Biodiversité et TRUMP

 

" Total Energies et le climat, c’est un peu comme le « moonwalk de Michael Jackson : des pas qui semblent aller vers l’avant, mais un mouvement général de recul." Matthieu Jublin

 

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L’action internationale pour la biodiversité, l’autre victime de Donald Trump ?

 
 
 

 

Une ombre nommée Donald Trump devrait planer sur la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3), qui va se dérouler à Nice (Alpes-Maritimes), en juin 2025. Dès son premier mandat et depuis son retour en janvier dernier à la Maison Blanche, Trump a altéré les positions des États-Unis. Celles-ci ont influencé négativement les engagements pour la biodiversité ailleurs dans le monde. Cette influence s'étend également à l'Europe, bien que de manière indirecte.


Le climat n’est pas le seul enjeu international à souffrir des décisions prises par le président américain Donald Trump, qui vont à l’encontre du consensus scientifique mondial sur l’environnement.

De fait, celui-ci a déjà retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, a fait disparaître l’expression même de « changement climatique » des sites de l’administration, a rétropédalé sur des mesures telles que l’interdiction des pailles en plastique et continue de soutenir les hydrocarbures et leur exploitation.

De telles politiques vont à l’encontre des besoins des populations, tels que définis par la campagne One Planet, One OCEAN, One Health, par exemple.

De telles décisions affectent la transition socio-écologique globale dans son ensemble, y compris en dehors des États-Unis. L’action internationale pour préserver la biodiversité devrait donc également en pâtir. Une question cruciale alors que va débuter la troisième Conférence des Nations unies pour l’océan (Unoc 3) et que les tensions se renforcent sur les arbitrages à réaliser entre climat, biodiversité, économie et autres enjeux de société.

Nous aborderons ici deux cas d’étude pour comprendre comment les politiques trumpiennes peuvent influencer le reste du monde en matière de multilatéralisme pour la biodiversité. Il s'agit d'abord de la COP 16 biodiversité, à Cali (Colombie), qui s’est récemment conclue à Rome en février 2025. Il s'agit ensuite du Pacte vert pour l’Europe, ensemble de textes qui doit permettre à l’Union européenne (UE) d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et d’établir un vaste réseau de zones protégées, sur terre et en mer (30 %).

 

Des avancées à la COP 16 malgré le contexte international défavorable

 

La COP 16 sur la biodiversité, qui s’est tenue à Cali (Colombie) du 21 octobre au 1er novembre 2024, avait pour objectif d’accélérer la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. Celui-ci est l’équivalent de l’accord de Paris sur le climat.

 

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Il prévoit notamment la conservation de 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines, la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés, tout en finançant l’action biodiversité à l’international. Ce dernier point fut le principal sujet de tension lors des négociations lors de la COP 16.

Les États-Unis ne sont pas membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio, qui est l’un des textes fondateurs de la diplomatie internationale en matière de biodiversité. Mais, ils influencent les discussions par leur poids économique et politique.


L’élection de Trump, survenue peu après la COP 16, et son retrait renouvelé de l’accord de Paris accompagné de politiques pro-fossiles ont rapidement assombri les perspectives de coopération internationale. Ce revirement a affaibli la confiance dans les engagements multilatéraux et a rendu plus difficile la mobilisation de fonds pour préserver l’environnement et la conservation de la biodiversité.

 


Malgré ce contexte international préoccupant, la COP 16 a pu aboutir à des avancées notables pour donner davantage de place au lien entre biodiversité et changement climatique, laissant espérer une appréhension plus transversale de la protection de l’environnement. De fait, la deuxième partie des négociations, en février 2025, a permis d’aboutir à un accord sur les financements.

La stratégie adoptée, qui doit être déployée sur cinq ans, est supposée permettre de débloquer les 200 milliards de dollars nécessaires à la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité. Toutefois, comme certaines des cibles de ce cadre doivent être atteintes d’ici 2030, le risque est que le délai soit trop court pour permettre la mobilisation des ressources nécessaires.

