccin ?
C’est une excellente question. Comme la vaccination s’est accélérée dans les derniers mois au Canada, toutes les nouvelles TVP, thromboses superficielles et EP sont diagnostiquées chez des patients ayant récemment reçu la vaccination (Pfizer, Moderna et Astra-Zeneca). Cependant, nous avons eu quelques cas de thromboembolies veineuses dans le contexte de thrombocytopénie thrombotique associée au vaccin Astra-Zeneca. Tous les patients avaient des anticorps anti-PF4 positifs. Les immunoglobulines polyvalentes, les échanges plasmatiques et l’argatroban ont été utilisés avec succès dans la prise en charge de ces patients. Une série de cas Canadiens sera bientôt publiée afin de partager notre expérience clinique. Ce vaccin n’est plus utilisé au Canada et donc, nous avons eu aucun cas dans les dernières semaines.
MERCI
Une penseé pour Cleave Kearon