Médecine Vasculaire en danger, lettre ouverte à Mr Thomas Fatôme.


“La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience trompeuse, le jugement difficile.”  Hippocrate

"Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit. " Gaston Bachelard

PRÉAMBULE

* La santé publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de promouvoir la santé et l’efficacité physiques à travers les efforts coordonnés de la communauté pour l’assainissement de l’environnement, le contrôle des infections dans la population, l’éducation de l’individu aux principes de l’hygiène personnelle, l’organisation des services médicaux et infirmiers pour le diagnostic précoce et le traitement préventif des pathologies, l’objet final étant de permettre à chaque individu de jouir de son droit inné à la santé et à la longévité.

Charles-Edward Winslow, Science, 1920


* Selon l'OMS, la santé publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la vitalité mentale et physique des individus par le moyen d’une action collective concertée visant à :
– assainir le milieu.
– lutter contre les maladies.
– enseigner les règles d’hygiène personnelle.
– organiser des services médicaux et infirmiers en vue d’un diagnostic précoce et du traitement préventif des maladies.
– mettre en œuvre des mesures sociales propres à assurer à chaque membre de la collectivité un niveau de vie compatible avec le maintien de la santé.

* Le médecin vasculaire est impliqué dans la prévention, le diagnostic, l’examen technique, puis la décision thérapeutique et le suivi. L’acte technique écho-Doppler est toujours intégré à un acte intellectuel et ne doit en aucun cas être considéré comme un banal acte d’imagerie. La création de la spécialité de médecine vasculaire, DES de 4 ans, n'a  fait que renforcer notre spécificité.

  

Lettre ouverte à M. Thomas Fatôme

(Cette lettre est une initiative strictement personnelle, fondée sur mes 43 ans d'exercice en angiologie, puis en médecine vasculaire, et je n'ai pas l'intention de m'arrêter.)  

Directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie

Monsieur, le Directeur général,

La décotation de nos actes d'écho-Doppler de 7,5 à 15 % met la profession en très grand danger.
 
Cette décision n'aura que des conséquences néfastes pour la médecine vasculaire, jeune spécialité, et surtout pour les patients.
 
Mais, nos décideurs ne semblent pas réellement intéressés par les patients, les malades, celles et ceux qui souffrent.

Quant à la PERTINENCE DES SOINS, c'est notre "credo" (1). 

Nous sommes près de 1800 médecins vasculaires.


Depuis des années nous demandons de dissocier l'acte technique et l'acte intellectuel.
 
Le médecin vasculaire a la "particularité" de pratiquer la médecine en examinant les patients, en les interrogeant (anamnèse) et en réalisant des actes techniques tels que l'écho Doppler, la capillaroscopie, et d'autres examens comme la mesure de la pression à l'orteil.  À la suite de la technique arrive le plus important le diagnostic (à expliquer)  la thérapeutique (prescrire et expliquer), la programmation du suivi éventuellement, la rédaction d'une lettre / compte rendu avec tous ces éléments. Enfin ne pas oublier la compassion, l'écoute, l'empathie, le partage avec les patients. Hippocrate n'est jamais très loin.
 
N'oubliez pas que plus de 90 % des patients nous sont adressés par des confrères qui attendent un diagnostic et une thérapeutique, et que ces patients sont  pris en charge en urgence chaque jour.

Ainsi, chaque fois que l'écho Doppler est négatif, on pourrait s'en tenir aux nouvelles cotations, mais pour tout ce qui est pathologique (plus de 80 %), l'acte intellectuel doit être honoré à sa juste valeur, nous ne sommes pas des techniciens ! 

Il ne faut pas oublier que le diagnostic initial  en urgence d'une affection telle qu'une thrombose veineuse profonde ou une artériopathie nécessite 40 minutes de consultation !

Faire 12 ans d'études, voir plus, s'équiper d'un appareillage couteux qui évolue en permanence, avoir un secrétariat efficace, tout cela a un coût de plus en plus élevé en médecine libérale.

