Où en est la prise en charge des patients atteints de lymphœdème en France en 2021 ?
Signé : Dr Marlène Coupé ,Médecin Vasculaire, Montpellier, membre du Comité Scientifique d’AVML. Expérience de 23 ans de bénévolat au sein de l’association AVML (Vivre Mieux le Lymphœdème)
“L'être humain est la proie de trois maladies chroniques et inguérissables : le besoin de nourriture, le besoin de sommeil et le besoin d'égards.” Henry de Montherlant
Le lymphœdème est une maladie chronique évolutive. Il est soit d’origine primaire lié à des malformations du système lymphatique faisant partie des Maladies Vasculaires Rares, soit d’origine secondaire le plus souvent consécutif à des traitements de cancers : sein, gynécologiques, cutanés, urinaires, prostatiques ou coliques. Avec l’évolution il peut entrainer des déformations importantes, une invalidité et des complications (érysipèles non diagnostiqués) pouvant mettre la vie en danger, mais également causer des fardeaux psychologiques et économiques.
Le lymphœdème est un problème de santé mondial qui affecte plus de 250 millions de personnes : femmes, hommes et enfants . Le nombre de cas n’est pas connu en France :200000 ? 300000 ? sans doute davantage. Il n’y a pas d’étude épidémiologique fiable.
Quelle est la connaissance de la pathologie lymphatique ?
Rappel
Document AVML
Pour la Journée Mondiale du lymphœdème le 6 mars 2020, AVML a réalisé un micro-trottoir sur la place de la Comédie à Montpellier et devant la Faculté de Médecine de Nantes, l’association partenaire Lymphoedème Rhône-Alpes a participé Place Bellecour à Lyon. Une seule question était posée aux passants.
Une publication a été faite lors de la Journée Annuelle de Fava-Multi pour alerter sur ce fait.
RÉSULTAT :
Sur 662 personnes interrogées parmi la population générale 75 % ignorent ce qu’est un lymphœdème et Seuls 66% des étudiants en médecine en avaient entendu parler
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Parcours du combattant des patients
De nombreux professionnels de santé ne connaissent pas bien les signes et les symptômes de la maladie si bien que les personnes atteintes souffrent pendant de nombreuses années avant d’obtenir un diagnostic et un début de traitement. Ceci entraine une aggravation vers des stades évolués qui sont donc encore fréquents et qui nécessitent des traitements plus complexes.
L’association AVML est de plus en plus sollicitée par les demandes de patients, il existe une libération de la parole, particulièrement sur les réseaux sociaux, avec appels au secours, impatiences et critiques, quelquefois véhémentes et hélas justifiées. Les témoignages font état de l’importante altération de la qualité de vie, du fardeau physique, psychologique et financier mais aussi de non considération des praticiens et de maltraitance quelquefois.
Quelle est l’offre de soins ?
Il y a des centres de références et des centres experts qui font les diagnostics chez les patients qui ont la chance de les atteindre. Ils leur proposent des traitements intensifs de réduction de l’œdème et les suivent pour le traitement d’entretien. Mais il y a une inégalité de prise en charge en fonction de la région habitée, en effet la difficulté est d’arriver à ces centres spécialisés et les patients errent souvent de médecin en médecin, font de nombreux examens complémentaires inutiles et reçoivent des diagnostics différents ou n’ont pas les bonnes prescriptions. L’érysipèle est la principale complication du lymphœdème, cette infection est fréquente (20-40% des patients) et récidivante.
Une enquête réalisée il y a un an par AVML et le service de dermatologie de Tours (Pr Vaillant Président de la Société Française de Lymphologie) a montré certaines failles dans la prise en charge et un manque d’information sur l’érysipèle. Nous avons rédigé des fiches à l’intention des patients et des médecins et créé une carte Lymphoedème qui porte un QR Code qui lorsqu’il est flashé ouvre la rubrique des recommandations concernant le traitement, sécurisant ainsi les patients qui vivent mal ces épisodes infectieux et craignent la récidive. Cf www.avml.fr
Quelle est la prise en charge actuelle du lymphœdème ?
C’est un traitement physiothérapique, palliatif, associant des drainages lymphatiques manuels et/ou de la pressothérapie, des bandages réducteurs et des orthèses de compression. Une des difficultés est de trouver un kinésithérapeute formé à ces soins. La compression est l’élément fondamental de la gestion d’un lymphœdème, les patients doivent la porter tous les jours, faire des bandages la nuit ou porter un vêtement mobilisateur, les laver quotidiennement. Ces orthèses doivent être parfaitement adaptées et nécessitent l’expertise d’orthésistes eux aussi formés. Une enquête réalisée en mars 2021 par 23 associations européennes dont AVML sur 1102 patients en 8 langues a mis en évidence 3 problèmes principaux pour les dispositifs de compression : les raisons financières, les difficultés d’adaptation des orthèses et les mauvaises prescriptions. Ce matériel est à renouveler régulièrement or il existe un reste à charge important de 100€ en moyenne par mois si bien que plus de 25% des patients renoncent à ces soins en raison de leurs revenus il y a donc une inégalité des chances en fonction des ressources, le lymphœdème non traité s’aggrave.
S’agissant d’une maladie chronique le patient doit être observant, faire une activité adaptée régulière et lutter contre la sédentarité et surveiller son poids.
Lassés par ce traitement les patients se tournent de plus en plus vers la chirurgie en espérant guérir. Certes les techniques ont évolué avec une meilleure connaissance de la physiopathologie, et les progrès de la microchirurgie mais il reste beaucoup d’inconnues.
Le traitement physiothérapique reste donc pour l’instant le traitement de référence., il n’y a pas de médicament à l’heure actuelle sauf pour des cas très particuliers pour lesquels est utilisé le Sirolimus, des études sont en cours avec diverses molécules et la recherche génétique avance avec l’espoir de pouvoir un jour réaliser des traitements géniques.
Le lymphœdème, est une maladie chronique évolutive encore insuffisamment connue et qui manque d’un traitement curatif. Il entraine de multiples problèmes aux patients : physiques, psychiques, financiers, sociaux-professionnels.
Cependant un meilleur enseignement des professionnels de santé, l’éducation thérapeutique des patients et l’avancée des recherches génétiques et des techniques chirurgicales permet d’envisager un avenir meilleur.
Source
https://avml.fr