Que serons les déconfinés ?

"L'homme qui a le courage de rire est le maître du monde." Giacomo Leopardi

PARTIE 2

• Que les complotistes et autres extrémistes sont toujours prompts à accuser, soupçonner, insinuer plutôt que de prendre leurs responsabilités. Nul n’est besoin d’être prophète pour comprendre que les décisions prises aujourd’hui ont et auront un coût considérable pour la société dans son ensemble, mais aussi pour de très nombreux commerces, artisanats, industries… Si certains responsables politiques ont eu le courage de prendre de telles décisions, c’est qu’ils ont considéré que les vies humaines avaient plus de prix que les intérêts particuliers. On ne peut donc les accuser de servir des intérêts particuliers. Naturellement, ceux-ci devront, en retour, être pris en compte, équitablement, par la société dans son ensemble. La solidarité ne doit pas être à sens unique, et chacun devra contribuer selon ses moyens.
Qu’une crise comme celle que nous vivons a pour effet remarquable d’accentuer encore, pour le meilleur et pour le pire, les contrastes dans nos sociétés déjà profondément divisées. Hélas, aujourd’hui, le meilleur se tait et le pire vocifère.
Que les « grandes gueules » qui profitent des évènements pour faire briller leur ego démesuré en proposant une croyance en guise d’espoir pour recruter des disciples ne font que diviser un peu plus la société et la mettre en danger. Tel est le cas lorsqu’une solution thérapeutique est proposée sans véritable preuve scientifique.
Que si ces populistes sèment le doute, c’est pour remplacer la réflexion et les nuances par une certitude brute et simpliste. Leur argumentation se résume à une série de syllogismes reposant sur de fausses prémisses. C’est cela-même qui définit une croyance.
Que les loups se déguisent en bergers, les Goliath en David, les richissimes en gens du peuple, pour mieux asservir et exploiter leurs victimes (qu’on appelle aussi leurs électeurs, dans certains pays, et non les moindres).
• Que ces despotes mal déguisés entretiennent l’illusion d’une nécessaire autorité alors que l’adhésion des citoyens à un projet social repose non sur la coercition mais sur la compréhension et l’exemple.
Que le rite ne doit pas prendre le pas sur le fond. Penser que l’on a fait son devoir citoyen parce que l’on a applaudi les soignants à 20h, sur son balcon, alors que l’on continue à se promener, à rencontrer les copains, à descendre acheter une baguette tous les matins, est caractéristique de cette dérive typique de notre époque. La même dérive qui, sur la route, fait ralentir à l’approche d’un radar et accélérer aussitôt après. Celle aussi qui permettait jadis d’obtenir l’absolution pour un Pater et trois Ave sans se soucier des victimes du péché confessé. Celle aussi qui admet de désigner comme mécréant méritant le pire châtiment ceux qui ne confessent pas la seule vraie foi selon le seul rite admissible…
• Que le doute est fondamental. Tous ceux qui vitupèrent contre les médecins et scientifiques, et font obstacle aux progrès les plus essentiels pour la santé publique comme la vaccination, tous ceux qui font la promotion de méthodes ou techniques « alternatives », ne défendent pas autre chose que des croyances. Si chacun est libre de croire ce qu’il veut, il n’a pas pour autant le droit d’imposer de quelque façon que ce soit sa croyance, notamment en prétendant que les dits médecins et scientifiques refusent toute remise en question. Le doute et la remise en question sont le fondement même de la démarche scientifique. Galilée, parmi tant d’autres, pourrait en témoigner.
• Que l’humour, enfin, qui a si bien fleuri dans les échanges par courriel ou téléphone, sur les réseaux sociaux, dans les médias... est un instrument de survie, car qu’est-ce que l’humour sinon la remise en question ?

Michel Dauzat, alias Polyphrène, http://www.polyphrene.fr/