Gériatrie et Coronaires


« La politique de la vieillesse ne se suffit pas à elle-même. Elle n’est et ne peut être qu’un aspect d’une politique plus large, tendant à assurer un aménagement harmonieux de l’ensemble de la société » (Laroque, 1962,)

 « Un nouveau regard sur le grand âge est indispensable : inclusion et autonomie doivent être les maîtres mots » (Libault, 2019,)

Avant propos

Depuis l’aube de l’humanité, l’homme s’est intéressé à la vieillesse ou plutôt, à comment la retarder. Tantôt grâce à des remèdes prévenant la calvitie ou les rides, tantôt grâce à des méthodes parfois alambiquées. De l’Égypte ancienne à nos jours, la gériatrie s’est construite peu à peu, mais ce n’est qu’au cours de la seconde partie du XXe siècle qu’elle s’est imposée comme une spécialité à part entière. Stricto sensu, elle s’avère être la spécialité la plus jeune. Elle fut la première à intégrer l’interdisciplinarité (terme souvent utilisé à tort comme synonyme de la multidisciplinarité, (cf. tableau 1). Le gériatre a dû acquérir des compétences en « management » (gestion d’équipe), puis en « co-management » (onco-gériatrie, ortho-gériatrie et cardio-gériatrie).

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La personne âgée : quelle définition ?

 

"Actuellement, pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une personne est qualifiée .d’âgée à partir de 65 ans  En Belgique, pour des raisons épidémiologiques et biologiques, c’est à partir de 75 ans. En 1875, en Angleterre, la Friendly Societies Act (loi sur les sociétés amicales) définissait la vieillesse comme : « tout âge après 50 ans ». Historiquement, c’est Bismarck, vers 1885, qui, pour s’allier l’aile gauche de son électorat, fut le premier à utiliser cette limite d’âge pour l’octroi d’avantages sociaux, en tenant compte du fait que peu de gens vivaient plus longtemps . S’il n’avait pas été le Chancelier de l’Allemagne à cette période ou si plus de moyens avaient été disponibles, peut-être la limite pour parler de « gériatrie » serait de 55 ans .

En 1950, dans un livre intitulé « The Aged and Society », publié par la Industrial Relations Research Association, on supposait que les « personnes âgées » étaient les personnes de plus de 65 ans. D’après sa publication parue en 1975, Norman Ryder souhaitait que l’on considère la population âgée comme celle dont l’espérance de vie résiduelle était de 10 ans, cet âge étant à l’époque de 65 ans .

Alors, ne faudrait-il pas revoir ce seuil de 65 ans ? D’une part, il ne correspond pas à l’entièreté des populations de la planète, comme le mentionnait en 2002, un groupe de travail de l’OMS à propos des populations de l’Afrique . D’autre part, une étude récente parue dans Nature stipule que la longévité humaine maximale est de 115 ans, avec un maximum absolu de 125 ans . Par ailleurs, l’âge de décès de Jeanne Calment (122 ans) a été récemment remis en cause , ce qui ferait de l’Américaine, Sarah Knauss (119 ans), la personne ayant vécu le plus longtemps au monde .

Force est de constater que l’âge seuil utilisé dépend de critères sociétaux comme l’âge de la pension, des avantages sociaux, ce qui, d’ailleurs, fait actuellement l’objet de débats vu l’augmentation de l’espérance de vie. En Belgique, le programme de soins du patient gériatrique a défini la personne âgée par le seuil de 75 ans (âge chronologique), ce qui correspond aux réalités de la biologie (le vieillissement s’accélérant après cet âge) et de l’épidémiologie (l’espérance de vie moyenne en Belgique approchant les 85 ans)."



deblauwet f2https://www.louvainmedical.be/fr/article/la-geriatrie-essor-dune-jeune-specialite

