THROMBOSE et CANCER : les liaisons dangereuses

THROMBOSE et CANCER : les liaisons dangereuses

“Quand il lut quelque part que fumer pouvait provoquer le cancer, il arrêta de lire.” A Kirwan

"Le cancer, l'empereur de toutes les maladies " Siddhartha Mukherjee, Ed Flammarion,2013
 
" Le cancer commence et finit avec une personne. Au milieu des considérations scientifiques, on peut parfois oublier ce fait élémentaire... Les médecins traitent des maladies mais aussi des gens, et cette condition préalable à leur existence professionnelle les pousse parfois dans deux directions à la fois" June Goiodfield
 
Jusqu’à présent les Héparines de Bas Poids Moléculaires (HBPM) représentaient la clef de voûte du traitement de la Maladie Thrombo-Embolique Veineuse (MTEV) au décours du cancer.

Ceci est rappelé dans les recommandations Inter Sociétés sur la MTEV de 2019 de manière très claire.

Les  HBPM réduisent par rapport aux AVK le risque de récidive avec un risque hémorragique non augmenté.
1/ Les HBPM sont recommandées en première intention en cas de MTEV et Cancer (grade 1+) 

La validation des HBPM en cas de MTEV et cancer est basée sur des preuves,de plus  la vraie vie avec les registres apporte un facteur de modulation comme son expérience personnelle.
2/ La médecine fondée sur les preuves est indispensable (essais thérapeutiques) mais ensuite les preuves  sont modulées à l’épreuve de la vraie vie à partir de registres comme par exemple RIETE et d’autres.

Les Anticoagulants Oraux Directs (AOD) sont apparus depuis peu dans l’arsenal thérapeutique MTEV/cancer. Deux études importantes Hokusai (Edoxaban) et Caravaggio (Apixaban). Les essais thérapeutiques ont mis en évidence des restrictions à leur utilisation selon le risque hémorragique, le type de cancer etc., mais ils ont un intérêt potentiel certain.

La durée du traitement par HBPM d’une MTEV/cancer est au moins de 6 mois (unanimité des recommandations). Au-delà l’anticoagulation est justifiée dès lors que le cancer reste actif (recommandations MTEV 2019). 

Mais cette prolongation pose questions : quel anticoagulant, pour quel cancer, pour quel traitement du cancer, quels facteurs de co-morbitiés, quels souhaits du patient ? 

Il est donc nécessaire de mener des études afin d’identifier le bénéfice risque récidive MTEV/risque hémorragique, le type de cancer et des traitements du cancer. C’est au-delà de 3 à  6 mois que les AOD ont une place, plus rarement les AVK. Par contre les AOD d’emblée ne sont pas aujourd’hui la règle. Aucun des AOD en France n'a l'AMM pour la MTEV au cours du cancer, mais il sont prescrits au cas par cas, le plus souvent après une Réuion de Concertation Pluridisciplinaire.
3/ Les  HBPM au moins 6 mois en cas de cancer/MTEV, au-delà si le cancer est actif l’anticoagulation est à discuter au cas par cas. Le type d’anticoagulation devra être compatible avec le type de cancer, le traitement du cancer, le risque hémorragique, le risque de récidive de la MTEV et les souhaits du patient, notamment injection versus voie orale. Enfin la dose de l’anticoagulation nécessite une réflexion en particulier avec les AOD (dose normale ou low dose).

C’est là qu’intervient le problème des interactions anticoagulants et cancer.
4/  Le patient qui présente un cancer actif, une MTEV est un patient polymédiqué, ce qui entraîne de facto des risques d’interactions médicamenteuses avec les anticoagulants, notamment AOD et AVK

Pour faire simple et utile à la pratique quotidienne, la stratégie de prescription d’un anticoagulant au décours d’un cancer doit se faire en 4 étapes : 
- Etape 1 : le type de cancer, à sur risque hémorragique (cancer gastro intestinal, cancer urothélial) ou sans sur risque hémorragique
- Etape 2 : les facteurs de risques associés au cancer, métastases cérébrales, thrombopénie
- Etape 3 : les interactions médicamenteuses en fonction du CYP3A4, et la Glycoprotéine P
- Etape 4 : les interactions avec les traitements du cancer et la voie d’administration, les souhaits du patients
 
