La Vraie Vie des "exclus"


 “Imaginez une société dans laquelle il n’y aurait aucune loi à transgresser. Il est probable qu’on y mourrait rapidement d’ennui.” Suzanne Hovatch

“Transgresser, c'est progresser.” Louky Bersian

La médecine dans la vie réelle c'est la prise en charge chaque jour des exclus des études et des recommandations.
 
Soyez attentifs aux critères d' inclusion et d'exclusion des patients dans toutes les études .
 
Vous verrez alors que près de 30 à 50% des patients qui vous consultent seraient exclus des études dont les buts sont de nous faire évoluer  vers de nouvelles techniques, ou de nouvelles molécules ou de nouveaux scores et algorthmes, donc de nouvelles vérités . Cest là que l'on comprend mieux cette autre vérité : "les verités scientifiques ont une durée de vie plus courte que celles des patients."

Nous avons une patientéle hybride.

C'est ce qui fait de la médecine un art passionnant et c'est qui fait aussi que les robots humanoides ne pourront remplacer les médecins.

En plus chez ces exclus des études, il existe un ressenti de la maladie si différent d'un patient à l'autre qu 'il soit exclu ou inclu. Tout ceci fait de la médecine un métier bien à part qui nécessite des femmes et des hommes capables d'ppréhender cet aspect de notre métier.
 
Et c'est pourquoi nous transgressons régulièrement les règles, le principe de transgression.

"Le droit de transgression existe en médecine, il est à l'origine de 15 à 30% de nos décisions médicales, la fameuse décision médicale.

"Quel sens donner à l’expression « faire de l’éthique » aujourd’hui en médecine, entre l’importance de respecter des règles qui ont été établies pour de bonnes raisons, et la pertinence, voire la nécessité de les transgresser au nom d’un même idéal, celui du soin ?

L’éthique médicale contemporaine s’est en grande partie construite sur des principes, des codes et des lois. Ils encadrent et définissent ce qu’est une bonne pratique médicale. Faire de l’éthique consisterait ainsi à élaborer ces règles et y conformer les actes en vue du soin.

L’émergence des situations complexes contemporaines, qui sont des situations hors normes, constitue cependant un défi pour des règles établies qui ne semblent plus suffisantes pour satisfaire aux exigences morales du soin. Dans ces situations, faire de l’éthique pourrait aussi - et paradoxalement – consister à choisir de transgresser ces règles dans l’intérêt de la personne malade"http://www.erebfc.fr/information-et-debats/l-ethique-les-regles-la-transgression-qu-est-ce-que-faire-de-l-ethique/


Quelques exemples de la transgression médicale quotidienne

  • Ne pas respecter une recommandation médicale de fort garde est une transgression
  • Prescrire de l'aspirine en prévention primaire est une transgression...en génrale mais pas toujours....
  • Ecoles et pouvoirs publiques : au bout de 2 ans de pandémie, la transmission par aérosolisation n’était pas reconnue, c'était  une transgression
  • Prescrire un AOD pour une thrombose veineuse superficielle est une transgression par rapport à l'AMM des AOD et par rapport aux recommandations 
  • Prescrire des AOD "Low Dose" alors qu'ils devraient être prescrits à dose normale, c'est une transgression
  • Prescrire une statine en sous dosage en prévention secondaire CV est une transgression
  • Suivre en écho Doppler une petite plaque carotidienne tous les ans voire tous les 6 mois est une transgression
  • Faire un écho-Doppler transcrânien en même temps qu'un écho Doppler des vaisseaux du cou, alors que cet examen n'est pas indiqué , c'est de la transgession
  • Suivre en scanner un anévrisme de l'aorte abdominale sous rénal tous les 6 mois, avec un DAP de 40 mm, est une transgresson (vu récemment)
  • Ne pas mesurer l'index de pression à la cheville chez un artéritique est une transgression mais qui est justfiables au cas par cas
ETC,

TRAN1
 
OTAOTA
OTAOTA2

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03521352/document

les exemples sont très nombreux et journaliers dans la vraie vie.

