« Là où le sang a coulé, l’arbre de l’oubli ne peut grandir » (proverbe brésilien)
« L’oubli est un gigantesque océan sur lequel navigue un seul navire qui est la mémoire. » (Amélie Nothomb)
Moi je m’en souviens.
Je vis et exerce dans les environs de la Ville Rose. Le lundi 19 mars 2012, je reprenais le chemin du cabinet médical après un séjour à Paris pour assister du 14 au 16 mars au 46ème congrès du Collège Français de Pathologie Vasculaire sous la présidence du Professeur JC WAUTRECHT confrère et ami bruxellois.
Bilan de la semaine pour moi : une remise à niveau des connaissances scientifiques, l’acquisition de nouveaux savoirs mais aussi le compagnonnage entre pairs et les riches rencontres entre amis.
Bilan de la semaine autrement plus dérangeant en Occitanie : Ismad Ibn Ziaten – Abel Chennouf – Mohamed Legouad tous trois militaires abattus sans que l’on puisse dans un premier temps faire de lien entre les assassinats. Deux d’entre eux étaient de confession musulmane, un comble quant nous apprendrons celle de l’auteur de ces faits. Leur tort à ces deux-la ? Oh juste être au service de la France donc des traitres.
Sans oublier Loïc Liber laissé pour mort, désormais handicapé à vie.
Et puis.... Le lundi 19 mars 2012 : l’horreur l’indicible !
Ecole Ozar Hatorah Rue Jules Dalou Toulouse.
C’est la rentrée du lundi : les enfants internes sont dans la cour, prêts à accueillir leurs copains et copines externes qui arrivent pour le temps de la prière qui les réunira avant l’enseignement.
07 h 56 des détonations et ce ne sont pas des pétards festifs restants de la fête de Pourim qui s’est achevée quelques jours auparavant.
Non ce sont là des tirs de sang-froid pour tuer détruire anéantir. Et voilà trois petits anges innocents Myriam Monsonégo 8 ans - Arié 5 ans et Gabriel Sandler 3 ans allongés dans des mares de sang ainsi que le père des garçons Rav Jonathan Sandler qui accompagnait ses fils. Le petit cartable rose de Myriam abattue à bout portant dans le dos est là plus loin nappé de sang. Les draps blancs ne suffisent pas à cacher l’innommable.
Un autre collégien sera blessé par balles pronostic vital engagé c’est Brian Bijaoui.
Les enfants ont eu le temps de voir sans bien réaliser pour certains, tout entendu sans vraiment comprendre pour les autres. Et ceux qui sont arrivés « avec un peu de retard » n’ont eu qu’une envie rejoindre leurs amis pour partager et parler parler parler encore « avec celles et ceux qui avaient vécu la même chose ».
Leur souhait « se réchauffer » « se réconforter » si cela est possible mais être près les uns des autres.
Parce qu’il s’agit d’affronter ce qui n’aurait jamais du arriver là dans cette rue de Toulouse, un calme lundi.
Le passage du tueur au scooter, l’homme tout habillé de noir, a modifié le cours des choses, le cours des vies des enfants parents et enseignants. Un tueur en noir qui n’a pas hésité et poussé l’ignominie jusqu’à se filmer, surement pour éblouir ceux qui au loin ou plus près se sont incrustés dans ses pensées et l’ont incité d’une manière ou d’une autre à commettre un forfait aussi abject.
J’écris le tueur - car le nommer serait l’honorer le faire vivre et là n’est pas le propos - sera abattu quelques jours plus tard et ce devait être son vœu le plus cher que d’être martyr de la cause. Ainsi il ne sera jamais jugé et ne rendra pas de comptes. Justice.
L’école Ozar Hatorah est devenue Orh Torah.
Des écoliers juifs. Un papa juif.
La haine est féroce et tenace.
En 1940 les juifs étaient assassinés, en 2012 aussi.
Paix à leurs petites âmes.
Paix à leurs petits et grands copains qui après l’effroi, la terreur, l’incompréhension, le déni se reconstruisent à leur manière. Assister au procès des co-inculpés a été un passage pour certains voire tous !
Pour ne pas oublier !
« Le temps n’efface rien du tout. C’est juste qu’on apprend à vivre avec cette douleur, à l’image d’une personne qui se ferait amputer d’un pied et qui apprendrait à remarcher, à revivre, à continuer d’avancer dans sa vie, avec cette douleur-là et ce membre en moins…. C’est ce que j’essaye de faire. » (Eva Sandler)
Il y aura à Toulouse le 20 mars 2022 une commémoration en présence d’un président en campagne. Rien à ajouter.