« Mal nommer les choses ajoutent aux malheurs du monde » D’après Albert Camus
"Accepte ce qui est. Laisse aller ce qui était. Aie confiance en ce qui sera" Bouddha
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas les faire, c’est parce que nous n’osons pas les faire qu’elles sont difficiles. » Sénèque
PERTE de CHANCE en médecine, de plus en plus fréquente, souvent évoquée par les patients.....mais la perte de chance est un concept difficile à évaluer tant l'exercice de la médecine nécessite une conjecture de multiples paramètres. L'un de ces paramètre peu prévisible, ce sont les ressentis du patient et de son jugement. Le patient doit rester le patient et le soignant , le soignant, les aidants étant la troisième partie de ce concept mais ils doivent rester des aidants et ne pas devenir des soignants (H Lombard).
Entre les trois , il existe un accord de principe tant que tout se déroule normalement. Mais si cet accord vient à se rompre, la perte de chance oscille entre la faute médicale et une évolution imprévisible de la maladie, voire un aléa thérapeutique.
La notion de perte de chance était rare, mais depuis la Covid-19 la confiance des patients vis à vis des médecins et de la médecine a changé.
La presse , les Infos TV, les réseaux sociaux sont à l'origine de cette défiance qui prend le nom de perte de chance.
La confiance se lézarde et inconsciemment les patients doutent.
La désinformation médicale explique tout et notamment cette perte de chance.
"La désinformation vise à fausser le jugement de l’homme afin d’égarer son jugement, sa décision et son action. Sa mise en œuvre soigneusement planifiée, mais parfois improvisée dans l’urgence de l’affrontement, repose sur une combinaison de procédés et de vecteurs orientés vers des cibles. Au regard de la théorie de l’information, la désinformation serait alors un mécanisme d’implantation et de développement de l’entropie ! On pourrait la comparer non pas à ces virus informatiques qui progressivement détruisent les données, mais à ceux qui modifieraient imperceptiblement les données initiales afin de fabriquer un leurre. L’agression par la désinformation consiste à fausser la compréhension d’une situation." François Géré https://www.cairn.info/dictionnaire-de-la-desinformation--9782200257729-page-57.htm
Prévoir l'évolution d'un affection chronique , d'un cancer par exemple, reste du domaine de l'illusion , je dirai dans 20 à 30% des cas. C'est pourquoi le médecin doit écouter le patient et le patient écouter le médecin. C'est un partage réciproque indispensable au sein de la consultation médicale, surtout ne rien cacher. Mais il faut quelque fois trouver les mots pour le dire et le partager......car dans toute évolution d'une maladie il existe "une part d'ombre".
"La notion de perte de chance s'est imposée en droit médical. En effet elle atténue l'aléa dont était affecté le résultat, dans ce domaine de la responsabilité. La victime a perdu une chance que les choses se passent mieux, en raison d'une faute. La perte de chance va être évaluée et chiffrée sous la forme d'un pourcentage qui représentera le degré de probabilité. Le préjudice lui sera évalué en fonction de l'état réel de la victime. Ce n'est pas le préjudice final qui est réparé, mais le préjudice spécifique résultant de la perte d'une chance"
La perte de chance et la Covid-19 : c'était mourir d'une mort indue, c'était d'être hospitalisé dans un service "épuisé, c'était ne pas avoir été opéré par déprogrammation, c'était ne pas avoir bénéficié d'un examen essentiel, c'était ne pas avoir été transplanté, c'était ne pas avoir été dépisté assez tôt ,c'était ne pas avoir été vacciné à temps, c'était être dans la précarité, c'état être encore plus pauvre, c'était avoir faim......La faute ici n'était pas strictement médicale elle était aussi gouvernementale....Mais avec le recul , pas tout à fait.....
Les pertes de chance pour les patients dans la VRAIE VIE actuelle sont très nombreuses, perte de chance égale RETARD au diagnostic ,RETARD aux soins etc.
* L'état de notre système de santé qui était numéro 1 il y a quelques années * Le manque de médecins - Conséquences du manque de médecins : retard au diagnostic, non renouvellement des traitement médicaux souvent vitaux (diabète, HTA, atteintes CV , maladies auto immunes, cancer etc.). Mais aussi délais dans les rdv chez le MG, sur-délais chez les spécialistes, délais pour les examens d'imagerie (échographie, scanner, IRM)....nous vivons une médecine où les délais font partie de l'exercice de la médecine....pour les urgences , elles sont prises en compte rapidement le plus souvent !
Autres conséquences du manque de médecins les patients se réfugient vers les médecines alternatives, les compléments alimentaires; nouvelles pertes de chance, cette tendance c'est le crash test de la perte de chance.
