FRAIL-AF : AOD ou AVK ?

" Le vieillard le plus âgé garde toujours l'espoir d'allonger sa vie d'un lendemain" Jonathan Swift
 
"En médecine, la mode change aussi souvent qu'en haute couture. Le médicament miracle d'aujourd'hui sera le poison mortel de demain." Groucho Marx

Joosten LPT, van Doorn S, van de Ven PM, Köhlen BTG, Nierman MC, Koek HL, Hemels MEW, Huisman MV, Kruip M, Faber LM, Wiersma NM, Buding WF, Fijnheer R, Adriaansen HJ, Roes KC, Hoes AW, Rutten FH, Geersing GJ. Safety of Switching from a Vitamin K Antagonist to a Non-Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulant in Frail Older Patients with Atrial Fibrillation: Results of the FRAIL-AF Randomized Controlled Trial. Circulation. 2023 Aug 27. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.123.066485. Epub ahead of print. PMID: 37634130.
Sécurité du passage d'un antagoniste de la vitamine K à un anticoagulant oral non antagoniste de la vitamine K chez les patients âgés fragiles atteints de fibrillation auriculaire : résultats de l'essai contrôlé randomisé FRAIL-AF
Contexte

Il existe une ambiguïté quant à savoir si les patients fragiles atteints de fibrillation auriculaire (FA) traités avec des antagonistes de la vitamine K (AVK) devraient passer à un anticoagulant oral sans vitamine K (AOD).

Méthodes

Nous avons mené un essai de supériorité contrôlé, randomisé, pragmatique, multicentrique, ouvert. Des patients atteints de FA plus âgés vivant avec une fragilité (âge ≥ 75 ans plus un score de l'indicateur de fragilité de Groningen (GFI) ≥ 3) ont été randomisés pour passer d'un traitement AVK guidé par INR à un AOD ou à la poursuite du traitement AVK. Patients avec un débit de filtration glomérulaire < 30 mL/min/1,73 m 2ou avec FA valvulaire ont été exclus. Le suivi était de 12 mois. Le risque relatif (HR) par cause a été calculé pour la survenue du résultat principal, à savoir une complication hémorragique majeure ou non majeure cliniquement pertinente, selon la première éventualité, tenant compte du décès comme risque concurrent. Les analyses ont suivi le principe de l'intention de traiter. Les critères de jugement secondaires incluaient les événements thromboemboliques.


Résultats

Entre janvier 2018 et juin 2022, un total de 2 621 patients ont été dépistés pour être éligibles et 1 330 patients ont été randomisés (âge moyen 83 ans, GFI médian 4). Après randomisation, 6 patients du groupe de passage au groupe AOD et 1 patient du groupe continuer avec AVK ont été exclus en raison de la présence de critères d'exclusion, laissant 662 patients passant d'un AVK à un AOD et 661 patients ayant continué un traitement AVK dans le groupe en intention de traiter la population. Après 163 événements liés aux critères de jugement principaux (101 dans le bras de changement, 62 dans le bras de poursuite), l'essai a été arrêté pour cause de futilité selon une analyse de futilité prédéfinie. Le HR pour notre critère de jugement principal était de 1,69 (IC à 95 % 1,23-2,32). Le HR pour les événements thromboemboliques était de 1,26 (IC à 95 % 0,60 à 2,61).

"Entre janvier 2018 et juin 2022, un total de 2 621 patients ont été dépistés et 1 330 patients ont été randomisés (âge médian : 83 ans). Dans le bras AVK → AOD, 8,6 % sont passés au dabigatran, 50,2 % au rivaroxaban, 17,4 % à l'apixaban et 16,5 % à l'edoxaban. Une posologie non conforme a été utilisée chez 6,6 % des patients traités par AOD. L'essai a été arrêté après 163 événements de critère de jugement principal, 101 dans le bras AVK → AOD et 62 dans le bras AVK continu (hazard ratio [HR], 1,69 ; IC à 95 %, 1,23-2,32). Il y a eu 16 événements thromboemboliques dans le bras AVK → AOD et 13 dans le bras AVK continu (HR : 1,26 ; IC à 95 %, 0,60-2,61)."https://www.acc.org/Latest-in-Cardiology/Journal-Scans/2023/09/01/15/33/safety-of-switching?utm_medium=social&utm_source=twitter_post&utm_campaign=twitter_post


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Conclusions

Le passage du traitement AVK guidé par INR à un AOD chez les patients âgés fragiles atteints de FA était associé à davantage de complications hémorragiques que la poursuite du traitement AVK, sans réduction associée des complications thromboemboliques.