L 'Article

Alonso Salinas, GL; Cépas-Guillén, P. ; Léon, AM ; Jiménez-Méndez, C. ; Lozano-Vicario, L. ; Martínez-Avial, M. ; Díez-Villanueva, P. L'impact des affections gériatriques chez les patients âgés atteints de maladie coronarienne : état de l'artJ. Clin. Méd. 2024 , 13 , 1891. https://doi.org/10.3390/jcm13071891
https://www.mdpi.com/2077-0383/13/7/1891
Article libre d'accès

La population gériatrique croissante présentant une maladie coronarienne constitue un défi majeur pour les services de santé. Il s’agit d’une population très hétérogène, souvent sous-représentée dans les études et les essais cliniques, avec des caractéristiques distinctives qui la rendent particulièrement vulnérable aux approches/gestions standards. Dans cette revue, nous visons à résumer les preuves disponibles sur le traitement du syndrome coronarien aigu chez les personnes âgées.

De plus, nous contextualisons la fragilité, la comorbidité, la sarcopénie et les troubles cognitifs, fréquents chez ces patients, dans le domaine de la maladie coronarienne, en proposant des stratégies pour chaque cas qui peuvent aider aux approches thérapeutiques

GGE1
 
jcm 13 01891 g001GER2
jcm 13 01891 g002
Recommandations procédurales chez les patients âgés atteints d'un syndrome coronarien aigu subissant une intervention coronarienne percutanée. DAPT : bithérapie antiplaquettaire ; OAC : anticoagulant oral ; PCI : intervention coronarienne percutanée. Cette couverture a été conçue à partir d'images de Flaticon.com .

GER3
La population gériatrique présentant un SCA constitue un défi pour le système de santé en raison de caractéristiques spécifiques qui en font un groupe particulièrement vulnérable. Une évaluation gériatrique complète est indispensable, car elle peut guider et individualiser le traitement en fonction des caractéristiques uniques de chaque patient.

FRAGILITE

Jie Jun Wong, Laureen Yi-Ting Wang, Koji Hasegawa, Kay Woon Ho, Zijuan Huang, Louis LY Teo, Jack Wei Chieh Tan, Kazuyuki Kasahara, Ru-San Tan, Junbo Ge, Angela S Koh, connaissances actuelles sur la fragilité, sensibilisation, et pratiques parmi les médecins suite au document de consensus européen de 2022 sur la fragilité en cardiologieEuropean Heart Journal Open , 2024 ;, oeae025, https://doi.org/10.1093/ehjopen/oeae025

Contexte

Les maladies cardiovasculaires et le fardeau de la fragilité liés au vieillissement devraient augmenter avec le vieillissement mondial. En réponse aux directives des principales sociétés cardiovasculaires, nous avons étudié les connaissances, la sensibilisation et les pratiques en matière de fragilité parmi les cardiologues en tant qu'acteurs clés de ce paradigme émergent, un an après la publication du document de consensus européen sur la fragilité en cardiologie.

Méthodes

Nous avons lancé une enquête prospective multinationale sur le Web via les réseaux sociaux auprès de vastes communautés de cardiologie représentant plusieurs régions de l'Organisation mondiale de la santé, notamment les régions du Pacifique occidental et de l'Asie du Sud-Est.