Les jeunes médecins vasculaires, qui sont peu nombreux à vouloir s'installer en libéral, vont fuir cette situation en direction des hôpitaux.

Alors si nos décideurs veulent faire de la médecine vasculaire, une spécialité hospitalière, qu'ils le disent.

Ne pas oublier que la médecine vasculaire est une discipline transversale qui collabore avec toutes les spécialités, notamment la cardiologie, la diabétologie, le cancer, l'hématologie, la chirurgie vasculaire, la néphrologie, la neurologie, les dyslipidémies, etc. 

Si vous avez l'impression que notre spécialité est celle des varicosités, vous avez tort. Les varices font partie de notre spécialité. Un éventail considérable d'actes sont pratiqués par les médecins vasculaires, tels que la lymphologie, les acrosyndromes, les malformations vasculaires, la thrombophilie, la gestion des anticoagulants, notamment dans le cancer, ainsi que les écho-Doppler pré-fistule artérioveineuse pour l'hémodialyse et leur suivi.

Plus de 80% des thromboses veineuses profondes sont gérées par les libéraux, idem pour les pathologies artérielles "lourdes", etc.

Nous ne sommes pas responsables du trou abyssal de l'État, il faut chercher les coupables ailleurs et vous savez très bien où.

De plus, on observe une dérive esthétique chez certains médecins vasculaires, qu'il est nécessaire d'encadrer, car cela ne correspond pas à l'objectif du cursus en médecine vasculaire, il faut choisir la médecine vasculaire ou l'esthétisme.

Alors, si nos cotations continuent d'évoluer lentement mais sûrement vers une baisse régulière, cela signifiera la fin de la MÉDECINE VASCULAIRE.

Les affections cardiovasculaires sont la cause numéro 1  de mortalité en France.
Mais, vous ne le savez pas .

Enfin, comme tous les spécialistes, nous devenons les médecins des patients que nous suivons, dont 20% dans le Vaucluse n'ont plus de généraliste. A l'occasion d'une consultation, nous renouvelons leurs traitements et nous faisons un peu de médecine générale afin de les aider d'autant plus que notre clientèle est plutôt âgée.
 
Notre syndicat, le Syndicat national de médecine vasculaire, est actif à nos côtés.

Une autre chose à préciser, le renoncement aux soins : manque de médecins, délais de rendez-vous abyssal, petite retraite. 
Dans ma pratique, 20% des patients renoncent aux soins  (2).

Je vous rappelle que vous avez les moyens de contrôler les actes techniques inutiles.

Voici un  aperçu de notre quotidien.

Retenez que nous ne sommes pas des "doppléristes", mais nous sommes des médecins spécialistes de médecine vasculaire.

Au-delà de toutes ces considérations, il faut admettre que la médecine vasculaire répond à un besoin de santé publique. 

Nous demandons le respect de notre profession, nous sommes au service de la population. Dégrader notre métier est un acte lourd de conséquences.
L'humanité est le socle de l'exercice de la médecine,; ne jamais l'oublier.

L'avis du Conseil Nationale de l'Ordre des Médecins est édifiant  "En oubliant que la santé est un pilier de notre République, le PLFSS 2026 met en danger non seulement la qualité et la sécurité des soins, mais aussi le pacte de confiance sociétal" . (3) 

"Si l’humanité court à sa perte, alors nous n’avons plus aucune responsabilité, plus aucun devoir devant l’humanité". Mathieu Larnaudie


Cordialement
 
"Ce qui peut être affirmé sans preuve, peut être nié sans preuve." Euclide

"Un problème sans solution est un problème mal posé." Albert Einstein

Dr Jean-Pierre Laroche, né le 16/04/1950, en activité libérale  à mi-temps
Médecin spécialiste en médecine vasculaire
Ancien président de la Société française de médecine vasculaire (SFMV)
Coresponsable du groupe de travail sur l'IA de la SFMV
Président en exercice  de l'ODPC-MV
Ancien PH à temps partiel au CHU de Montpellier pendant 30 ans, actuellement "encore"  attaché à l'enseignement universitaire.