En parallèle, une décision historique a permis la création d’un organe de représentation permanent des peuples autochtones ainsi que la reconnaissance du rôle des communautés afro-descendantes, afin que leurs positions soient mieux prises en compte dans les négociations. La contribution des peuples autochtones à la conservation de la biodiversité est effectivement reconnue par la CDB, bien que son ampleur soit discutée.

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La COP 16 a également permis des progrès en termes de protection des océans. Une décision y a ainsi défini des procédures pour décrire les zones marines d’importance écologique et biologique (en anglais, EBSA, pour Ecologically or Biologically Significant Marine Areas).

Ceci constitue l’aboutissement de 14 ans de négociations et ouvre la voie à la création d’aires protégées en haute mer et à des synergies potentielles avec le Traité de la haute mer (Biodiversity Beyond National Jurisdiction, BBNJ).

Ce traité reste bien plus significatif que l’EBSA, ce dernier sans dimension contraignante. Le problème reste qu’à ce jour, seuls 29 États ont ratifié cet accord alors qu’il en nécessite 60. La perspective d’une ratification de l’accord BBNJ par les États-Unis sous la présidence de Donald Trump semble bien improbable. Et cette impression est d'autant plus fortes depuis la signature d’un décret en avril 2025 pour autoriser l’exploitation minière des vastes fonds marins en haute mer, au-delà des zones économiques exclusives.

Comment le Pacte vert européen s’est réinventé sous le vent trumpiste

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Le vent des politiques trumpiste souffle jusque sur les côtes du continent européen. Depuis le premier mandat de Donald Trump de 2016 à 2020 et ses décisions anti-environnementales, l’Europe a, elle aussi, ajusté ses politiques en matière d’action environnementale.

Annoncé en 2019 pour la décennie 2020-2030, le Pacte vert européen (Green Deal) a récemment cherché à se réinventer face aux décisions américaines. Dès les élections européennes de juin 2024, le Parlement s’est renforcé à sa droite et à son extrême droite, motivant une évolution de ses politiques internes.

 

Ainsi, en réaction au culte des énergies fossiles outre-Atlantique, l’Union européenne a récemment développé certaines dimensions du Green Deal destinées à mettre la focale sur les technologies bas carbone en Europe. En février 2025, le Pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal) a ainsi été présenté, en cohérence avec le rapport Draghi de septembre 2024. Ce dernier s’inscrivait dans une logique libérale en faveur d’une stratégie de dérégulation.

Cela étant, les solutions présentées comme contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le Pacte pour une industrie propre n’ont pas toujours des effets bénéfiques en matière de biodiversité. Les bioénergies, les technologies de stockage du carbone ou encore l’hydro énergie présentent des externalités négatives – c’est-à-dire, des effets indésirables – notables pour le vivant.

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La plupart des actions en faveur de la biodiversité profitent également au climat. Rapport conjoint GIEC/IPBES de 2021

Il est intéressant de noter qu’à l’inverse, très peu d’actions en faveur de la biodiversité nuisent à l’action climatique, comme le montre le schéma ci-dessus. C’est ce qu’ont démontré le Giec et la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) (l’instance onusienne équivalente pour la biodiversité), dans leur rapport commun de 2021, une première.

Plusieurs reculs européens sur l’environnement

 

En parallèle, ces volontés de dérégulation ont contribué à détricoter plusieurs mesures environnementales clés pour l’UE. Or, ces ajustements risquent de compromettre les efforts de protection de la biodiversité tout au long des chaînes de valeur économique :

  • * les réglementations relatives aux critères environnementaux-socials-gouvernance (ESG) vont être simplifiées, ce qui devrait marquer un net recul en matière de transparence et d’incitation à l’action pour les entreprises ;

  • * la directive qui impose aux entreprises la publication d’informations sur la durabilité (CSRD), bien qu’elle conserve la biodiversité dans son périmètre ainsi que l’approche en double matérialité, a vu son impact réduit par l’exclusion de 80 % des organisations initialement concernées et par plusieurs reports d’application ;

  • Même la taxonomie environnementale de l’UE, outil clé pour classifier des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement, a vu son périmètre revu à la baisse, ce qui limitera les effets incitatifs qu’elle devait avoir sur la transition écologique pour orienter les financements.

