Mon article 2022 : Grégoire Détriché

Mon article 2022 : Grégoire Détriché

iconographie : femmes

« Je ne réclame aucune faveur pour les femmes, tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils retirent leur pied de notre nuque ».
Ruth Bader Ginsburg

« Les erreurs ne se regrettent pas, elles s’assument. La peur ne se fuit pas, elle se surmonte. L’amour ne se crie pas, il se prouve. » Simone Veil

« La réussite, ce n’est pas combien d’argent vous gagnez. C’est l’impact que vous avez sur la vie des gens. » Michelle Obama


Dr Grégoire Détriché, MD PhD
Centre d’Explorations Vasculaires Chalgrin, Paris
Service de Médecine Vasculaire, HEGP, Paris

Differences in Symptom Presentation in Women and Men with Confirmed Lower Limb Peripheral Artery Disease: A Systematic Review and MetaAnalysis
Cindy P. Porras a, Michiel L. Bots a, Martin Teraa b, Sander van Doorn a, RobinW.M. Vernooij Eur J Vasc Endovasc Surg (2022) 63, 602-612
https://www.ejves.com/action/showPdf?pii=S1078-5884%2821%2901032-7
Article libre d'accés
 
Toujours dans la lignée de la spécificité de la maladie cardiovasculaire chez la femme, je vous propose de revenir sur cette méta-analyse très intéressante publiée par un groupe hollandais en 2022 dans le European Journal of Vascular and Endovascular Surgery.

Il est désormais bien connu que concernant l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), les symptômes peuvent être volontiers atypiques chez les femmes.
 
Cette méta-analyse fournit des preuves des symptômes atypiques décrits auparavant par certains auteurs et corrobore les différences entre les deux sexes dans la présentation des symptômes chez les patients artériopathes.

Les auteurs rappellent à juste titre que les femmes sont atteintes d’AOMI au moins aussi souvent que les hommes, et que 50% des patients diagnostiqués sont asymptomatiques ou présentent des symptômes atypiques. La « classique » claudication ne surviendrait que chez 10% des patients avec AOMI confirmée.

Cette méta-analyse a cherché à évaluer la présentation des symptômes chez les patients atteints d'AOMI et de comparer la prévalence des symptômes entre les femmes et les hommes. Les études inclues étaient des études observationnelles (transversales, cohortes et cas-témoins) et des essais cliniques randomisés faisant état des différences entre les sexes, de la prévalence des symptômes et de leurs caractéristiques, ainsi que des différences de traitement selon le sexe chez les patients atteints d’AOMI.

Les critères de jugement principaux étaient la prévalence de la claudication intermittente, les douleurs de repos et les symptômes atypiques des membres inférieurs.

Par ailleurs, des sous-groupes ont été définis en fonction de la proportion moyenne de fumeurs, d'hypertension, et de diabète dans la population générale. De plus, une analyse de sous-groupe a été réalisée selon l'année de publication, en partant du principe que la déclaration et la contribution des femmes dans les études ultérieures peuvent avoir changé au fil du temps.

Ces analyses de sous-groupes ont été réalisées pour tous les critères de jugement.

Au final, un total de 13 études transversales, 6 cohortes, une étude cas-témoins, et un essai clinique randomisé répondaient aux critères d'inclusion et ont été sélectionnés pour une analyse détaillée. Ensemble, ces études portent sur 1 950 169 patients dont près de 44% de femmes.

Concernant les facteurs de risque cardiovasculaire, les femmes avaient tendance à moins fumer que les hommes, présentaient moins de maladies coronariennes et de diabète, mais avaient en revanche plus d’hypertension.

Concernant les symptômes, les femmes avaient une prévalence de claudication intermittente plus faible que les hommes mais présentaient des douleurs de repos (donc une ischémie critique) et des symptômes atypiques plus fréquemment que chez les hommes.

Fait intéressant, ces constatations sont confirmées dans les différents sous-groupes étudiés dans cette méta-analyse.

