Une étude "renversante"

 
 

« La race n’est pas de la biologie ; la race est de la sociologie. La race n’est pas un génotype ; la race est un phénotype. La race compte à cause du racisme. Et le racisme est absurde parce qu’il concerne uniquement l’apparence.
Pas le sang qui coule dans vos veines. » Chimamanda Ngozi Adichie

« Dans une société raciste, il ne suffit pas d’être non-raciste, nous devons être antiraciste. » Angela Davis

 « Vous n’êtes pas né raciste, vous êtes né dans une société raciste. Et comme tout le reste, si le racisme s’apprend, il peut aussi se désapprendre. » Jane Elliot

 
Coisy, Fabien ,Olivier, Guillaume ,Ageron, François-Xavier , Guillermou, Hugo,  Roussel,  Mélanie , Balen, Frédéric ,Grau-Mercier, Laura ,Bobbia, Xavier . Les professionnels de la santé en médecine d'urgence élèvent-ils différemment le niveau de douleur thoracique au triage en fonction de leur apparence chez les patients simulés ?. Journal européen de médecine d'urgence ():10.1097/MEJ.0000000000001113, 13 décembre 2023. | DOI : 10.1097/MEJ.0000000000001113
https://journals.lww.com/euro-emergencymed/fulltext/9900/do_emergency_medicine_health_care_workers_rate.109.aspx
Article libre d'accès
 

Contexte et importance 

 

Il semble y avoir des preuves de préjugés sexistes et ethniques dans la prise en charge précoce du syndrome coronarien aigu. Cependant, il n’a pas encore été établi si ces différences sont liées à une évaluation de gravité moins sévère ou à une prise en charge moins intensive malgré la même évaluation de gravité.

Objectif 

 

Montrer si le visionnage d'une image avec des personnages d'apparence sexuelle ou d'origine ethnique différente modifie la décision de priorisation dans la zone de triage d'urgence.

Méthodes 

 

Les intervenants se sont vu proposer un cas clinique standardisé dans une zone de triage d’urgence. L'image associée a été randomisée parmi huit images standardisées de personnes présentant des douleurs thoraciques et différant par leur sexe et leur apparence ethnique (apparence blanche, noire, nord-africaine et asiatique du sud-est).

Il a été demandé à chaque personne de répondre à un seul cas clinique, dans lequel le niveau de priorité [de 1 (nécessitant un traitement immédiat) à 5 (pouvant attendre jusqu'à 2 h)] a été évalué visuellement. Les classes prioritaires 1 et 2 pour les urgences vitales et les classes 3 à 5 pour les urgences non vitales ont été regroupées pour analyse.

Résultats 

 

Parmi les 1563 répondants [âge moyen, 36 ± 10 ans ; 867 (55 %) femmes], 777 (50 %) étaient médecins urgentistes, 180 (11 %) résidents en médecine d'urgence et 606 (39 %) infirmières. Les niveaux de priorité pour toutes les réponses étaient de 1 à 5 : 180 (11 %), 686 (44 %), 539 (34 %), 131 (9 %) et 27 (2 %). Il y avait une priorité signalée plus élevée chez les hommes que chez les femmes [62 % contre 49 %, différence 13 % (intervalle de confiance à 95 % ; IC 8–18 %)]. Par rapport aux Blancs, les patients noirs simulés avaient une priorité plus faible [47 % contre 58 %, différence de −11 % (IC à 95 % de −18 % à −4 %)], mais pas pour les personnes d'Asie du Sud-Est [55 % contre , 58 %, différence −3 % (IC 95 % −10–5 %)] et d'Afrique du Nord [61 % vs 58 %, différence 3 % (IC 95 % −4–10 %)].

URG2

 

Évaluation de la priorité pour toutes les réponses et selon l'apparence du patient
 
URG3

Évaluation de la priorité selon le sexe et l'apparence ethnique.

URG4

 

 

Conclusion 

 

Dans cette étude, la visualisation de patients simulés présentant des caractéristiques différentes a modifié la décision de priorisation. Comparés aux patients blancs, les patients noirs étaient moins susceptibles de recevoir un traitement d'urgence. La même chose était vraie pour les femmes par rapport aux hommes.


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Commentaire


Bravo à Xavier Bobbia (CHU Montpellier) d'avoir lancé cette étude passionnante à plus d'un titre, il fallait OSER ! 

