Patients âgés et infarctus du myocarde et AOMI

 
 “Il faut avoir une stratégie, mais il faut qu'elle soit souple, c'est l'instinct qui nous dit quand il faut changer de stratégie. Les deux sont importants mais on ne peut pas avoir l'un sans l'autre." " Paul Desmarais

“À chaque troupeau sa brebis galeuse !” Stanislaw Jerzy Lec
 
Kunadian V, Mossop H, Shields C, Bardgett M, Watts P, Teare MD, Pritchard J, Adams-Hall J, Runnett C, Ripley DP, Carter J, Quigley J, Cooke J, Austin D, Murphy J, Kelly D, McGowan J, Veerasamy M, Felmeden D, Contractor H, Mutgi S, Irving J, Lindsay S, Galasko G, Lee K, Sultan A, Dastidar AG, Hussain S, Haq IU, de Belder M, Denvir M, Flather M, Storey RF, Newby DE, Pocock SJ, Fox KAA; British Heart Foundation SENIOR-RITA Trial Team and Investigators. Invasive Treatment Strategy for Older Patients with Myocardial Infarction. Stratégie de traitement invasive pour les patients âgés atteints d'infarctus du myocarde
N Engl J Med. 2024 Nov 7;391(18):1673-1684. doi: 10.1056/NEJMoa2407791. Epub 2024 Sep 1. PMID: 39225274.
https://eprints.whiterose.ac.uk/218576/3/Kunadian-2407791-Text.pdf
Libre d'accés

Contexte

On ne sait toujours pas si une stratégie conservatrice de traitement médical seul ou une stratégie de traitement médical plus traitement invasif est plus bénéfique chez les personnes âgées atteintes d'infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI).

Méthodes

Nous avons mené un essai prospectif multicentrique randomisé portant sur des patients âgés de 75 ans ou plus atteints d'un NSTEMI dans 48 sites au Royaume-Uni.
Les patients ont été assignés, selon un ratio de 1:1, à une stratégie conservatrice du meilleur traitement médical disponible ou à une stratégie invasive d'angiographie coronaire et de revascularisation plus le meilleur traitement médical disponible. Les patients fragiles ou présentant une charge élevée de coexistence de pathologies étaient éligibles. Le critère d'évaluation principal était un composite de décès d'origine cardiovasculaire (décès cardiovasculaire) ou d'infarctus du myocarde non mortel évalué dans une analyse du temps écoulé jusqu'à l'événement.

Résultats

Au total, 1 518 patients ont été randomisés ; 753 patients ont été assignés au groupe de stratégie invasive et 765 au groupe de stratégie conservatrice.
L'âge moyen des patients était de 82 ans, 45 % étaient des femmes et 32 ​​% étaient fragiles. Un événement de résultat principal est survenu chez 193 patients (25,6 %) dans le groupe de stratégie invasive et 201 patients (26,3 %) dans le groupe de stratégie conservatrice (rapport de risque, 0,94 ; intervalle de confiance [IC] à 95 %, 0,77 à 1,14 ; p = 0,53) sur une période de suivi médiane de 4,1 ans. Un décès cardiovasculaire est survenu chez 15,8 % des patients du groupe ayant suivi une stratégie invasive et chez 14,2 % des patients du groupe ayant suivi une stratégie conservatrice (rapport de risque de 1,11 ; IC à 95 %, 0,86 à 1,44). Un infarctus du myocarde non mortel est survenu chez 11,7 % des patients du groupe ayant suivi une stratégie invasive et chez 15,0 % des patients du groupe ayant suivi une stratégie conservatrice (rapport de risque de 0,75 ; IC à 95 %, 0,57 à 0,99). Des complications liées à la procédure sont survenues chez moins de 1 % des patients.

