STATINE  : suite et fin

STATINE : suite et fin

"Le cholestérol, ça ressemble aux westerns : il y a un bon et un méchant." Jean Lemieux


Effect of statin therapy on muscle symptoms: an individual participant data meta-analysis of large-scale, randomised, double-blind trials
Effet de la thérapie aux statines sur les symptômes musculaires : une méta-analyse des données d'un participant individuel d'essais à grande échelle, randomisés et en double aveugle

Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration*www.thelancet.com Published online August 29, 2022 https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)01545-8
Article libre d'accès
 
Contexte

La thérapie aux statines est efficace pour la prévention des maladies cardiovasculaires athéroscléreuses et est largement prescrite, mais il existe des préoccupations persistantes selon lesquelles la thérapie aux statines pourrait fréquemment provoquer des douleurs ou une faiblesse musculaires. Nous avons cherché à résoudre ces problèmes par le biais d'une méta-analyse des données individuelles des participants de tous les événements musculaires indésirables enregistrés dans les grands essais à long terme, randomisés et en double aveugle du traitement par statine.

Méthodes

Les essais randomisés sur le traitement par statine étaient éligibles s'ils visaient à recruter au moins 1 000 participants avec une durée de traitement prévue d'au moins 2 ans, et impliquaient une comparaison en double aveugle d'une statine par rapport à un placebo ou d'un régime de statine plus intensif par rapport à un régime de statine moins intensif. Nous avons analysé les données individuelles des participants de 19 essais en double aveugle comparant une statine à un placebo (n = 123 940) et de quatre essais en double aveugle portant sur un schéma posologique de statine plus intensif ou moins intensif (n = 30 724). Des méta-analyses standard pondérées en variance inverse des effets sur les résultats musculaires ont été menées selon un protocole prédéfini.

Résultats

Parmi 19 essais contrôlés par placebo (âge moyen 63 ans [ET 8], avec 34 533 [27·9 %] femmes, 59 610 [48·1 %] participants ayant des antécédents de maladie vasculaire et 22 925 [18·5 %] diabétiques), au cours d'un suivi médian moyen pondéré de 4,3 ans, 16 835 (27,1 %) recevant une statine contre 16 446 (26,6 %) recevant un placebo ont signalé des douleurs ou une faiblesse musculaires (rapport des taux [RR ] 1·03 ; IC à 95 % 1·01–1·06). Au cours de l'année 1, le traitement par statine a produit une augmentation relative de 7 % de la douleur ou de la faiblesse musculaire (1·07 ; 1·04–1·10), correspondant à un taux d'excès absolu de 11 (6–16) événements pour 1000 personnes-années , ce qui indique que seulement un sur 15 ([1·07–1·00]/1·07) de ces signalements musculaires par les participants affectés au traitement par statine était en fait dû à la statine. Après l'année 1, il n'y avait pas d'excès significatif dans les premiers rapports de douleurs musculaires ou de faiblesse (0,99 ; 0·96–1·02). Toutes années confondues, les schémas thérapeutiques plus intensifs aux statines (c'est-à-dire 40–80 mg d'atorvastatine ou 20–40 mg de rosuvastatine une fois par jour) ont donné un RR plus élevé que les schémas thérapeutiques moins intensifs ou d'intensité modérée (1·08 [1·04–1· 13]vs 1·03 [1·00–1·05]) par rapport au placebo, et un léger excès était présent (1·05 [0·99–1·12]) pour les régimes plus intensifs après l'année 1. Il n'y avait pas de preuve que le RR différait pour différentes statines ou dans différentes circonstances cliniques. Le traitement par statine a entraîné une petite augmentation cliniquement insignifiante des valeurs médianes de créatine kinase d'environ 0,02 fois la limite supérieure de la normale.

Interprétation

La thérapie aux statines a provoqué un léger excès de douleurs musculaires, pour la plupart légères. La plupart (> 90 %) de tous les rapports de symptômes musculaires par les participants ayant reçu un traitement par statine n'étaient pas dus à la statine. Les faibles risques de symptômes musculaires sont bien inférieurs aux bénéfices cardiovasculaires connus. Il est nécessaire de revoir la prise en charge clinique des symptômes musculaires chez les patients prenant une statine.


