Bilans de santé généraux : utiles ou inutiles ?

Bilans de santé généraux : utiles ou inutiles ?

 Iconographie : Check Up
"On ne demande conseil que pour appuyer ses convictions." William Osler

"Il y a deux moyens d'oublier les tracas de la vie : la musique et les chats." Albert Schweitzer

General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease,Lasse T Krogsbøll  Karsten Juhl Jørgensen, Peter C Gøtzsche,Cochrane Database Syst Rev, 2019 Jan 31;1(1):CD00900, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30699470/, Bilans de santé généraux chez les adultes pour réduire la morbidité et la mortalité dues à la maladie

Contexte : Les bilans de santé généraux sont des éléments courants des soins de santé dans certains pays. Ils visent à détecter la maladie et les facteurs de risque de maladie dans le but de réduire la morbidité et la mortalité. La plupart des tests de dépistage individuels couramment utilisés proposés dans les bilans de santé généraux n'ont pas été complètement étudiés. En outre, le dépistage entraîne une utilisation accrue des interventions diagnostiques et thérapeutiques, qui peuvent être à la fois nuisibles et bénéfiques. Il est donc important d'évaluer si les bilans de santé généraux font plus de bien que de mal. Il s'agit de la première mise à jour de la revue publiée en 2012.

Objectifs : quantifier les avantages et les inconvénients des bilans de santé généraux.

Méthodes de recherche : Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, deux autres bases de données et deux registres d'essais cliniques le 31 janvier 2018. Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné les titres et les résumés, évalué l'éligibilité des articles et lu les listes de références. Un auteur de la revue a utilisé le suivi des citations (Web of Knowledge) et a interrogé les auteurs des essais sur des études supplémentaires.

Critères de sélection : nous avons inclus des essais randomisés comparant des bilans de santé à l'absence de bilans de santé chez des adultes non sélectionnés pour la maladie ou les facteurs de risque. Nous n'avons pas inclus les essais gériatriques. Nous avons défini les bilans de santé comme le dépistage de plus d'une maladie ou d'un facteur de risque dans plus d'un système organique.

Collecte et analyse des données : deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données et évalué le risque de biais dans les essais. Nous avons contacté les auteurs des essais pour obtenir des résultats supplémentaires ou des détails sur les essais si nécessaire. Lorsque cela était possible, nous avons analysé les résultats avec une méta-analyse de modèle à effets aléatoires ; sinon, nous avons fait une synthèse narrative.

Principaux résultats : nous avons inclus 17 essais, dont 15 ont rapporté des données de résultats (251 891 participants). Le risque de biais était généralement faible pour nos critères de jugement principaux. Les bilans de santé ont peu ou pas d'effet sur la mortalité totale (risque relatif (RR) 1,00, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,97 à 1,03 ; 11 essais ; 233 298 participants et 21 535 décès ; données probantes de haute certitude, I 2 = 0 %). ou la mortalité par cancer (RR 1,01, IC à 95 % 0,92 à 1,12 ; 8 essais ; 139 290 participants et 3 663 décès ; données probantes de haute certitude, I 2 = 33 %), et ont probablement peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (RR 1,05, 95 % IC 0,94 à 1,16 ; 9 essais ; 170 227 participants et 6 237 décès ; données probantes de certitude modérée ; I 2= 65 %). Les bilans de santé ont peu ou pas d'effet sur les cardiopathies ischémiques mortelles et non mortelles (RR 0,98, IC à 95 % 0,94 à 1,03 ; 4 essais ; 164 881 personnes, 10 325 événements ; preuves de haute certitude ; I 2 = 11 %), et probablement n'ont que peu ou pas d'effet sur les AVC mortels et non mortels (RR 1,05 IC à 95 % 0,95 à 1,17 ; 3 essais ; 107 421 personnes, 4 543 événements ; preuve de certitude modérée, I 2 = 53 %).

Conclusions des auteurs : Il est peu probable que les bilans de santé généraux soient bénéfiques.
Commentaire 

Vouloir dépister toute une population de toutes les affections les plus fréquentes n' a pas de sens sur le plan médical et économique. Par contre le dépistage doit être orienté , il doit être ciblé, et réalisé chez des populations à risque , voire à sur risque. comme les populations en situation de précarité. C'est l'évidence même. En vasculaire on peut multiplier les exemples de dépistages non justifiés , par exemple les plaques carotidiennes. Par contre étudier les carotides chez un patient porteur d'une artériopathie symptomatique des membres inférieurs , cela a du sens. On se situe dans un bilan d'extension de l'athérothrombose. Vouloir dépister des thromboses veineuses asymptomatiques après par exemple une prothèse de hanche ou chez un malade alité en médecine, cela n' pas de sens. Les exemples sont multiples au quotidien .