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Conclusions

Chez les adultes plus âgés atteints d'un NSTEMI, une stratégie invasive n'a pas entraîné de risque significativement plus faible de décès cardiovasculaire ou d'infarctus du myocarde non mortel (le critère d'évaluation principal composite) qu'une stratégie conservatrice sur un suivi médian de 4,1 ans. (Financé par la British Heart Foundation ; numéro de registre ISRCTN BHF SENIOR-RITA, ISRCTN11343602.).


Commentaire

 
lwuo eubk 121214
 
La question du traitement de l'artériopathie chronique oblitérante des MI (AOMI) se pose de la même manière : traitement médical vs angioplastie chez les personnes âgées > 75 ans.

Dans l'étude "coronaire", la population étudiée était de 75 ans et plus jusqu'à 95 ans 

Cette étude montre dans un cadre précis qu'il n' y a pas  de différence entre le TTT par angioplastie vs TTT médical 

De quoi parle-t-on ?

Un TTT médical optimal, c'est la correction stricte des FDR CV + un traitement associant statine forte dose, un antiplaquettaire, activité physique et un traitement des facteurs de comorbidité (HTA, diabète, IR, etc.).
Un TTT  invasif (angioplastie le plus souvent), c'est la même chose, plus l'angioplastie.

Le TTT invasif est il si invasif ?  Aujourd'hui NON.
Le TTT médical sera t-il complet comme la correction des FDRCV et les facteurs de            comorbidité ?

Le patient est il capable d'avoir une activité physique ?
Les lésions artérielles sont-elles menaçantes ?
Que souhaite le patient ?

Tous ces facteurs entrent en ligne de compte au cas par cas
Tout doit être expliqué aux patients avec les arguments positifs  et les contre-arguments.

A situation égale en ce qui concerne l'AOMI, les mesures médicales sont toujours prescrites et expliquées comme les avantages et les inconvénients de l'angioplastie.

Je suis "invasif" chez les patients avec une AOMI au stade d'ischémie d'effort chez les sujets âgés et très âgés qui expriment la volonté de remarcher rapidement et chez lesquels "TOUT est sous CONTROLE". .Notons que de multiples études ont comparé pour l'AOMI TTT médical et angioplastie avec un match nul comme pour les coronaires.

En cas de doute, le recours à une RCP est justifié.


ADDENDUM

AOMI
 au stade de l'ischémie d'effort en 31 points

1. Toute douleur du mollet à la marche chez une femme ou chez un homme à l'effort doit faire rechercher une AOMI.
2. L'examen clinique est déterminant, anamnèse, auscultation, palpation des pouls, appréciation de la chaleur et de la froideur cutanée, état des phanères.
3. Mesure de l'index de pression à la cheville (IPS) avec un Pocket Doppler, tout médecin quelle que soit sa spécialité, devrait être capable de mesurer cet IPS

IPSFFFFFBMesure IPS (F Becker) 