- Attente interminable aux urgences avec quelquefois la mort au bout de l'attente aux urgences, ce n 'est plus une perte de chance mais une faute médicale qui est à l'origine de la perte de chance voire de la perte de vie ou d'un handicap qui n'aurait jamais du se produire.
- Manque de lits dans les hôpitaux, manque de lits de soins palliatifs, une fin de vie dont on attend les décisions du Président alors que la commission citoyenne a tranché il y a un peu plus de 1 an
* Manque de médicaments - Tensions d'approvisionnement, donc perte de chance évidente - Sur prescriptions et sous prescriptions inutiles
* Le perte de chance en médecine cela peut être aussi le fait du patient qui ne prend pas son traitement , qui ne corrige pas des FDRCV, qui continue à fumer ou à boire, qui ne se rend pas aux examens prescrits etc.
La perte de chance est un facteur de risque médical à éradiquer mais il existe tellement encore d'incertitudes que cela n'est pas toujours facile;
Les médecins essaient de "tout contrôler" ;...
......Jusqu'à un certain point....nous ne sommes pas des robots !
A l'issue de la consultation le patient repart avec des incertitudes et des certitudes; il faut que dans cette équation les incertitudes doivent être minimes mais surtout expliquées, le dialogue restant un passage dans une consultation et non un monologue dirigiste du médecin.
Le DIALOGUE est toujours à privilégier+++
* Dernière perte de chance : l'incinération qui peut aller jusqu'à 4 semaines d'attente après le décès ...."réservez avant de partir", on en est là......
« Le soin, la dignité, l’humanité trouvent dans la mort, ce qui la précède, ce qui l’entoure, ce qui la suit, une épreuve et une exigence première» (Comité consultatif national d’éthique)
Quelques considérations à propos de la perte d’une chance et de la causalité
Isabelle Lutte, Avocate
"La question de la perte d'une chance soumet la logique juridique à de fortes turbulences. De confusion en confusion, de la perte d'une chance à la responsabilité proportionnelle, le raisonnement le plus souvent proposé aboutit à un paradigme calculatoire générant un décalage factice dans une situation particulière. Comment y remédier ?"
"Depuis l’Antiquité, l’hybridité de la médecine, mêlant la science à l’art, la rend étrangère à la classification de l’épistémè. Relevant à la fois d’un savoir général des causes et d’une pratique singulière du soin, la médecine a été conceptualisée par les Anciens sous la forme d’un art stochastique . Elle est une visée, un art inachevé. Animée par une volonté théorique de soigner, le médecin vise la guérison de son patient autour de gestes et de remèdes connus. Seulement, viser et atteindre la cible sont choses différentes. Dans la visée, la finalité est incertaine, le risque de l’échec est toujours présent dans l’exercice de l’art. Il en découle que la médecine n’est pas à proprement parler l’art de guérir, mais celui de soigner en vue de guérir, ou pour le moins, de soulager la douleur des malades. En tant que visée, la médecine tend à rendre positif le hasard par un usage éclairé de la conjecture : « La médecine est un art conjectural, et comme tel, assez souvent juste, mais quelquefois trompeur ; en conséquence, une indication qui induit à peine en erreur une fois sur mille ne saurait être dédaignée, puisque ses données sont justes dans l’immense majorité des cas .
À en croire Celse, le Cicéron de la médecine, lorsque le praticien exerce son art avec succès sur un grand nombre de cas, l’erreur occasionnelle perd de sa valeur. Le hasard se change peu à peu en certitude et le traitement en remède."
"Un coup de dés jamais n’abolira le hasard ,Titre du célèbre poème graphique de Stéphane Mallarmé. ». La médecine, aussi documentée soit-elle, ne peut faire l’économie de la prudence et de l’intuition du regard clinique. La science est une partie essentielle de la visée vers la guérison, mais elle ne trouve à s’éclairer que lorsqu’elle s’allie à l’exigence subjective du soin.
Le hasard ne peut se transformer en chance de guérison que dans l’alliance vertueuse de la technologie et du regard clinique. Sans cela, le soin, si essentiel à la guérison, est voué à disparaître. L’éthique médicale ne sera jamais acquise dans des protocoles, aussi « personnalisés » soient-ils.
La clinique reste toujours à refaire pour préserver les valeurs de la santé, sans quoi les sciences médicales tendront à brutaliser le patient en le réduisant à un objet de connaissance.
" Toute connaissance, en posant l’impersonnalité de l’objet, légitime le mépris qu’elle en fait en rendant possible l’action qui détruira ou changera cet objet. La première des conditions pour brutaliser un être est de le tenir pour brut et c’est pourquoi la haine est d’abord retrait de valeur ou refus "