Le Dr Florian Zores ( @FZores ) sur son blog (blog très intéressant et excellent)  https://insuffisantcardiologue.com/page/2/ a réfléchit sur ce sujet dans un article  très intéressant "Moins de Soin, est-ce moins bien soigner ? Réflexions sur la pratique de la cardiologie". La première leçon et la plus importante : vous ne pouvez pas interpréter les résultats d'un test sans connaître la probabilité du prétest.(https://first10em.com/why-pretest-probability-is-essential/). C'est la base de la réflexion médicale en terme de  diagnostic et de prévention.

Le CHECK-UP sans réflexion clinique préalable est inutile

Le tableau ci dessous, publié dans l'article de cochrane, sujet de cette article est on ne peut plus démonstratif
mortaliécochrane
Autre exemple doit-on dépister l'anévrisme de l'aorte abdominale dans toute la population : évidemment non. Les critères de dépistage sont logiques : les hommes et les femmes de 50 ans et plus si le père ou la mère ont présenté un anévrisme de l'aorte abdominale. De plus les hommes de 60/65  ans et plus, les femmes de 60/65 ans et de  plus tabagiques et ou hypertendues.

La probabilité pré test de dépistage est significative en respectant ces critères.  Mais attention un diagnostic réalisé lors d'un examen de dépistage justifié ne doit pas conduire à un traitement inutile et injustifié  comme la chirurgie ou la mise en place d'une endo prothèse chez un patient dont ce n'est pas l'indication. De plus le fait de découvrir un anévrisme de l'aorte est à l'origine d'un stress important pour les patients. Au médecin d'expliquer et de rassurer.

La pertinence des soins en Médecine Vasculaire s'est penché sur le suivi des patients avec raison. Le constat, un nombre effarant d'examens inutiles de suivi ont été mis en évidence. Contemplé une plaque carotidienne minime tous les 6 mois n'a aucun sens. Multiplier les écho-Doppler de contemplation d'un thrombus veineux est initule et augmente le stress du patient etc. La multiplication d'actes inutiles est chronophage et couteuse. 

Retour au dépistage , c'est la même chose. Le dépistage doit avoir ses raison que le médecin aura apprécié après un bon examen clinique, et donc un acte intellectuel de qualité.....mais très peu valorisé à ce jour. 

Un autre exemple d'excés , un article signalé par Florian Zores : Cascades of Care After Incidental Findings in a US National Survey of Physicians in JAMA Network Open. 2019;2(10):e1913325.https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2752991 

Cet  article comme  bien d'autres soulignent l'impact négatif y compris sur le patient d'une débauche  d'examens inutiles dont certains sont à risque suite à une découverte pas hasard (incidentalome)  au cours d'un examen notamment de dépistage...en plus injustifié.

Tour cela pour vous dire qu'aujoud'hui on assiste à un empilement d'examens para-clinqiues inutiles et délétères pour les patients ,ruineux pour la socéité, quand le point de départ est un dépistage non ciblé par la probabilité pré test.

Alors oui le dépistage est utile s'il est pensé, expliqué, et qu il est totalement justifié. Faire des coloscopies tous les 5 ans dans une famille où la cancer colique est une réalité OUI. Faire des écho Doppler vasculaire périphérique sans démarche clinique préalable chez des patients qui veulent se rassurer, non. Un bon examen clinique est  le plus souvent suffisant . mais le fantasme de la technique , de l'imagerie pour les patients est à l'origine trop souvent de tout et donc de n'importe quoi........Attention trop souvent des explorations non invasives se transforment en explorations invasives qui n'apportent rien de plus pour les patients. Les dépistages du cancer oui, mais là encore ciblés avec soin et réflexion préalable.

Nous sommes aujourd'hui alors qu'il manque cruellement de médecins, entrés dans une spirale infernale, la clinique est absente,  les explorations sont sur-représentés, avec un potentiel certes bénéfique mais aussi dangereux et inutile, c'est la réalité.