Résultats

Au total, 578 répondants [38,2 % de femmes ; âgés de 35 à 49 ans (55,2 %), de 50 à 64 ans (34,4 %)] dans toutes les sous-spécialités, y compris les interventionnistes (43,3 %), les cardiologues généralistes (30,6 %) et les spécialistes de l'insuffisance cardiaque (HF) (10,9 %), ont été interrogés. . Près de la moitié avait lu le document de consensus (38,9%). Les non-interventionnistes percevaient une meilleure connaissance des instruments d'évaluation de la fragilité (pleinement ou vaguement conscients, 57,2 % contre 45 %, adj. p=0,0002), des programmes d'exercices (bien conscients, 12,9 % contre 6,0 %, adj. p=0,001) et engagés davantage dans les soins en équipe multidisciplinaire (fréquemment ou occasionnellement 52,6 % contre 41 %, adj. p = 0,002) que les interventionnistes. Les établissements de santé traitaient plus souvent de la fragilité pré-procédurale (fréquemment ou occasionnellement, 43,5 % contre 28,2 %, p = 0,004) et de la polypharmacie (fréquemment ou occasionnellement, 85,5 % contre 71 %, adj. p = 0,014), et avaient systématiquement de meilleures connaissances composites (39,3 % vs 21,6 %, adj. p=0,001) et les réponses pratiques (21 % vs 11,1 %, adj. p=0,018) que les non-HF. Les répondants ayant de meilleures réponses en matière de connaissances avaient également de meilleures pratiques en matière de fragilité (40,3 % contre 3,6 %, adj. p<0,001).
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Conclusion

Des différences de réponse distinctes suggèrent que les futures stratégies renforçant les principes de fragilité devraient aborder des pratiques propres aux sous-spécialités, telles que les stratégies de fragilité pré-procédurales pour les interventionnistes et les interventions de réadaptation pour les spécialistes de l'insuffisance cardiaque.

Synthèse

  • Les patients atteints d’une maladie cardiovasculaire courent un risque plus élevé de développer une fragilité et des complications, la santé cardiovasculaire étant un principe central de la fragilité. Avec une population mondiale vieillissante, les maladies cardiovasculaires et la fragilité liées au vieillissement devraient parallèlement augmenter.

    En réponse, nous avons lancé une enquête multinationale auprès de vastes communautés de cardiologie du monde entier pour comprendre les connaissances, la sensibilisation et les pratiques en matière de fragilité parmi les cardiologues de diverses sous-spécialités.

  • Sur 578 cardiologues originaires de dix pays différents et de dix sous-spécialités différentes interrogés, la plupart des répondants avaient une faible perception de la fragilité et de faibles connaissances, mais la majorité avait reconnu l'importance de la fragilité et de l'intervention en matière de fragilité.

  • Des différences de réponse distinctes entre les sous-spécialités ont été identifiées, ce qui suggère que les futures stratégies d'intervention en matière de fragilité devraient aborder les pratiques de fragilité propres à chaque sous-spécialité, telles que les stratégies pré-procédurales pour les interventionnistes et les interventions de réadaptation pour les spécialistes de l'insuffisance cardiaque.

Commentaire

Les sujets "âgés" cumulent des facteurs de sur risque en cas d'atteinte coronarienne : fragilité, fonction rénale altérée sur risque hémorragique, polymédication, les facteurs de comorbidités et les atteintes cognitives sans oublier la sarcopénie etc.

Le concept de fragilité est important à cerne et à évaluer. La fragilité aggrave le pronostic en cas de pathologie cardio vasculaire d'où la nécessité de l'évaluer avant toute intervention notamment coronarienne. L'approche diagnostique et thérapeutique doit en tenir compte comme pour toutes les affections, cela semble évident mais il existe quelque fois une certaine réticence des équipes à agir parce que.........expérience de la vraie vie.

Même phénomène pour les ischémies artérielles des MI dans le domaine vasculaire.

Le vieillissement n'est pas une maladie mais un phénomène normal dont il faut "tout" connaître. L' âge quel qu'il soit ne doit rien interdire en matière de traitement notamment CV  dans la mesure où l'équipe médicale , le patient et son entourage sont d'accord et que le geste thérapeutique  est possible et surtout sera bénéfique. 

Les risques les plus importants "chez les anciens " , le risque hémorragique et le risque rénal, à ne pas sous estimer ou sur estimer et la FRAGILITE ! 

Les équipes médiacles doivent s'adapter à la fragilité des patients, ne pas l'occulter, la détecter , en tenir compte ,surtout en cas de geste "invasifs" , procédures endo vasculaires par exemple.

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 Document Olivier Hanon

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