DETRI1

 (A) neuf études rapportant des douleurs au repos et (B) quatre études rapportant des symptômes atypiques des jambes par sexe chez des patients atteints de maladie artérielle périphérique. OR = rapport de cotes ; MH = Mantel-Haenszel ; IC = intervalle de confiance.

Cette revue systématique ajoute cette preuve à la littérature en montrant que la présentation clinique diffère entre les femmes et les hommes.

Ces résultats confirment que l’AOMI se manifeste différemment selon le sexe, ce qui pourrait être l'un des facteurs contributifs aux différences de résultat et de traitement de l’AOMI entre les femmes et les hommes décrites par certains auteurs.

Les femmes et les hommes atteints d'AOMI ne doivent pas être considérés comme une seule population et les données spécifiques au sexe sur la présentation, le diagnostic, les médicaments et les thérapies interventionnelles ainsi que le pronostic doivent être étudiées et au moins rapportées séparément.

Ces données confirment celles de l’étude que nous avions réalisée à l’HEGP *au sein du service de médecine vasculaire publié dans Frontiers in Cardiovascular Medicine début 2022, où nous montrions que les femmes entraient dans l’AOMI a un âge plus avancé que les hommes, fumaient moins et avaient moins de cardiopathie ischémique, et en même temps présentaient autant de complications cardiovasculaires et de complications artérielles sur leurs membres inférieurs que les hommes, et mourraient même plus d’AVC que ceux-ci.

* "Women Specific Characteristics and 1-Year Outcome Among Patients Hospitalized for Peripheral Artery Disease: A Monocentric Cohort Analysis in a Tertiary Center," Caractéristiques spécifiques aux femmes et résultat à 1 an chez les patientes hospitalisées pour une maladie artérielle périphérique : une analyse de cohorte monocentrique dans un centre tertiaire"   in Front. Cardiovasc. Med., 07 February 2022 | https://doi.org/10.3389/fcvm.2022.824466, Co Auteurs : Alexis Guédon, Nassim Mohamedi, Olfa Sellami, Charles Cheng, Alexandre Galloula, Guillaume Goudot, Lina Khider Hélène Mortelette, Jonas Sitruk, Nicolas Gendron, Marc Sapoval, Pierre Julia, David M. Smadja,Tristan Mirault and Emmanuel Messas, "Team HEGP" 
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8858944/pdf/fcvm-09-824466.pdf
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fcvm 09 824466 g002

Courbes de survie de Kaplan-Meier à un an. Patients avec claudication intermittente, survie globale (A) , événements cardiovasculaires indésirables majeurs : MACE (B) , événements indésirables majeurs des membres : HOMME (C) ; patients avec ischémie critique des membres, survie globale (D) , événements indésirables cardiovasculaires majeurs : MACE (E) , événements indésirables majeurs des membres : HOMME (F) et comparaison selon le sexe (hommes, ligne bleue ; femmes, ligne rouge) avec Log Rank test de comparaisons entre hommes (bleu) et femmes (rouge).

En pratique clinique, à quoi devons-nous être vigilant ?

Pour toutes les femmes consultant pour tout motif vasculaire quel qu’il soit, allant de la dyslipidémie en prévention primaire au bilan d’insuffisance veineuse, il est tout à fait licite de palper les pouls périphériques et de regarder les flux artériels aux chevilles en guise de dépistage, et de réaliser des IPS à la moindre anomalie.

Pareillement, traquer les facteurs de risque cardiovasculaire spécifiques aux femmes (HTA gravidique, diabète gestationnel, prééclampsie, éclampsie, syndrome des ovaires polykystiques etc.) permet de mieux cerner le risque vasculaire de nos patientes et permettra de mieux dépister l’AOMI a un stade encore asymptomatique, permettant d’être encore plus – toujours plus ! – acteur de la prévention cardiovasculaire féminine et de limiter ainsi, dans le futur, l’explosion de la morbi-mortalité cardiovasculaire féminine.

A Relire : https://medvasc.info/1527-entretien-avec-l-auteur-gr%C3%A9goire-detrich%C3%A9-aomi-femme


Merci Grégoire !