Forces et limites de cette étude

Il s'agit du premier essai contrôlé randomisé qui démontrera s'il est sûr de passer d'un antagoniste de la vitamine K (AVK) à un anticoagulant oral non AVK (AOD) chez les patients âgés fragiles atteints de fibrillation auriculaire.

En plus des événements hémorragiques majeurs ou non majeurs (CRNM) (critère de jugement principal), les événements thromboemboliques, la qualité de vie et la rentabilité seront examinées.

Une analyse intermédiaire dans cet essai de supériorité sera réalisée après avoir observé 160 événements hémorragiques majeurs ou CRNM afin que l'étude puisse être interrompue si nécessaire pour des raisons de futilité ou d'efficacité.

En raison de la conception pragmatique et ouverte de cette étude, le biais de déclaration pourrait être un facteur important qui doit être pris en compte lors de l'analyse intermédiaire et finale.


Perspective

Dans les essais pivots de phase 3 comparant le traitement par AOD au traitement par AVK dans la FA, le traitement par AODétait systématiquement associé à des taux plus faibles de saignements, en particulier d'hémorragie intracrânienne. Par conséquent, de nombreux cliniciens supposent que les patients qui utilisent un traitement AVK pourraient réduire leur risque de saignement en passant au traitement par AOD. L'étude FRAIL-AF suggère que chez les patients âgés et fragiles qui toléraient un traitement AVK, le passage aux AODentraîne en réalité des taux de saignements plus élevés. Cela reflète probablement deux concepts importants.

Premièrement, les AOD ciblent un endroit très spécifique de la cascade de la coagulation et peuvent donc présenter différents risques de saignement selon les patients. Ainsi, un patient qui tolère un AVK (qui inhibe indirectement les facteurs II, VII, IX, X) peut en réalité avoir des saignements s'il passe à un médicament qui inhibe directement le facteur Xa.

Deuxièment, Les patients plus âgés et fragiles utilisent souvent plusieurs médicaments susceptibles d’interagir avec les AOD.

Bien que ces médicaments interagissent également avec les AVK, le recours à des tests INR fréquents peut rapidement s'adapter à ces interactions. Sans surveillance en laboratoire, ces interactions médicamenteuses peuvent entraîner des taux sanguins élevés de différents médicaments AOD.


Les cliniciens doivent être prudents avant de faire passer automatiquement les patients âgés et fragiles atteints de FA du traitement AVK au traitement NOAC si le patient tolère le traitement AVK. Pour tout patient débutant un traitement par NACO, une évaluation minutieuse des interactions médicamenteuses potentielles est essentielle.

Commentaire

Cette étude présentée récemment à l'ESC2023, vient bousculer nos convictiions et peut être nos habitudes. Les AVK, si controversés, refont surface versus les AOD. Etonnant ? Non, pas vraiement. Il s'agit d'une étude réaliseé dans une population très âgée , 83 ans de moyenne d'âge. Population exlus des études je vous le rappelle. ON se tapproche de la vraie vie. Nous avons toutes et tous dans nos patientéles ce type de patient en FA ou avec une MTEV polymédicamentés . Chez ces patients , les AVK nécessitaient un contrôle reforcé par les INR , surtout dès que l'on introduisait une nouvelle molécule. Donc le contrôle biologique nous permettait de mieux appréhender le risque hémorragique. De plus dans cette études le TTR était entre 64% et 75%, ce qui est excellent. Alors que se passe-t-il avec les AOD, délétères dans cette étude, lorsqu'ils remplacent les AVK. Sans chercher des théories compliquées , le bon sens nous dit que les AOD et la polymédication dans une population très âgée est à haut risque à priori. Une étude AOD dans le 4° âge s'impose et c'ette étude est un bon début. L'activité biologique des AOD pourrait être un garde fou biologique logique . Tout reste à démontrer en variant les doses et en tenant compte de l'insuffisance rénale et des interactions médiacamenteuses. Sur ce terrain on ne sait rien et une fois de plus la VRAIE VIE vient nous le rappeler. Il ne s'agit de mettre les AOD à la poubelle mais d'avoir une réflexion au cas par cas chez le 3° et 4° âge sutout chez les polymédicamentés
 
