"Après tout peut-être que la grandeur de l'art réside dans la tension perpétuelle entre la beauté et la douleur, l'amour des hommes et la folie de la création, la solitude insupportable et la foule épuisante, le rejet et le consentement." Albert Camus
RAPPELS
L'ARTICLE
Camafort M, Kreutz R, Cho M
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38135468/
L'hypertension résistante est une maladie dans laquelle la tension artérielle reste supérieure à la valeur cible malgré des changements de mode de vie et l'utilisation concomitante d'au moins trois agents antihypertenseurs, dont un inhibiteur calcique à action prolongée (ICA), un inhibiteur du système rénine-angiotensine (inhibiteur de l'ECA ou inhibiteur des récepteurs de l'angiotensine) et un diurétique.
Pour établir un diagnostic d'hypertension résistante, il faut maintenir l'observance du traitement et confirmer la tension artérielle supérieure à la valeur cible par des mesures de la tension artérielle en dehors du cabinet et exclure les causes secondaires d'hypertension.
Les principaux points de prise en charge de cette maladie comprennent des changements de mode de vie tels qu'une consommation réduite de sodium et d'alcool, une activité physique régulière, une perte de poids et l'arrêt des substances qui peuvent interférer avec le contrôle de la tension artérielle.
Il est également recommandé de rationaliser le traitement actuel, notamment un traitement combiné à base d'un seul comprimé dans lequel les médicaments antihypertenseurs doivent être administrés à la dose maximale tolérée. Il est en outre recommandé de remplacer les médicaments actuels par un schéma thérapeutique plus approprié et moins difficile en fonction de l'âge du patient, de son origine ethnique, de ses comorbidités et du risque d'interactions médicamenteuses.
La quatrième ligne de traitement pour les patients souffrant d'hypertension résistante doit inclure des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes tels que la spironolactone, comme l'ont démontré l'essai PATHWAY-2 et les méta-analyses. Les alternatives à la spironolactone comprennent l'amiloride, la doxazosine, l'éplérénone, la clonidine et les bêtabloquants, ainsi que tout autre médicament antihypertenseur non encore utilisé. De nouvelles approches en cours de recherche sont les antagonistes sélectifs des récepteurs des minéralocorticoïdes non stéroïdiens tels que la finérénone, l'esaxérénone et l'océdurenone, les inhibiteurs sélectifs de l'aldostérone synthase tels que le baxdrostat et l'antagoniste double de l'endothéline aprocitentan.
Les maladies cardiovasculaires (MCV) représentent un fardeau mondial en raison du nombre élevé de décès et d’invalidités qu’elles entraînent. L’un des principaux facteurs de risque de MCV est l’hypertension. L’hypertension est associée à une probabilité plus élevée de mort subite, de mortalité cardiovasculaire (CV) et toutes causes confondues, de cardiopathie ischémique, d’insuffisance cardiaque (IC), de fibrillation auriculaire, d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance rénale chronique (IRC), de dysfonctionnement cognitif, de démence et de maladie artérielle périphérique
Objectifs d'apprentissage
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Pour bien comprendre la définition, la prévalence et le pronostic de l’hypertension résistante.
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Discuter des procédures permettant de réaliser un diagnostic efficace de l’hypertension résistante.
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Examiner les alternatives disponibles pour traiter l’hypertension résistante, y compris le traitement pharmaceutique, l’intervention chirurgicale et les conseils sur le mode de vie.
Proposition d'algorithme de traitement de l'hypertension résistante.
Conclusions
Bien que la prévalence exacte de la RHT reste incertaine, les recherches existantes suggèrent qu'elle pourrait toucher environ 10 % des personnes au sein de la communauté hypertendue.
La RHT constitue un facteur de risque important de maladie cardiovasculaire et d'IRC.