  • Enfin, la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) a été édulcorée en adoptant la vision allemande. Les impacts socio-environnementaux devront être analysés uniquement au niveau des sous-traitants directs. Cela exclut du périmètre des maillons critiques comme les exploitations agricoles, qui sont les plus en lien avec la biodiversité.

Malgré ces renoncements, plusieurs politiques publiques cruciales pour  la biodiversité ont pu être maintenues.

C’est notamment le cas de la stratégie biodiversité 2030 de l’UE, de la loi sur la restauration de la nature et de la loi contre la déforestation importée (bien que reportée d’un an dans son application).

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Un paquet spécifique sur l’adaptation est également attendu d’ici fin 2025 dans le cadre du programme Horizon Europe 2025, dont la consultation publique s’est récemment terminée.

Ainsi, l’action pour le climat et la biodiversité est à la croisée des chemins.

Plus que jamais, il appartient à la communauté internationale de défendre un cadre de gouvernance robuste fondé sur la science et la solidarité pour que la préservation de la biodiversité ne soit pas sacrifiée sur l’autel de la rentabilité immédiate.

 

Au-delà des déclarations d’intention, mettons en place cette gouvernance de façon efficace, à travers des mesures politiques, des outils de protection et de surveillance adaptés, et surtout, à travers l’adaptation du droit.

 

Une telle transdisciplinarité se révèle ici déterminante pour la solidarité écologique. En ce sens, l’Unoc est une opportunité précieuse, pour l’UE, de rester unie et forte face à la volonté de Trump de débuter l’exploration et l’exploitation des profonds fonds marins.

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Caroline Nourry
Directrice générale The Conversation France

Commentaire

Comment un seul homme peut-il être aussi néfaste ? 
Comment lui faire entendre raison ? 
Comment le peuple américain a pu se faire berner de A à Z ? 

"Depuis l’investiture de Donald Trump, les attaques pleuvent sur les sciences américaines : coupures de budget, licenciements express, inaccessibilité de certains jeux de données, arrêt des collaborations internationales, censure de certains mots et interdictions de communiquer. L’administration Trump, derrière Elon Musk et sa tronçonneuse, mène une guerre-éclair sous prétexte d’économie budgétaire qui déstabilise les scientifiques américains et a des répercussions sur l’ordre scientifique mondial. D’un point de vue de climatologue, le constat est brutal, et n’a rien à voir avec le premier mandat de Trump, qui pourtant avait fortement impacté le travail de certains de mes collègues américains. Là où les attaques avaient alors spécifiquement ciblé quelques domaines scientifiques, comme le changement climatique et la santé en réaction à la pandémie de Covid-19, celles d’aujourd’hui sont plus violentes, beaucoup plus rapides et plus indiscriminées puisqu’elles touchent une grande partie des agences et des fonds fédéraux de recherche." https://shs.cairn.info/revue-raison-presente-2025-1-page-97?tab=premieres-lignes

"Le climat n’est effectivement pas le seul enjeu international à souffrir des décisions prises par Donald Trump, qui vont à l’encontre du consensus scientifique mondial sur l’environnement. À côté du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris et du démantèlement de nombreux dispositifs climatiques, l’action internationale pour la biodiversité a également été fortement affectée. Sous la présidence Trump, les États-Unis ont réduit leur engagement dans les conventions et initiatives mondiales visant à protéger la biodiversité, affaiblissant ainsi la coopération internationale sur ce front.

De plus, l’administration Trump a annulé ou diminué plus de 125 règles et politiques environnementales, touchant non seulement le climat mais aussi la qualité de l’air, de l’eau et des sols, et menaçant la protection de nombreuses espèces et écosystèmes6. La réduction des moyens alloués à l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a également compromis la capacité du pays à faire respecter les normes environnementales, avec des répercussions sur la santé publique et la préservation des milieux naturels.