En médecine la transgression est assez souvent compassionnelle mais elle doit être toujours éthique.

En faisant des recherches sur ce sujet j'ai découvert un mémoire de master II d'éthique en santé publique, Université de Normandie, "Quelle légitimité de la transgression pour une décision médicale éthique" par Mylène GOURIOT, sous la Direction du Pr Grégoire Moutel 2019/202 : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03521352/document in extenso. Un travail magnifique dont je vais reprendre quelques idées et je vous conseille de le lire (caractères bleus)

"Pour Anne-Marie BARANOWSKI, citée dans ce travail , la transgression « signifie en premier lieu outrepasser des interdits clairement spécifiés ou codifiés - obligations sociales, lois, valeurs éthiques - en second lieu enfreindre une norme faisant l’objet d’un consensus, mais se dispensant, le cas échéant, de définition »."

"D’une façon plus précise, ce thème n’existe pas à notre connaissance, dans le domaine de la formation des professionnels de santé. Tout comme le constate Olivier BABEAU concernant les manuels de gestion, les manuels de sciences humaines dédiés à la formation des étudiants
en médecine n’en font pas mention. « Les traces de la dimension transgressive y sont excessivement difficiles à déceler. C’est même une tâche vaine. »" "S’interroger sur la transgression c’est donc s’interroger sur les normes qui étreignent le domaine de la médecine et la pratique du soin, mais c’est surtout ouvrir une nouvelle perspective sur les limites sans cesse mouvantes qui les déterminent, un peu comme si nous décidions de regarder ces sujets d’un autre point de vue, de l’autre côté en ré-agençant une autre grille d’analyse"
 
 
Qu’est-ce que le droit souple ?
 
"Le « droit souple » présente l’intérêt de sa contradiction. Alors que le droit est généralement défini par son caractère obligatoire et contraignant, le droit souple donne au contraire la prééminence à un droit simplement proposé, recommandé, conseillé.

Récente, la prise en compte de l’existence et de l’émergence d’un tel droit conduit donc désormais à distinguer, parmi l’ensemble des règles de droit, celles, impératives, correspondant au « droit dur » classique, de celles, simplement indicatives, moins traditionnelles. Codes privés, chartes de bonne conduite, lignes directrices, recommandations, avis, communiqués… Le droit souple gagne du terrain, dans toutes les branches du droit et dans tous les ordres juridiques, externe comme interne. Ses auteurs, privés ou publics, se présentent donc aujourd’hui comme de nouvelles sources de droit. À la condition, toujours discutée, de se détacher des critères classiques d’obligatoriété et de sanction de la règle de droit, l’effectivité étonnante des règles de droit souple, pourtant dépourvues de tels caractères, incite à la réflexion."
https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-saviez-vous/article/quest-ce-que-le-droit-souple/h/96b209b064f20527f81ad3ef2372d48f.html
 
Le DROIT SOUPLE c'est celui qui régit la médecine. Le principe de transgression fait partie intégrante de la DECISION MEDICALE, ce droit ,doit respecter le code de déontologie, le serment d'Hippocrate , il est intégré à notre exercice.

Nous vivons aujourd'hui dans une société normative, avec une bureaucratisation qui étouffe souvent toute décision. La médecine est certes régit pas des lois et décrets , mais la médecine c'est ue ou un  patient ,une ou un praticien lors de la consultation initiale. Les recommandations scientifiques souvent lorsqu'elles sont publiées sont balayées par de nouvelles études non intégrées à la publication de la recommandation .

Tout va très vite, on l'a vue avec la Covid - 19 où les décisions empiriques transgressives ont été multiples.
 
Un exemple prévenir une thrombose veineuse par un anticaogulant curatif en cas de Covid-19, n'est ce pas une transgression dans un moment si  particulier.

