IA et CAPILLAROSCOPIE

L'illustration de la capillaroscopie MaCirculation.com
https://www.macirculation.com/examens/explorations-usuelles/capillaroscopie/#intro

 

"La philosophie est le microscope de la pensée." Victor Hugo

"Salomon avait déjà sorti un télescope et un microscope. Ceux-ci lui permettaient d'observer d'autres mondes, grands et petits, qui lui semblaient parfois plus attirants que le nôtre."  Keith Mc Gowen

 
Lutfi Ozturk, Charlotte Laclau, Carine Boulon, Marion Mangin, Etheve Braz-ma, Joel Constans, Loubna Dari, Claire Le Hello,
Analysis of nailfold capillaroscopy images with artificial intelligence: Data from literature and performance of machine learning and deep learning from images acquired in the SCLEROCAP study,

Analyse des images de capillaroscopie du pli unguéal par intelligence artificielle : données issues de la littérature et performances du machine learning et du deep learning à partir des images acquises dans l'étude SCLEROCAP

Microvascular Research, Volume 157, 2025, 104753, ISSN 0026-2862,
https://doi.org/10.1016/j.mvr.2024.104753.
(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S002628622400102X)
Article libre d'accès

RAPPEL 1

le projet CAPIA mis en place par Beatrice Terriat (Dijon) et Elisabeth Chevrier (Lille). Ce projet a reçu le prix Poster au CFPV 2024

Résumé de ce projet

« Introduction et objectifs

Le phénomène de Raynaud (PR) est un acrosyndrome paroxystique qui touche 5 à 15 % de la population. Il est primaire dans 80 % des cas et secondaire dans 20 % des cas avec la sclérodermie systémique (SS) et autres connectivites. La définition EULAR-ACR de la SS intègre les données de la capillaroscopie et la présence de PR. Lors d’une SS, deux types d’anomalies apparaissent : angiogenèse excessive (mégacapillaires et capillaires ramifiés) et destruction capillaire (raréfactions et désorganisation du lit capillaire). CAPIA est un projet d’intelligence artificielle (IA), pour créer un outil d’aide au diagnostic de SS chez des patients atteints de PR.

Méthodologie

À partir d’une base de données de capillaroscopies du CHU de Dijon, deux dataset ont été constitués : 50 patients avec sclérodermie (S) et 50 patients normaux (N). Nous disposions de plusieurs images par patient en format .jpg à grossissement identique (×50). Les images ont été annotées par des médecins vasculaires : capillaire normal, mégacapillaires (>50μm), hémorragie, raréfaction, thrombose, dystrophie majeure et mesure de la densité par millimètre. Chaque image a bénéficié d’un pré-traitement d’augmentation de contraste par méthode CLAHE (Contrast Limited Adaptive Histogram Equalization). Le choix de l’algorithme s’est tourné vers YoloV5. L’entraînement supervisé a été effectué sur un jeu comportant 80 % des images S et N. Une interface utilisateur a été développée (Gradio) pour permettre le dépôt de l’image et son interprétation par l’algorithme entraîné et laissant à l’utilisateur un degré de confiance ajustable.

Résultats

L’utilisation de l’interface utilisateur réalise une bonne détection des mégacapillaires, hémorragies et capillaires normaux. Son évaluation par Precision-Recall-Curve se situe entre 60 et 70 %. Le pré-traitement CLAHE a permis une meilleure visualisation des capillaires entraînant une surestimation des zones de raréfaction par les médecins vasculaires.

Discussion

Comme dans notre expérience, le traitement des images de capillaroscopie grâce à l’IA a été étudié dans la littérature et montre son intérêt dans la détection des anomalies capillaires.

Conclusion

L’application, développée à partir d’outils d’IA, est facile d’utilisation et détecte efficacement mégacapillaires, capillaires normaux et hémorragies. Elle est une aide diagnostique pour les patients avec un PR et oriente vers le diagnostic de SS. Cependant, elle reste incomplète et nécessite de l’optimiser et de l’évaluer à plus grande échelle pour poursuivre son développement. »

capia

https://www.em-consulte.com/article/1650025/article/l-intelligence-artificielle-au-service-de-la-capil

 

RAPPEL 2

Classifications capillaroscopiques et atteintes sévères dans la sclérodermie systémique. Résultats à l’inclusion de l’étude Sclérocap
C. Boulon, S. Blaise, B. Imbert, J. Constans,
La Revue de Médecine Interne, Volume 39, Supplement 2, 2018, Pages A42-A43, ISSN 0248-8663, https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.10.284.
(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0248866318310385)