STATINONO1Effet sur les effets indésirables musculaires dans les essais portant sur n'importe quel régime de statines par rapport à un placebo (A) et plus versus régimes de statines moins intensifs (B)

STATINONO2Effet sur toute douleur ou faiblesse musculaire, selon la durée du traitement, dans les essais portant sur n'importe quel régime de statines par rapport à un placebo

STATINONO3Rapport de taux et différence de taux absolue pour les événements indésirables musculaires selon la durée du traitement, dans les essais portant sur n'importe quel régime de statine par rapport au placebo

Documents complémentaires sur les statines

https://medvasc.info/1686-statine-nocebo-drucebo
https://medvasc.info/1533-questions-autour-des-statines
https://www.prescrire.org/fr/3/31/48448/0/newsdetails.aspx
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-04/reco404_cadrage_risque_cardiovasculaire_premier_recours_vf.pdf

MERCI aux MEDIAS

"Une étude au Danemark a révélé que les reportages négatifs liés aux statines étaient suivis à plusieurs reprises d'augmentations proportionnelles moyennes d'environ 10 % de la probabilité d'arrêter le traitement par statines.Une émission de télévision australienne qui a été retirée après sa diffusion parce qu'elle déformait les preuves concernant les statines a été suivie au cours de l'année suivante par une réduction du nombre de prescriptions de traitement par statine pour les patients à risque élevé de crises cardiaques et d'accidents vasculaires cérébraux.Les chercheurs ont estimé qu'environ 60 000 Australiens de moins avaient reçu des statines que prévu à partir des taux précédents et que, si ces patients continuent d'éviter le traitement par statines au cours des 5 prochaines années, entre 1 500 et 3 000 crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux potentiellement mortels se produiront qui auraient autrement été évitée. De même, suite à la publication d'allégations selon lesquelles les statines provoquent des effets secondaires chez environ un cinquième des patients,dix,les analyses des données de prescription du UK Clinical Practice Research Datalink indiquent qu'il y a eu une augmentation proportionnelle d'environ 10 % du nombre de patients arrêtant le traitement par statine pour la prévention secondaire et primaire (ainsi qu'une réduction du nombre de patients dont le risque cardiovasculaire a été évalué pour déterminer leur éligibilité au traitement par statines).Les chercheurs ont estimé que plus de 200 000 patients britanniques avaient arrêté de prendre leur traitement par statine et que (selon la proportion de ceux qui reprennent le traitement), cela se traduirait par environ 2 000 à 6 000 événements cardiovasculaires survenant au cours de la décennie suivante qui auraient autrement été évités."

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)31357-5/fulltext

Commentaire

Prescrire une statine en 2022 n'est pas toujours aisée. Les articles grands publics "anti statines", l'effet NOCEBO des statines suscitent  pour cette classe de médicaments le rejet. Il n'est pas général mais il est loin d'être rare.


La CHECK-LIST de la Médecine Vasculaire doit vous aider
PRESCR1
PRESCR2
L'intérêt des statines fait l'objet d'une controverse depuis les années 2000 en France

Statines : se poser des questions en termes de morts et d'accidents cardiovasculaires évités, et pas seulement en termes de taux de cholestérol (https://www.prescrire.org/fr/3/31/48448/0/newsdetails.aspx)


"Le contexte clinique est toujours à prendre en compte dans la réflexion : âge, sexe, diabète, antécédents cardiovasculaires, motivation du patient à prendre un traitement médicamenteux pendant de nombreuses années, etc. Un antécédent cardiovasculaire à type d'angor, d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral ou d'artériopathie symptomatique des membres inférieurs augmente le risque cardiovasculaire. La balance bénéfices-risques des traitements hypocholestérolémiants n'est pas du tout la même selon que les patients ont ou n'ont pas d'antécédent cardiovasculaire"

Prescrire une statine c'est : 

- C'est être d'abord convaincu de votre prescription
- Expliquer la raisons de cette prescription
- C'est avoir en "UN" checké les facteurs de risque CV du patient et les avoir corrigés, une statine n'est pas synonyme de la suppression comme par miracle des FDRCV
- Expliquer la nécessité de la prescription (bénéfice/risque) et son fondement
- Parler des effets secondaires , les aborder afin de les démystifier, 1 patient sur 10 peut présenter un effet secondaire, qu'il faudra signaler à son médecin, dans  90% des cas tout va bien (1/10 et 90%....ce n'est pas la même chose, prévilégier le 90%) 
- Les statines ne sont pas du poison comme cela a été écrit
- Les avis de l'entourage familial et des amis ne sont pas des avis médicaux
- Les avis "médicaux anti statines" n'ont pas de fondements
- Un truc : la "statine masquée", cad les associations statine/ezetimide, une fois sur deux la réaction des patients est étommante , depuis que vous m'avez arrêté la statine et que vous m'avez prescrit de "l Inegy" , plus de crampes....
- Une douleur musculaire isolée au cours d'un traitement par statine n'est pas synonyme de la prescription d'un anti PCSK9
- Remplacer la statine par la levure de riz rouge ce n'est pas une bonne solution et meêm une mauvaise solution
- Le dosage des CPK peut s'avérer très utile, y penser

Prescrire une statine demande un peu de temps, dès que l'on prononce le mot statine, jugez de la réaction du patient et vous comprendrez vite la direction à suivre et à argumenter.