La médecine mille feuille a un grand succés en médecine comme dans la patisserie. Donc les bilans de santé OUI, mais ils doivent être "pensés", justifiés, non invasif avec au terme du dépistage une synthèse médicale et non d'imagerie. 

Rappel : les régles du dépistage de l'OMS 


OMS DEPISTJe rajouterai l'utilisation d'un test fiable, non vulnérant . De plus le stade asymptomatique; voilà un point important. Le tri des patients qui doivent bénéficier d'un dépistage doit être basé sur un exame cliniquen, le fameux examen , la probabilté pré test.

Un autre exemple de dépistage inutile dans la population en général (@FZores)
FLOSThLXIAUqI7H
 

Un autre exemple des recommandations type Choose Wisely (choisir avec soin de la Société US de Médecine Vasculaire) afin de limiter l'inutile. Le choose wisely en France c'est la pertinence des soins.https://www.choosingwisely.org/societies/society-for-vascular-medicine/
  1. Ne faites pas de bilan pour un trouble de la coagulation (prenez des tests d'hypercoagulabilité) pour les patients qui développent un premier épisode de thrombose veineuse profonde (TVP) dans le cadre d'une cause connue.

    Les tests de laboratoire pour rechercher un trouble de la coagulation ne modifieront pas le traitement d'un caillot sanguin veineux, même si une anomalie est détectée. La TVP est un trouble très courant, et les découvertes récentes d'anomalies de la coagulation ont conduit à une augmentation des tests sans bénéfice prouvé

  2. Ne réimagez pas la TVP en l'absence de changement clinique.

    Répéter les images échographiques pour évaluer la « réponse » du caillot veineux au traitement ne modifie pas le traitement.

  3. Éviter les tests cardiovasculaires pour les patients subissant une chirurgie à faible risque.

    Les tests d'effort préopératoires ne modifient pas le traitement ou la prise de décision chez les patients confrontés à une chirurgie à faible risque.

  4. S'abstenir de revascularisation percutanée ou chirurgicale de la sténose artérielle périphérique chez les patients sans claudication ou ischémie critique des membres.

    Les patients sans symptômes ne bénéficieront pas des tentatives d'amélioration de la circulation. Aucune preuve n'existe pour soutenir l'amélioration de la circulation pour prévenir la progression de la maladie. Il n'y a pas de bénéfice préventif prouvé, seulement un bénéfice symptomatique.

  5. Ne pas dépister la sténose de l'artère rénale chez les patients sans hypertension résistante et avec une fonction rénale normale, même si une athérosclérose connue est présente.

    La réalisation d'une intervention chirurgicale ou d'une angioplastie pour améliorer la circulation vers les reins n'a aucun avantage préventif prouvé et ne doit pas être envisagée à moins qu'il y ait des signes de symptômes, tels qu'une pression artérielle élevée ou une diminution de la fonction rénale.

Attention ces textes ne sont pas la loi, ils définissent un cadre large. La clinique est là pour les moduler au cas par cas. 

La mission de Choisir avec soin est de favoriser les conversations entre les cliniciens et les patients en aidant les patients à choisir des soins qui sont :

Appuyé par des preuves
Ne fait pas double emploi avec d'autres tests ou procédures déjà reçus
Libre de tout aggresion

Vraiment nécessaire


Mais le Choose wisely concerne aussi le patient, comme cette affiche de salle d'attente
 
CWISE5QUESThttps://www.choosingwisely.org/ 

Pour terminer attention aux Check Up inutiles, attentions aux examens complémentaires inutiles, se rappeler que tout examen prescrit doit être utile pour le diagnostic notamment. Tout dépistage doit être précédé d'un examen clinique général qui orientera au cas par cas la direction et la finalité du dépistage.

Peux t' on faire mieux avec moins, ou "LESS is BEAUTIFUL" , le plus souvent OUI.

Toujours se poser la question avant de prescrire , à quoi ça va servir ? Les patients qui veulent bénéficier d'un dépistage  quelqu'il soit doivent passer par leur médecin traitant.

Attention aux centes de check up business, ça existe , des irradiations inutiles, des examens inutiles, des bilans inutiles........et le patient de vous dire avec un grand soutire , enfin on m'a fait ce je voulais pour ma santé.....no comment, c'est ça aussi la vraie vie .

Souce complémentaire
#VACCINE3.0 + grippe