Introduction

La capillaroscopie périunguéale est un examen considéré habituellement nécessaire au diagnostic et à l’évaluation initiale de la sclérodermie systémique. Elle peut révéler des signes spécifiques de la maladie chez des patients avec phénomène de Rayanud, y même en l’absence d’atteinte cutanée. Deux classifications de l’aspect de la microcirculation périunguéale ont été développées, prenant en compte la densité et la raréfaction vasculaire, la présence et le nombre de mégacapillaires et dystrophies ramifiées, la présence de micro hémorragies, avec pour objectif d’associer un profil clinique avec l’aspect capillaroscopique : la classification de Maricq distingue un profil « lent » et un profil « actif » et la classification de Cutolo décrit 3 stades « précoce », « actif » et « tardif ». L’objectif de l’étude Sclérocap est de comparer et valider dans une série prospective multicentrique française, leur capacité à prédire les complications sévères de la sclérodermie systémique (SSc). Un suivi sur 3 ans est planifié et nous présentons les données de corrélation entre l’aspect capillaroscopique et les complications sévères à l’inclusion.

Patients et méthodes

Sclérocap a inclus 387 patients consécutifs en un an dans dix centres français, (médecine interne, médecine vasculaire, dermatologie, rhumatologie) avec un suivi annuel comprenant une évaluation capillaroscopique effectuée par videocapillaroscopie (grossissement 50 à 100 Perimed, Järfälla, Sweden), avec enregistrement d’images, selon une méthodologie uniforme, ainsi que le recueil des données cliniques, biologiques, fonctionnelles et morphologiques permettant d’apprécier l’ensemble du retentissement de la maladie, cutané, périphérique et viscéral. Les images capillaroscopiques sont lues indépendamment par 2 observateurs, puis par un troisième en cas de discordance. Un suivi sur 3 ans est organisé. Pour chaque patient une appréciation est effectuée pour chaque doigt de laquelle est déduite une appréciation globale sur l’ensemble des 2 mains. Une analyse uni et multivariée avec régression logistique a été réalisée pour chaque classification capillaroscopique (Maricq et Cutolo). La reproductibilité intra et inter observateurs s’est avérée très satisfaisante après un entraînement.

Résultats

Au total, 58 patients (15 %) présentaient à l’inclusion un profil capillaroscopique normal ou non spécifique. Les 329 autres patients étaient répartis selon la classification de Maricq en 212 profils « lents » et 117 profils « actif. » Dans la classification de Cutolo, les patients étaient répartis en 87 patients en stade « précoce », 144 « actif » et 96 « tardif ».

Les classifications de Maricq et Cutolo présentent de larges recouvrements : le profil « actif » de Maricq correspond au stade « tardif » de Cutolo chez 80 % des patients. Le stade « tardif » de Cutolo correspond dans 97 % des cas au stade « actif » de Maricq. Les modèles « actif » de Maricq et « tardif » de Cutolo se sont révélés très proches. En analyse multivariée, ces deux profils sont corrélés avec le nombre d’ulcères digitaux (OR pour 2 ulcères ou plus éde 2 ulcères respectivement de 2,0 [1,1–3,8] et 2,6 (1,4–4,7), ainsi qu’avec un score de Rodnan supérieur à 15 (OR respectivement de 32 [6–158] et 18 [5–62]. Le taux d’hémoglobine était corrélé avec le stade « tardif » de Cutolo (Hb < 100 vs > 120 g/l OR 0,223[0,051–0,980]), et la capacité pulmonaire totale (baisse de 10 %) avec le stade « actif » de Maricq (OR = 0,833[0,717–0,969]).Discussion les classifications de Maricq et CUtolo présentent des recouvrements, notamment le stade tardi de Cutolo et le profil actif de maricq semblent similaires. La classification en 3 stades de Cutolo au lieu de 2 ne permet pas une meilleure corrélation avec la sévérité de la maladie. les principaux résultats de ce travail concernant la corrélation entre capillaroscopie et sévérité de la maladie. Le nombre d’ulcères digitaux et le RSS sont corrélés avec la forme active de Maricq et tardive de Cutolo.