Par conséquent, il est impératif de reconnaître rapidement cette condition et de veiller à sa prise en charge par une équipe soignante formée capable d'exclure les causes sous-jacentes d'hypertension secondaire et de pseudo-RHT. Les ajustements du mode de vie sont la base fondamentale du traitement et justifient un renforcement constant. L'intensification du traitement antihypertenseur peut impliquer l'ajout de médicaments antihypertenseurs supplémentaires, tels que la spironolactone et les bêta-bloquants vasodilatateurs, ou RDN.
La préférence du patient doit être prise en compte dans le processus de prise de décision.
Des ECR récents ont démontré que la dénervation rénale endovasculaire (DREN) peut réduire significativement la PA chez les patients souffrant d'hypertension non contrôlée. Dans un large registre de patients atteints de DREN, la réduction de la PA était durable et sans problèmes de sécurité significatifs. La DREN peut être proposée comme traitement d'appoint pour les patients atteints d'HTR, à condition que le DFGe soit > 40 mL/min/1,73 m 2 , lorsque le contrôle de la PA ne peut être obtenu ou que des effets secondaires graves ne peuvent être évités avec des médicaments antihypertenseurs. Cependant, des essais dédiés tels que PATHWAY-2 et ReHOT (Resistant Hypertension Optimal Treatment) ont montré une efficacité à court terme, avec une grande fraction de patients toujours non contrôlés après un traitement par spironolactone. Par conséquent, comme pour le traitement par dispositif, des études plus spécifiques sont nécessaires avant que tout traitement antihypertenseur basé sur un dispositif puisse être généralisé dans la pratique clinique de routine. D'ici là, l'utilisation de ces dispositifs devrait être limitée aux centres spécialisés
DENERVATION RENALE RECOS 2024
Pathak A, Boulestreau R, Sapoval M, Lantelme P, Duly-Bouhanick B, Benamer H, Bejan-Angoulvant T, Cremer A, Amar L, Delarche N, Ormezzano O, Sabouret P, Silhol F, Sosner P, Lopez-Sublet M, Cohen A, Courand PY, Azizi M. Catheter-based renal denervation in the treatment of arterial hypertension: An expert consensus statement on behalf of the French Society of Hypertension (SFHTA), French Society of Radiology (SFR), French Society of Interventional Cardiology (GACI), French Society of Cardiology (SFC), French Association of Private Cardiologists (CNCF), French Association of Hospital Cardiologists (CNCH), French Society of Thoracic and Cardiovascular Surgery (SFCTCV) and French Society of Vascular and Endovascular Surgery (SCVE).
Dénervation rénale par cathéter dans le traitement de l'hypertension artérielle : consensus d'experts au nom de la Société française d'hypertension artérielle (SFHTA), de la Société française de radiologie (SFR), de la Société française de cardiologie interventionnelle (GACI), de la Société française de cardiologie (SFC), de l'Association française des cardiologues privés (CNCF), de l'Association française des cardiologues hospitaliers (CNCH), de la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (SFCTCV) et de la Société française de chirurgie vasculaire et endovasculaire (SCVE)
Arch Cardiovasc Dis. 2024 Sep 12:S1875-2136(24)00308-5. doi: 10.1016/j.acvd.2024.05.122. Epub ahead of print. PMID: 39332916.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1875213624003085?via%3Dihub
Article libre d'accès
Les indications
Sur la base des résultats des différentes études, la DR par radiofréquence ou ultrasons peut être proposée comme thérapeutique additionnelle pour :
1. Les patients ayant une HTA résistante au traitement non contrôlée :
- Définie comme une pression artérielle (PA) clinique en position assise ≥ 140 mmHg et/ou ≥ 90 mmHg, confirmée par une mesure ambulatoire sur 24 heures avec une PA systolique diurne ≥ 135 mmHg, ou une PA systolique sur 24 heures ≥ 130 mmHg, ou une PA en automesure à domicile ≥ 135 mmHg et/ou ≥ 85 mmHg