En résumé, la politique environnementale de Donald Trump a eu des conséquences négatives non seulement sur le climat, mais aussi sur la biodiversité et la protection de l’environnement à l’échelle mondiale, affaiblissant les efforts collectifs pour répondre aux grands défis écologiques contemporains. " PERPLEXITY/IA

A RELIRE : LES MOTS INTERDITS...par TRUMP !

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"Complément d'enquête" par Philippe Blanchet
La GLOTTOPHOBIE
https://shs.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page-155?lang=fr  

Le terme « glottophobie » désigne les discriminations à prétexte linguistique et inclut le processus de stigmatisation qui conduit à ces discriminations.

On entend par stigmatisation le fait de péjorer un trait supposé caractéristique d’une personne ou d’un groupe et de l’ériger ainsi en stigmate. Une stigmatisation prend souvent la forme de remarques indirectes, d’apparentes plaisanteries, de moqueries, de propos et de comportements condescendants voire méprisants, humiliants, haineux ou injurieux.

On entend par discrimination le fait de traiter différemment, de façon illégitime, une personne ou un groupe, notamment dans l’accès à un droit, une ressource ou à un service, au prétexte arbitraire d’un trait stigmatisé, ce prétexte étant inacceptable sur le plan éthique et/ou illégal sur le plan juridique. Une discrimination aboutit concrètement à un rejet ciblé lors, par exemple, d’une embauche par entretien ou par concours, de l’accès à une formation, à un logement, à des soins, à des financements ou encore à l’exercice de la parole publique, de la citoyenneté, de la liberté d’expression.

Il s’agit, en l’occurrence, de traits linguistiques : usage de variations ou variété(s) d’une certaine langue (par exemple une certaine prononciation du français appelée « accent ») ou usage d’une langue distincte (exemple fréquent : une variété ou une langue stigmatisée, considérée comme « inférieure »).

Le terme « glottophobie » a été proposé par Philippe Blanchet (1998, 2016) sur la matrice de « xénophobie, homophobie, judéophobie... », pour l’inscrire dans un paradigme sociopolitique de rejet des personnes et pas seulement de langues ou variétés linguistiques en elles-mêmes.

L’élaboration du concept de glottophobie s’inscrit dans la continuité de la conceptualisation, en sociolinguistique, de la diglossie, de la minoration ou satellisation sociolinguistiques, de l’auto-odi ou haine de soi, de l’insécurité linguistique.

Elle fait écho aux premiers travaux de William Labov critiquant les interprétations en termes maladroits de « handicap » proposées par Basil Bernstein à propos des pratiques linguistiques de jeunes de milieux dits populaires. Plus largement, cette élaboration participe à l’analyse de la langue comme moyen et objet de pouvoir, à l’analyse des rapports de pouvoir, des processus de colonisation, de domination et d’hégémonie. Cette analyse a été initialement développée en sociolinguistique autour de Jean-Baptiste Marcellesi, Robert Lafont ou Louis-Jean Calvet (1974 [2001]), en sociologie autour de Pierre Bourdieu dans son célèbre ouvrage Ce que parler veut dire (1982) réédité en 2001 sous le titre explicite Langage et pouvoir symbolique, en sociologie de l’école autour de Bernard Lahire, par exemple. On en trouve des synthèses éclairantes dans les ouvrages de Josiane Boutet (2010 [2016]) ou de Jean-Marie Klinkenberg (2001).

Au Brésil, Marcos Bagno a développé une analyse équivalente en termes de préjugés linguistiques. Des travaux parallèles, au Québec, ont proposé de nommer le même phénomène linguicisme (sur le modèle de racisme), terme proposé en anglais dès les années 1980 par Tove Skuttnab Kangas. La question y a également été abordée sur le plan de l’hygiène verbale (Cameron).

L’établissement du caractère illégitime des disparités de traitement à prétexte linguistique rejoint les perspectives d’analyse des langues et variétés comme attributs catégoriels contribuant à l’identification individuelle ou collective. En ce sens, les discriminations glottophobes croisent les discriminations au prétexte de l’origine réelle ou supposée, de la situation économique, du genre, par exemple.