5/ Intégrer les 4 étapes sus citées dans la prise de la décision médicale. Voici l’ensemble des facteurs pouvant intervenir sur l’intensité d’une interaction médicamenteuse chez le patient atteinte d’un cancer : âge, type de cancer, insuffisance hépatique, polymorphismes génétiques (CYP, P-gp, BCRP), nombre de médicaments concomitants, antiplaquettaires, AINS, cachexie, inflammation, insuffisance rénale
6/ la check-list de l’anticoagulation de la MTEV/Cancer :
- chaque cancer a sa MTEV 
- cette MTEV a son traitement, anticoagulant avec les HBPM en première intention 
- modulation de l’anticoagulation selon le risque de récidive et le risque hémorragique, 
- attention aux interactions médicamenteuse potentielles
- les recommandations Inter Sociétés françaises sont là pour vous aider et pour décider
- la porte s’ouvre pour les AOD au cas par cas aujourd’hui,mais rarement en première intention.

Il ya une autre manière de voir les choses , l'arbre décisonnel "Made in Canada" décrit par M Carrier, Canadian Expert Consensus . Démarche simple, pargmatique  et logique, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6209545/
carrier5
Recommandation intersociétés Françaises

RECOSCANCER 1AOD et Intercations médicamenteuses,une réalité à bine connaître(document Benoit  Blanchet, Oncopharmacologie, Hôpital Cochin) ( https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30097228/)

Blanchet2Si les intercationsAOD et Chimiothérapie sont nombreuse, il faut respecter les règles de prescription dans ce contexte (document Benoit  Blanchet, Oncopharmacologie, Hôpital Cochin,)
B Blanchert

A noter qu'il est bien précisé qu'apres 6 mois d'HBPM un relais AOD est possible mais à dose curative ou "full dose". Isabelle Mahé pilote actuellement l'étude API-CAT afin de comparer l'apixaban 5 mg X 2 vs apixaban 2.5 mg X 2 , après 6 mois de traitement anticoagulant. (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03692065), un essai bienvenue tant l'utilisation des AOD à dose préventive dans un contexte curatif est une réalité aujourd'hui sans preuve et ce pour toutes nes indications des AOD.
IMAHE
Anticoagulants , Thrombose veineuse et Cancer : synthèse
(IR: insuffisance rénale)

AVKCarieraodcarrierIl est important de noter que les recommandations et guidelines sur THROMBOSE VEINEUSE et CANCER se multiplient , les dernières datent de 1 semaine  elle émanent de l'European Society for Vascular Surgery (ESCV).(https://www.ejves.com/article/S1078-5884(20)30868-6/fulltext)

A noter que ces recommandations  sont dédiées à Clive Kearon (McMaster University in Hamilton, Ontario, Canada), trop tôt disparu comme Guy Meyer (HEGP). Deux énormes pertes pour le monde de la Maladie Thrombo-Embolique Veineuse, c'était deux "grands", très grands, accessibles, simples, proche de la médecine vasculaire. Ils font partis des "grands médecins" que nous n'oublierons pas. J'ai eu la chance de rencontrer l'un et l'autre, une chance.


Voici les recommandations de l'ESCV sur MTEV et CANCER , sans surprise.

ESCAu total la maladie Thrombo-Embolique Veineuse et le cancer sont étroitement liés. Il s'agit de "Liaisosn Dangereuses" , souvent très dangereuses. L'anticoagulation est la règle mais avec beaucoup d'interactions à haut risque. Le risque hémorragique en est une car le patient qui a un cancer et un traitement quelqu'il soit est un sujet fragilisé.Il est donc important de connaître les recommandations, qui sont trop nombreuses, elles disent sensiblement la même chose avec des variantes minimes. Un texte consenuel multi société serait nécessaire et suffisant.

L'arbre décisonnel canadien me semble une bonne option de réflexion. Le respect des AMM doit être la règle....as usual.......

THM

Source principale  :  
RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE POUR LA PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE CHEZ L’ADULTE sous l’égide de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF), direction Ol Sanchez (HEGP) 

#jesuisvacciné et #1MASQUEPOURTOUS.