Il ne faut pas culpabiliser si dans cerains cas on sort de la norme et que l' on ne respecte pas les recommandations.

Les souhaits, les préférence du patient sont aussi des motifs de transgression.
 
"La transgression est communément jugée comme telle par une évaluation de l’acte médical, de la réalisation de celui-ci. Cet acte est défini comme l'ensemble des activités humaines, techniques et scientifiques exercées par une personne qui réunit les conditions d'exercice de la médecine et ayant pour but la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies et des infirmités qui atteignent les êtres humains. La référence à l’acte médical ainsi défini parait peu pertinent pour apprécier pleinement la légitimité éthique de la transgression. En effet, la finalité de l’acte pose un caractère restrictif qui nous mènerait d’une part à considérer la légitimité de l’acte uniquement a posteriori et qui plus est d’un point de vue « technique ». Or cette action est en réalité élaborée en amont, dans l’exercice d’un choix arbitré par le soignant. « Ce choix résulte de la rencontre entre la manifestation d’un besoin et une offre de soin, entendue au sens large. "
 
La transgression ne doit pas devenir la règle, il faut toujours pouvoir la justifier , par exemple en se référent à une ou des études publiées récemment mais non intégrées aux recommandations et consensus du moment. La transgression, nous l'avons déjà souligné doit être éthique, voire compensionnelle. Elle doit être annoncée et expliquée aux patients et donc il faut aussi solliciter son avis.
 
"Paul RICOEUR apporte un éclairage précieux sur la prise de décision médicale c’est-àdire sur la formation du jugement dans le domaine médical qu’il met en parallèle avec ladécision judiciaire. Ainsi « ce qui est commun aux deux régimes de jugement c’est de placer un cas particulier sous une règle et ce cas particulier est, dans les deux cas, une personne. »"
 
"Finalement, protéger activement la liberté de la décision médicale comme valeur supérieure aux normes de la standardisation, c’est admettre le réel parce qu’il faut reconnaître que le simple rapport aux normes ne permet pas de qualifier le sens éthique d’une décision. « C’est toujours un sujet singulier – le professionnel – qui sedoit d’agir, conscient d’un sens, d’un imaginaire à l’oeuvre, d’une représentation socialeportant partiellement l’action tout en assumant le sens risqué qu’il déploie dans son propreagir ».

La valeur éthique d’une décision ne peut être déterminée par la seule capacité d’orientation dans le labyrinthe normatif"
 
Si je fait référence maintenant à la Pertinence des Soins, notre "CHOOSE WISELY" Made in France, les textes publiés sont souvent transgressifs par rapport aux recommandations mais ils ont raison le plus souvent, car ils reposent sur le bon sens clinique.

Alors en médecine TRANSRESSER or not TRANSGRESSER , dans la VRAIE VIE ?

OUI, mais une TRANSGRESSION motivée par un contexte médical particulier celuis des patients exclus des études , par des RECOMMANDATIONS non actualisées, par des PUBLICATIONS pas encore intégrées. TRANSGRESION justifiée sur le plan ETHIQUE," l'éthique se positionne alors en paralléle des normes, une norme des normes" (Myléne Gouriot).

Dans certains cas la transgression est COMPASSIONNELLE, mais toujours dans la TRANSPARENCE reposant  ou se rapprochant des VERITES SCIENTIFIQUES de qualité.

Attention ce que l'on appelle transgression en médecine ce n'est pas déraper et s'engager hors de la médecine, ce qui est dangereux et surtout répréhensible.

Toute conduite qui s'éloigne de de l'art de la médecine est vouée à l'échec comme les tribulations de Didier Raoult et consorts et cela mérite une condamnation forte et ferme.


Quant à la DIGRESSION en médecine, à éviter comme la REGRESSION médicale cette dernière est la conséquence de l'absence de FMC régulière (DPC/EPP)