Membre bénévole du comité de lutte contre la thrombose, CH Avignon (CLOT/RCP THROMBOSE)
Ambassadeur du Bus du Coeur
Auteur de plusieurs ouvrages, tous en médecine vasculaire.

1139 chemin du Lavarin
MEDIPOLE
84000 AVIGNON
06 82 14 10 73
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
BLOG : https://medvasc.info/

(1) ÉCHO-DOPPLER VASCULAIRE ARTERES ET VEINES PERTINENCE DES SOINS
https://www.portailvasculaire.fr/sites/default/files/docs/2018_cnpmv_choosing_wisely_echo-doppler.pdf

(2) SANTÉ : le renoncement aux soins
https://medvasc.info/archives-blog/le 
 
(3) Avis CNOM

 

 

PLFSS 2026 

Publié le Mercredi 22 octobre 2025  
 
 
PLFSS 2026 : Au-delà des chiffres, la confiance entre patients, médecins et République est remise en cause.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins alerte solennellement :

Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 ne représente pas seulement une tentative de dérive gestionnaire, il marque un tournant alarmant pour l’équilibre du système de santé français, fondé sur la confiance entre les patients-citoyens, leurs médecins et les institutions de la République.


L’intérêt du patient est relégué derrière la logique financière. Ce texte, conçu dans l’urgence, place la maîtrise comptable au-dessus de la mission première du soin. La dignité du patient, le respect de ses choix, sa singularité et sa vulnérabilité semblent absents des décisions. Le citoyen-patient est réduit à un « coût » ou à une variable d’ajustement budgétaire, il n’est plus au coeur de la politique de santé.

De plus, le rôle du médecin, de tous exercices (hospitalier, salarié et libéral) et de toutes spécialités, dans la République est remis en question. Ce PLFSS ne se contente pas d’encadrer la dépense : il questionne la place même du médecin dans la société. Liberté de prescription, indépendance professionnelle, autonomie du diagnostic et de la décision, responsabilité clinique : ces fondements de l’exercice médical, garants d’un soin adapté à chaque patient, sont affaiblis.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins rappelle que le système de santé repose sur un équilibre subtil : solidarité nationale, confiance mutuelle, responsabilité médicale et accès équitable aux soins. Or, la soudaineté des annonces, leur caractère unilatéral et la violence ressentie des mesures introduites (contrôles renforcés, sanctions, suspicion généralisée) rompent ce pacte implicite de respect et de loyauté. Ainsi, le lien de confiance indispensable entre tous les acteurs est brutalement fragilisé, alors que ce lien est la colonne vertébrale de la relation entre le médecin, le patient et la République. En imposant des mesures coercitives, sans vision à long terme ni concertation, l’État rompt cet équilibre et expose notre Nation à un risque de fracture sanitaire et sociale.

Ce que demande le CNOM avec force et sans détour au nom des médecins et pour une garantie aux droits des patients :
  • Recentrer le PLFSS sur l’intérêt des patients et la continuité de leur prise en charge.
  • Suspendre les mesures coercitives imposées sans dialogue et qui rompent la confiance.
  • Réaffirmer la place du médecin comme acteur de la République, non comme simple exécutant administratif.
  • Rétablir un cadre d'équilibre entre responsabilité médicale, financement durable et solidarité nationale.
La santé n’est ni une simple dépense, ni une ligne comptable, c’est un investissement essentiel pour la société.

En oubliant que la santé est un pilier de notre République, le PLFSS 2026 met en danger non seulement la qualité et la sécurité des soins, mais aussi le pacte de confiance sociétal.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins appelle à une consultation élargie et se tient prêt à contribuer à une réforme ambitieuse, respectueuse des patients comme des soignants.
 


 
Copyright: Dr. Jean-Pierre Laroche / 2025