- Malgré un traitement par au moins trois antihypertenseurs, incluant un inhibiteur calcique à action prolongée, un bloqueur du système rénine-angiotensine, et un diurétique thiazidique ou apparenté, administrés à la dose maximale tolérée, idéalement sous forme de combinaison en une seule prise
- Cette indication est de classe II B selon les recommandations ESH 2023
2. Ayant une anatomie des artères rénales compatible avec le geste de DR. Celle-ci doit être évaluée de préférence par un angioscanner des artères rénales afin d’exclure :
- Des diamètres/longueurs/anatomie inappropriés des artères rénales principales et accessoires selon le cathéter utilisé
- Une sténose athéroscléreuse de l'artère rénale ≥ 30 %
- Une dysplasie fibromusculaire (DFM) des artères rénales, quel que soit le degré de sténose
- Un rein fonctionnel unique ou rein solitaire
- Un rein transplanté
- Des calcifications étendues de l’aorte abdominale et des artères rénales
3. Ayant un débit de filtration glomérulaire estimé ≥40 ml/min/1,73 m2
4. Après exclusion des formes secondaires d’HTA, en particulier l’hyperaldostéronisme primaire
5. Après avoir informé le patient du rapport bénéfice/risque de la DR dans le cadre d'un processus de décision médicale partagée, tenant compte des préférences du patient
6. Après discussion multidisciplinaire avec un centre spécialisé (centre d'excellence ESH ou clinique spécialisée dans la prise en charge de l'HTA)
De plus, la DR peut être envisagée dans d'autres contextes cliniques après une discussion multidisciplinaire.
7. Pour une HTA non contrôlée avec une non-observance sévère au traitement antihypertenseur, (classe II B selon les recommandations ESH 2023).
8. Pour une HTA non contrôlée chez les patients ayant une intolérance aux traitements antihypertenseurs entraînant une altération de la qualité de vie (classe II B selon les recommandations ESH 2023).
Messages clés des guidelines 2024
ESC 2024 : les messages clés des recommandations sur l’hypertension artérielle et l’élévation de la pression artérielle
https://www.cardio-online.fr/Actualites/A-la-une/ESC-2024/ESC-2024-les-messages-cles-des-recommandations-sur-l-hypertension-arterielle-et-l-elevation-de-la-pression-arterielle
- L’hypertension artérielle (HTA) est une maladie en pleine expansion démographique, avec une dégradation du contrôle tensionnel dans le monde.
Une simplification de la classification de la pression artérielle en 3 catégories est proposée : pression artérielle non élevée (< 120 / 70 mm Hg), pression artérielle élevée (entre 120/70 et < 140/90 mm Hg) et l’hypertension artérielle (au-dessus de 140/90 mm Hg).
La mesure de pression artérielle doit être standardisée ; elle doit s’appuyer sur des appareils électroniques validés. Les nouveaux appareils de mesure de la tension artérielle sans brassards (« cuffless ») bien que prometteurs, ne sont à l’heure actuelle pas validés.
La prise en charge diagnostique repose sur :
1) Une sécurisation de la mesure grâce à une mesure ambulatoire / à domicile de la pression artérielle
2) Une évaluation du risque cardiovasculaire global- 3) L’exploration de l’atteinte des organes cibles
- 4) La recherche de causes d’hypertension artérielle secondaire.
Pour la première fois, le dosage standardisé de l’aldostérone et de la rénine est proposé au diagnostic, chez tous les patients hypertendus confirmés. - Les régimes hygiéno-diététiques s’appliquent à tous les patients et reposent un mode de vie sain et équilibré, une activité physique adaptée, un régime sain méditerranéen et une restriction sodée strict (<5g de sel par jour) avec en cas de difficulté à restreindre les apports sodés la possibilité d’utiliser des sels de substitution enrichis en potassium (en l’absence de maladie rénale chronique avancée ou d’hyperkaliémie).