Est-ce que les résultats sont surprenants, non pas vraiment, on aurait pu rajouter les seniors de plus de 80 ans......aux urgences.....les seniors et les files d'attente, décés surajoutés

Parlons des femmes accueillies aux urgences, la priorité est masculine, c'est un fait . Mais chez les femmes il y a quelque chose de particulier la suspicion d'infarctus. Le Pr Claire Mounier Véhier a bien étudié le tableau clinique présenté par les femmes , tableau qui explique les ratés de pris en charge doublement, clinique  et atypique chez une femme

 

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"La médecine est genrée

En matière de santé, femmes et hommes ne sont pas logés à la même enseigne. Mais les différences biologiques sont loin d’être seules en cause : les représentations sociales liées au genre féminin ou masculin jouent sur l’attitude des patients, du corps médical et des chercheurs. S’intéresser aux relations entre genre et santé permet de mener une réflexion éthique sur la contribution des facteurs sociaux et culturels aux inégalités de santé entre les sexes. Cette approche vise à enrichir les connaissances sur les origines des différences entre les femmes et les hommes dans la santé, pour de meilleures pratiques cliniques et dans la recherche biomédicale. 

Sexe et genre : une façon d’intégrer tous les déterminants de l’état de santé

Pour appréhender la question du genre en santé, il est d’abord nécessaire de définir ce dont on parle : 

  • le sexe désigne les caractéristiques biologiques (chromosomes, organes génitaux, hormones, fonctions reproductives) qui différencient les mâles des femelles, y compris dans l’espèce humaine.
  • Le genre correspond aux différences non biologiques qui distinguent les individus : c’est un concept qui désigne les processus de construction sociale et culturelle des identités féminine et masculine, et ceux des rapports sociaux entre les sexes."

https://www.inserm.fr/dossier/genre-et-sante/

La femme n'est pas mal accueillie aux urgences mais l'attitude chez certains soignants hommes n'est pas hostile mais condescendants.....c'est une femme....encore

Pour les noirs femmes ou hommes ils ne sont pas la priorité des soignants comme les Nords africaines

Les seniors sont souvent dans la détresse aux urgences car chez les vieux rien ne presse vraiment alors que c'est le contraire qu'il faut adopter. Le passage aux urgence des seniors peut s'avérer dramatique, il faut les prendre en charge rapidement.

Suite à cette article , une question évidente, le racisme "médical"  aux urgence , est-ce que ça existe ?

Le Monde actuel exacerbe toutes les discriminations  qu'elles soient raciales, religieuses, les niveaux sociaux alors que notre civilisation devrait les gommer. Il existe une dérive avec les extrémismes religieux et raciaux. Les urgences hospitalières ne sont que le reflet du monde actuel avec ses violences, ses excès, le chômage, la précarité, sont de plus en plus fréquentes, la fragilité des patients s'aggrave , la pauvreté s'installe etc. Mais les urgences ne doivent pas devenir "la cour des miracles "..........

La Santé va mal "en général", les patients par manque de médecins sont très inquiets....." qu'est ce qui va m'arriver, je n'ais plus de médecin et aucun médecin contacté ne veut de moi......" Les urgences ne doivent pas être un refuge pour les "sans médecins" mais à défaut de solutions rapides, les urgences risquent de le devenir.......

 

Tout médecin doit prendre en charge tous les patients de la même manière quelque soit le sexe, la couleur de sa peau , sa religion, ses différentes etc.

Une évidence ! 

C'est un principe fondamental

Extraits du Serment d'Hippocrate...loin d'être périmé !


"Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.


Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité."

Extrait de la Déclaration de Genève

"JE NE PERMETTRAI PAS que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation  sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient "

Les auteurs de l'article dans la discussion : " Toutes ces constatations pourraient également être liées, ou venir en complément, au racisme systémique . Cela doit changer et davantage de praticiens des minorités ethniques devraient être recrutés à l'ED La discrimination ethnique doit être soigneusement enseignée aux étudiants .

La discrimination ethnique n'a pas sa place en médecine, c'est un passage obligatoire non négociable . La médecine est un métier "noble" qui ne doit jamais faire intervenir  ni le sexe du patient , ni son apparence, ni sa couleur de peau, ni  sa religion, ni son âge.

Pour moi, c'est un principe intangible.

Merci aux auteurs de cet article qui n'ont rien éludé, félicitations, il fallait faire cette étude qui en appellera d'autres.

L'enseignement médical à l'Université doit parler de ces problèmes sans tabou, c'est URGENT !  Les jeunes médecins doivent affronter l'état actuel de la société, et éviter toute représentation idyllique, ce qui serait une erreur. Les urgences, c'est pas la guerre, c'est un lieu "sacré" où l'écoute, le dialogue, la compassion , l'empathie et la tolérance doivent être présents. Ce doit être le lien entre les soignants et les patients.



A LIRE

https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2016-1-page-33.htm

POUR REFLECHIR

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https://alternego.com/citations-racisme/