Conclusion

Les corrélations retrouvées entre les stades capillaroscopiques et les critères de sévérité de la maladie sclérodermique à l’état basal permettent dès avant la poursuite de l’étude qui est une étude prospective avec un suivi longitudinal de 3 ans. Les résultats finaux pourront confirmer ou non la valeur prédictive de la capillaroscopie dans les complications de la sclérodermie systémique. Seuls deux stades capillaroscopiques semblent être utiles : un avec la présence de beaucoup de mégacapillaires et d’hémorragies et un avec une perte sévère de capillaires

L'ARTICLE

Préambule 

l'apprentissage automatique :
L'apprentissage automatique (machine learning en anglais) est un champ d'étude de l'intelligence artificielle qui vise à donner aux machines la capacité d'« apprendre » à partir de données, via des modèles mathématiques.

l'apprentissage profond :L'apprentissage profond est un procédé d'apprentissage automatique utilisant des réseaux de neurones possédant plusieurs couches de neurones cachées. Ces algorithmes possédant de très nombreux paramètres, ils demandent un nombre très important de données afin d'être entraînés.



https://praedictia.com/page/lapprentissage-machine/quest-ce.html


Objectif

 
Évaluer les performances de l'apprentissage automatique puis de l'apprentissage profond pour détecter un paysage de sclérodermie systémique (SSc) à partir du même ensemble d'images de capillaroscopie du repli unguéal (NC) de l'étude observationnelle prospective multicentrique française SCLEROCAP.
 

Méthodes

 
Les images NC des 100 premiers patients SCLEROCAP ont été analysées pour évaluer les performances de l'apprentissage automatique puis de l'apprentissage profond dans l'identification du paysage SSc, les images NC ayant été préalablement étiquetées de manière indépendante et consensuelle par des cliniciens experts. Les images ont été divisées en un ensemble d'entraînement (70 %) et un ensemble de validation (30 %). Après l'extraction des caractéristiques des images NC, nous avons testé six classificateurs (forêts aléatoires (RF), machine à vecteurs de support (SVM), régression logistique (LR), boosting de gradient de lumière (LGB), boosting de gradient extrême (XGB), K-plus proches voisins (KNN)) sur l'ensemble d'entraînement avec cinq combinaisons différentes des images. Les performances de chaque classificateur ont été évaluées par le score F1. Dans la section d'apprentissage profond, nous avons testé trois modèles pré-entraînés de la bibliothèque TIMM (ResNet-18, DenseNet-121 et VGG-16) sur des images NC brutes après avoir appliqué des méthodes d'augmentation d'image.
 

Résultats

 
Avec l'apprentissage automatique, les performances variaient de 0,60 à 0,73 pour chaque variable, les moments de Hu et Haralick étant les plus discriminants. Les performances étaient les plus élevées avec les modèles RF, LGB et XGB (scores F1 : 0,75-0,79). Le score le plus élevé a été obtenu en combinant toutes les variables et en utilisant le modèle LGB (score F1 : 0,79 ± 0,05, p  < 0,01). Avec l'apprentissage profond, les performances ont atteint une précision minimale de 0,87. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec le modèle DenseNet-121 (précision 0,94 ± 0,02, score F1 0,94 ± 0,02, AUC 0,95 ± 0,03) par rapport à ResNet-18 (précision 0,87 ± 0,04, score F1 0,85 ± 0,03, AUC 0,87 ± 0,04) et VGG-16 (précision 0,90 ± 0,03, score F1 0,91 ± 0,02, AUC 0,91 ± 0,04).


roc

 Courbes caractéristiques de fonctionnement du récepteur (ROC) des modèles sélectionnés : (A) machine d'amplification de gradient de lumière (LGBM), (B) forêt aléatoire et (C) amplification de gradient extrême (XGB).

AUC : aire sous la courbe ROC ; Classe 0 : pas de SSC ; Classe 1 : SSc ; macro-moyenne : les classes ont la même importance ; micro-moyenne : classes pondérées par le nombre d'exemples.
 

Conclusion

 
En utilisant le machine learning puis le deep learning sur le même ensemble d’images NC labellisées de l’étude SCLEROCAP, les meilleures performances pour détecter le paysage SSc ont été obtenues avec le deep learning et en particulier avec DenseNet-121. Ce modèle pré-entraîné pourrait donc être utilisé pour interpréter automatiquement les images NC en cas de suspicion de SSc. Ce résultat doit néanmoins être confirmé sur un plus grand nombre d’images NC.

DenseNet-121 : https://datascientest.com/reseaux-de-neurones-densenet

Commentaire

Excellence de ces travaux , la micro circulation rencontre l'intelligence artificielle, des études passionnantes. Rendre l'interprétation plus pertinente grâce à l'IA est une bonne chose, dans la mesure où la capillaroscopie n'est pas pratiquée par tous les médecins vasculaires.

Une ou un aide technique placera les doigts sous le microscope et le tour sera joué.
IA et capillaroscopie une avancée indéniable très utile pour les patients .

IA outil diagnostique, c'est l'une des indications en médecine très pertinente de l'IA.


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