Signé Pr Jean Michel Bruel, Radiologue, Montpellier
"France Assos Santé Occitanie veut rappeler qu’il ne faut pas confondre renoncement aux soins et report de soins"
"le partenariat en santé est plus que jamais nécessaire, ouvert et urgent"
Tout, peut-être trop, a été dit sur cette crise sanitaire dont personne n’avait prédit la vitesse de propagation, l’ampleur, la gravité ni notre difficulté à y faire face. Crise qui bouleverse notre vie quotidienne et dont nous ne faisons qu’entrevoir pour l’instant les conséquences psychologiques et socio-économiques. Crise mondiale qui met à mal, comme les grandes épidémies ou les grandes guerres pour nous historiques, ce que nous pensions être l’équilibre de notre vieille Terre, même en le sachant fragile. Peut-être faut-il pourtant insister sur un des risques majeurs, celui dans l’immédiat comme à terme d’accroître encore les inégalités d’accès aux ressources essentielles, qu’elles soient économiques, culturelles ou même alimentaires et sanitaires.
Nous avons une habitude bien française, même si c’est celle de la plupart des pays développés, peut-être devrais-je dire nantis, de nous plaindre, en regardant d’abord ce que nous souhaiterions de mieux pour nous même. Cette tendance à l’égocentrisme n’est-elle pas une constante de ces dernières décennies, particulièrement en période de stabilité ou de prospérité économique ? Les situations de crise font peut-être renaître, d’une façon que l’on pourrait croire paradoxale, un souci de solidarité. C’est ce que l’on observe aujourd’hui dans cette crise sanitaire et il faut se réjouir de cette solidarité. Et je ne parle pas de celle développée, avec divers signes de reconnaissance, envers les soignants, parce que là c’est quelque chose qu’on leur doit.
Oh nous savons que les réactions personnelles ne sont pas toutes orientées vers les autres, et les périodes de guerre et de résistance l’ont chaque fois montré aussi ! La peur irraisonnée qui recroqueville, la misère de corps ou d’esprit, se traduisent par des attitudes de « sans foi ni loi ». Les masques dérobés ou détournés pour organiser un juteux marché noir. L’affichette collée dans la cage d’escalier pour signifier anonymement à l’infirmière qui habite au 4ème étage « qu’elle pourrait loger ailleurs dans cette période de tous les dangers ». La dénonciation des voisins « qui sortent vraiment trop souvent ! ». Le « servez-moi ! » et en sous-entendu « sans que j’aie trop à m’exposer ! ». Tout ça nous le savons !
Misons plutôt sur la dynamique de vie de la solidarité À chacun de nous d’imaginer et mettre en œuvre toutes les mesures appropriées pour rendre moins dures pour tous les difficultés actuelles et à venir. Et parmi ces mesures, la volonté de maintien d’un contact social et de petits gestes d’entraide, respectueux des consignes de protection, doit être notre objectif quotidien. Redisons-nous l’émotion suscitée et le réconfort apporté par un panier laissé devant la porte, un coup de téléphone, un e-mail et ses images jointes, un salut adressé depuis le balcon ou la fenêtre ouverte ou toute autre expression de solidarité… Reconnaissons aussi comme un geste de solidarité le port systématique du masque dès lors que nous sortons de chez nous et allons dans des lieux où nous allons immanquablement avoir un contact, même distant, avec d’autres personnes. Ce masque que nous portons les protège avant de nous protéger. Porté par tous, il protège tous.
Au-delà, inscrivons tous ces gestes de solidarité dans la durée pour ne pas les délaisser lorsque nous allons sortir progressivement de la crise.
Nous nous plaignons, avec une lassitude compréhensible et grandissante, de tout ce que nous ne pouvons pas faire, Reconnaissons aussi que dans le confinement strict que nous devons continuer à respecter, chacun de nous est privilégié, à des degrés divers, par rapport à beaucoup d’autres.
Oui, privilégiés, si nous considérons que à nos côtés, au quotidien, nombreux sont ceux pour qui les mesures que nous vivons comme une contrainte sont particulièrement difficiles voire impossibles à respecter. Les personnes en situation de grande précarité et a fortiori celles qui sont « à la rue » et voient leurs conditions d’aide et d’accueil se complexifier ou disparaitre. Les patients dont la santé mentale déficiente vient altérer la compréhension des mesures prises et rend encore plus difficile le contact qu’ils avaient avec leur famille et leurs amis. Tous ceux dont l’âge avancé, la maladie préexistante ou la situation de handicap sont autant de risques supplémentaires face au virus, mais aussi face à l’isolement contraint qui les prive brutalement des aidants et des services sur lesquels ils comptaient tous les jours. Toutes celles et ceux qui subissent des violences quotidiennes exacerbées par le confinement.
Ne parlons pas des millions de personnes qui dans le monde n’ont pas accès aux ressources sanitaires que nous considérons nous comme essentielles et qui vont subir la violence aveugle de l’évolution naturelle de la pandémie.
Nous sommes des confinés privilégiés. Reconnaissons la solidarité à laquelle nous oblige ce statut. Pour autant considérons aussi comme un obligatoire engagement personnel l’entretien de notre esprit critique et de notre participation à la diffusion de la juste information.
Et c’est la raison pour laquelle je suis un lecteur assidu du blog de Jean-Pierre Laroche…
Après un long passé de professionnel de santé au sein du CHU de Montpellier, Jean-Michel Bruel coordonne aujourd’hui les Associations Agréées d’usagers du Système de Santé d’Occitanie (« France Assos Santé Occitanie »), convaincu que le partenariat entre ceux qui sont soignés et ceux qui les soignent est la clé de la qualité et de la sécurité des soins.(
#1MASQUEPOURTOUS, c'est maintenant !