UNE SOLUTION

Une réponse au problème du dosage des AOD notamment chez les personnes âgées
JMV, Congrès CFPV 2023, CL12, pS34
 
Validation d'un nomogramme d'équivalence entre activité anti-Xa HBPM (UI/mL) et concentrations d'apixaban ou de rivaroxaban (ng/mL) : un outil simple et fiable en cas d'hémorragie ou de chirurgie urgente en l' absence de mesure spécifique de l'AOD
Maxime Delrue, Alain Stépanian, Charlyne Brakta, Marie Neuwirth, , Peggy Reiner, Mikaëm Mazighi,Emmanuel Curis, Virginie Siguret
CHU Lariboisière, APHP Nord, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
 
Présentation & objectifs
 
Chez les patients traités par anticoagulant anti-Xa oral (AOD) présentant une hémorragie majeure, la réversion est proposée en cas de concentration d'AOD > 50 ng/mL, indiqué à l'aide d'un réactif calibré pour la mesure d 'activité anti-Xa des AOD (GIHP 2015) [1]. En 2018, la FDA a approuvé l'utilisation de l'andexanet (agent de réversion des inhibiteurs anti-Xa) en se basant sur les résultats de l'étude ANNEXEA-4 pour laquelle les critères d'inclusion étaient une hémorragie majeure au cours du traitement par anti-Xa associé à une concentration d'AOD > 75 ng/mL [2], [3]. Alors que la mesure de l'activité anti-Xa HBPM (UI/mL) est facilement disponible en quelques minutes 24/24 h 7/7j, les mesures spécifiques d'activité anti-Xa d'apixaban ou de rivaroxaban exprimées en ng/mL ne sont réalisées en urgence que dans une minorité de laboratoires. Nous avons donc développé et validé un algorithme de prédiction des concentrations d'apixaban et de rivaroxaban jusqu'à 100 ng/mL à partir des résultats d'anti-Xa HBPM (UI/mL).
 
Méthodologie
 
Il s'agit d'une étude prospective incluant des patients traités par apixaban ( n = 325) ou rivaroxaban ( n = 276). Sur le même échantillon plasmatique, les concentrations spécifiques d'AOD et l'activité anti-Xa HBPM ont été mesurées systématiquement à l'aide du réactif STA®-Liquid-Anti-Xa-Stago® et d'une calibration spécifique AOD ou HBPM . Le nomogramme a été intégré à partir d'une cohorte de dérivation selon un modèle de régression linéaire logarithmique. Les performances du modèle pour différents seuils (sensibilité, spécificité…) ont été vérifiées au sein d'une cohorte de validation.

Résultats
 
La modélisation à partir de la cohorte de dérivation prédit que les seuils de concentrations < 30, < 50, < 75, < 100 ng/mL correspondant aux valeurs d'activité anti-Xa < 0,10, < 0,64, < 1,07, < 1,37 UI/mL pour l'apixaban et < 0,10, < 0,71, < 1,21, < 1,55 UI/mL pour le rivaroxaban. Cette modélisation prédit avec précision les concentrations plasmatiques de -xaban au sein de la cohorte de validation avec d'excellentes performances.

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Discussion-conclusion
 
Ce nomogramme d'équivalence est un outil simple (sans équation, ni calcul complexe) permettant de convertir directement, à partir d'un tableau, une activité anti-Xa (UI/mL) en concentration d'AOD (ng/mL). Il est donc particulièrement utile en cas de situation critique (indication de réversion devant une hémorragie, intervention chirurgicale urgente) lorsque la mesure spécifique de l'AOD n'est pas rapidement disponible.
 
Alors pourquoi ne pas essayer ?