4. AOMI diagnostiquée = recherche de tous les FDRCV, enquête policière précise avec aussi la recherche de l'hérédité CV (avant 60 ans)
5. Un écho-Doppler complet est nécessaire dès que la suspicion clinique est forte : étude des artères des MI, de l'aorte abdominale (anévrisme) et, si AOMI confirmée étude des troncs supra-aortiques  dans le même temps
6. L'écho-Doppler affine le diagnostic sur le plan anatomique et hémodynamique.
7. La classification de Leriche et Fontaine a vécu, , on parle d'ischémie d'effort et d'ischémie de repos, pour cette dernière la TCPO2 et la mesure de la pression au gros orteil peuvent s'avérer très utiles.
8. Au terme de ce bilan qui confirme l'AOMI , il faut mettre en rapport les données cliniques, les données anatomiques et hémodynamiques,  les FDRCV, la gêne précise du patient .
9. Un traitement médical est alors prescrit, il est indispensable et il sera définitif quelles que soient les modalités thérapeutiques autres proposées.
10. Traitement médical : d'emblée une statine à forte dose (40 mg) car la cible de LDL devra être < 0,55 g/l.  Un antiagrégant plaquettaire est nécessaire ainsi qu'un IEC ou un Sartan , en l'absence de contre-indication. Notons qu'en cas d'inefficacité de la statine, une association avec Ezetrol est indiquée avant un relais éventuel par un  AntiPCSK9…
10 bis Traitement AOMI = activité physique au quotidien, la MARCHE ++++
11. Il faut noter le côté péjoratif de l'AOMI en cas de diabète et/ou d'insuffisance rénale, d'autant plus qu'elle sera au stade chronique terminal.
12. Lorsque que le traitement est expliqué et mis en route, il faut insister une fois de plus auprès du patient sur la nécessité absolue de l'arrêt du tabac, de la marche active au quotidien , de la correction de TOUS les FDRCV, que le traitement soit strictement médical et ou endovasculaire et ou chirurgical.
13. Attention, le diagnostic d'AOMI n'égale pas angioscanner puis angioplastie et stenting. Cela concerne selon les études 10 à 25 % de tous les patients avec AOMI symptomatique.
14. Le pronostic de l'AOMI est plus sévère chez la femme que chez l'homme, y compris en cas de stenting ou de pontage.
15. Désobstruer une artère, ce n'est pas traiter l'AOMI, c'est lever un obstacle, la maladie reste présente, donc le traitement médical reste une nécessité absolue. Certains patients, suite à l'angioplastie qui a rétabli un périmètre de marche illimité, stoppent le traitement médical "puisqu'ils sont guéris", grave erreur à rectifier au plus vite.
16. On orientera le patient vers un geste endovasculaire au niveau des MI qu'en cas de claudication sévère chez un patient sans trop de facteurs de comorbidité, en fait CAS par CAS
17. Le manque de centres de rééducation vasculaire supervisée est majeur en France.

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18. Pour les cas difficiles, une RCP AOMI/décision endovasculaire est nécessaire aujourd'hui.
19. L'angioplastie n'est pas le traitement médical des AOMI et en plus ce n'est jamais un geste anodin.
20. La multiplicité des facteurs de comorbidité aggrave la situation du patient et notamment de l'AOMI.
21. L'AOMI est la localisation la plus grave de l'athérothrombose, association fréquente d'atteinte coronaire, carotide, cérébrale, voire rénale et digestive, sans oublier l'anévrisme de l'aorte abdominale et les anévrismes périphériques en cas de AAA
22. La recherche d'une AOMI asymptomatique par la mesure de l'IPS est un temps majeur de sa détection précoce, PREVENTION++++
23. AOMI stentée et ou pontée qui s'aggrave malgré une correction efficace des FDRCV et la prise régulière du traitement médical doit faire rechercher un cancer , voire un SAPL.
24. Le stent a du ressort, les re canalisations par athérectomie aussi, mais attention on ne doit JAMAIS TRAITER une IMAGE mais une FONCTION, vieux principe toujours d'actualité.
25. Le suivi régulier des patients atteints d'AOMI est obligatoire par le médecin traitant et le médecin vasculaire, avec un suivi clinique et écho-Doppler programmé. Il s'agit d'un véritable parcours de soins nécessitant des visites médicales régulières, ni trop, ni trop peu ! 
26. Est ce que l'association rivaroxaban 2.5 mg X 2 plus aspirine 100 mg augmentera la perméabilité des interventions endovasculaires ou chirurgicales ? Probablement en contrôlant le risque hémorragique.
27. Le risque résiduel existe en cas d'AOMIcomment le combattre efficacement : anti inflammatoires ?  Nouvelles molécules ? Colchicine ? 
28 . AOMI difficile à contrôler chez les patients en hémodialyse, ne pas oublier l'apport de l'APHERESE.
29. AOMI difficile à contrôler chez les diabétiques, ne pas oublier les iSGLT2 et GLP1.
30. L’AOMI : un marqueur indépendant et puissant du risque cardiovasculaire global
31. L'AOMI a une particularité : en cas de lésions identiques, la prise en charge sera différente selon l'âge, le sexe, les facteurs de comorbidités et les souhaits du patient.
...................................... À suivre !

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