- L’objectif de la prise en charge de l’HTA est avant tout de réduire le risque cardiovasculaire global (RCV). En cas d’élévation de la pression artérielle (entre 120/70 et 140/90 mm Hg), le traitement pharmacologique est indiqué en cas de niveau de risque élevé : prévention secondaire, insuffisance cardiaque, maladie rénale chronique, diabète, retentissement sur les organes cibles ou élévation au-dessus de 10% du SCORE-2 (ou sa version OP en population > 70 ans et sa version DIABETES en population diabétique).
La stratégie médicamenteuse est maintenue par rapport aux guidelines de l’ESC 2018 avec le recours d’emblée à une bithérapie fixe par 2 molécules parmi un bloqueur du SRAA, un inhibiteur calcique et un diurétique ; et la possibilité de passer à une trithérapie en cas d’échec.- Ces nouvelles recommandations se veulent plus ambitieuses avec un objectif tensionnel de PA entre 120 et 129 mm Hg de systolique et 70 – 79 mm Hg de diastolique, en visant 120/70 mm Hg quand cela est possible, bien toléré et en l’absence de fragilité gériatrique, d’hypotension orthostatique ou d’espérance de vie de moins de 3 ans.
- En cas d’hypertension résistante, il faut adresser le patient à un centre-expert, réaliser un bilan d’HTA secondaire, ajouter de la spironolactone à la trithérapie préexistante et envisager une évaluation objective de l’inobservance médicamenteuse.
- La dénervation rénale fait son entrée pour la première fois dans des guidelines de l’ESC. Elle peut être réalisée en cas d’HTA résistante après une discussion et une évaluation multidisciplinaire, dans des centres ayant un gros volume d’activité.
Commentaire
Avant d'affirmer que l'HTA est résistante il faut :
* s'assurer que la ou le patient suit son traitement, que les facteurs de comorbidité sont contrôlés, que l'hygiène de vie est satisfaisante comme l'exercice physique, que les recommandations diététiques sont comprises
* s'assurer que le traitement anti HTA est optimal
* contrôle biologique avec étude de la fonction rénale (+++++) et de l'HBA1C notamment
* Si le diagnostic d'HTA résistante est confirmée, adresser le patient à un centre expert pour une prise en charge optimale, dénervation rénale comprise
Pseudo résistance
Il s'agit de situations où l'HTA semble résistante mais ne l'est pas réellement :Environ la moitié des patients apparemment résistants ne prennent pas au moins l'un des antihypertenseurs prescrits
Inertie médicale
Elle se caractérise par un traitement inadéquat, avec moins de trois classes thérapeutiques prescrites ou des doses trop faibles, notamment pour les diurétiques
Effet "blouse blanche" : Une tension élevée uniquement en consultation médicale
Facteurs favorisants
Certains éléments peuvent contribuer à la résistance au traitement :
Obésité
Consommation excessive d'alcool
Syndrome d'apnées obstructives du sommeil : Présent chez 60 à 80% des patients obèses avec HTA résistante
Prise de médicaments ou substances interférentes : Contraceptifs oraux, sympathomimétiques, AINS, corticostéroïdes, cocaïne, réglisse notamment l' ANTESITE
HTA secondaires
Les HTA secondaires sont plus fréquentes chez les patients résistants (20 à 50% contre 5% dans la population générale hypertendueLes causes principales sont :
Hyperaldostéronisme primaire : Présent chez environ 20% des patients avec HTA résistante D'autres causes plus rares incluent le phéochromocytome, le syndrome de Cushing, l'hyperparathyroïdie primaire, et certaines endocrinopathies
Conclusion
Face à une HTA résistante, il est crucial d'éliminer d'abord les causes de pseudo résistance, puis de rechercher systématiquement les facteurs favorisants et les HTA secondaires. Une évaluation complète dans une unité spécialisée est souvent nécessaire pour identifier la cause et optimiser la prise en charge
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