La confirmation du caractère illégal du traitement différencié à prétexte linguistique a permis d’identifier l’existence de droits linguistiques affirmés par la plupart des grands textes de protection des droits humains, des libertés fondamentales et d’interdiction des discriminations, droits souvent méconnus, corrélés aux droits culturels.

L’analyse du développement des attitudes et comportement glottophobes dans les sociétés a permis d’en montrer les dimensions fondamentalement sociopolitiques. La société française apparaît typique à cet égard. L’établissement progressif d’une hiérarchie sociolinguistique par la sélection du français comme langue unique du pouvoir contre les autres langues de France, puis l’élaboration par l’Académie française d’un français de distinction entre les classes supérieures et les autres, la sacralisation du français comme symbole actif de l’identité nationale à partir du régime révolutionnaire dit « de la terreur » mis en place en 1793 après la victoire des jacobins sur les girondins fédéralistes, la politique assimilationniste de stigmatisation et de tentative d’éradication des autres langues (d’abord celles dites « régionales » puis celles dites « immigrées ») depuis le xixe siècle, le rejet de toute variation locale ou sociale ou individuelle du français, considérée comme fautive par rapport à une norme survalorisée, tout cela a installé dans la société la représentation d’une légitimité de cette domination. L’école a été et reste l’instance glottopolitique principale par laquelle l’État, aux mains des groupes dominants, a inculqué une idéologie linguistique qui a transformé leur domination en hégémonie. L’école est en effet souvent le lieu principal où est cultivée, inculquée, justifiée l’hégémonie d’une certaine langue (rarement plusieurs) et d’une certaine norme (idem) de cette langue. On peut, dès lors, considérer qu’il existe dans certaines sociétés une glottophobie structurelle, institutionnalisée, corrélée à un rapport difficile au plurilinguisme et à la pluralité linguistique en particulier, ainsi qu’à la diversité sociale en général (Blanchet & Clerc Conan, 2018).

De ce point de vue, l’analyse sociolinguistique permet l’analyse de la société à partir de sa facette linguistique, ce qui engage à des croisements interdisciplinaires avec la sociologie, les sciences politiques, les sciences juridiques, l’histoire...

Le concept de glottophobie a connu une forte diffusion, à la fois scientifique et sociale, à partir de la publication en 2016 du livre de Blanchet qui a connu un large écho médiatique en France et dans d’autres pays francophones (Belgique, Canada). Il a favorisé une sorte de prise de conscience, surtout en ce qui concerne les variations régionales de la prononciation du français, au point que les médias français se sont emparés de plusieurs « affaires de glottophobie » en 2018 et 2020 à propos de personnalités politiques. Fin 2016, le prétexte linguistique (sous la forme « capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ») a été ajouté dans le code pénal français comme constituant une discrimination. Plusieurs projets de loi ont également tenté d’y ajouter « l’accent » bien que l’on puisse considérer qu’il est déjà couvert par l’interdiction des discriminations au motif de « l’origine ». Des ouvrages grand public ont été publiés sur la glottophobie notamment au prétexte de « l’accent ». Le milieu des médias, mis en cause, a commencé à modifier ses positions (J’ai un accent, et alors ?, publié en 2020 par deux journalistes célèbres).

L’idée même de discrimination glottophobe a été remise en question, de façon ponctuelle, par des linguistes qui considèrent que la langue est un outil dont la personne peut librement changer ou, plus souvent, par des personnes qui soutiennent un fonctionnement social pyramidal et une hiérarchisation des langues.

À l’inverse, ce concept a été bien accueilli dans les autres champs d’études des discriminations et des inégalités, subaltern and postcolonial studies, comme contribuant à la compréhension des cumuls de discriminations dits intersectionnels.

La remise en question radicale de toute hiérarchie établie entre langues ou entre variétés (y compris normative) d’une même langue, posée comme idéologique et arbitraire, aux services des groupes dominants, a fait l’objet de contestations politiques révélatrices des enjeux sociétaux profonds de la question."




https://medvasc.info/archives-blog/mots-interdits

La conclusion de la conclusion : 

 


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Copyright : DR Jean Pierre Laroche / 2025