THROMBOPHILIE : chez qui ?

THROMBOPHILIE : chez qui ?

 
“L’incertitude n’est pas dans les choses mais dans notre tête : l’incertitude est une méconnaissance.” Jacques Bernoulli 
" La vérité est la plus difficile à cerner quand tout peut être vérité" Stanislaw Jerzy Lec


Thrombophilia testing: A British Society for Haematology guideline

Deepa J Arachchillage 1 2, Lucy Mackillop 3, Arvind Chandratheva 4, Jayashree Motawani 5, Peter MacCallum 6 7, Mike Laffan 1 2
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35645034/#:BrJHaematol,2022%20May%2029.
Test de thrombophilie : recommandation de la British Society for Hematology

Ces recommandations mettent à jour et élargissent la portée des précédentes recommandations cliniques de la British Society for Hematology (BSH) pour le dépistage de la thrombophilie héréditaire afin d'inclure à la fois la thrombophilie héréditaire et acquise.

Le terme thrombophilie est généralement utilisé pour décrire des affections héréditaires et/ou acquises associées à une prédisposition accrue à la thrombose.

La thrombophilie héréditaire fait référence à des troubles génétiques de protéines hémostatiques spécifiques. Ces directives se concentrent uniquement sur les facteurs identifiés à partir des tests de laboratoire et excluent donc les troubles tels que le cancer, les affections inflammatoires et l'obésité qui sont associés à la thrombose par de multiples mécanismes.

Les thrombophilies héréditaires les mieux définies sont le variant du facteur V Leiden ( FVL ) ( F5 G1691A), le variant du gène de la prothrombine (F2 G20210A), le déficit en protéine C (PC), le déficit en protéine S (PS) et le déficit en antithrombine (AT).

Les thrombophilies acquises importantes comprennent le syndrome des antiphospholipides (APS), l'hémoglobinurie paroxystique nocturne (PNH), les néoplasmes myéloprolifératifs (MPN) et la présence d'un JAK2mutation en l'absence de phénotype MPN.

La grossesse est un état d'hypercoagulabilité dû en partie à des modifications physiologiques des systèmes de coagulation et fibrinolytique. Les thrombophilies héréditaires et acquises peuvent interagir pour augmenter encore le risque de thrombose, par exemple pendant la grossesse et la puerpéralité. Comme il est prouvé que certaines thrombophilies peuvent être associées à un échec de la grossesse et à des complications, des tests à cette fin sont inclus.

 

Recommandations

  • Les tests de routine des facteurs de coagulation pour évaluer le risque de thrombose ne sont pas actuellement recommandés (Grade 2C)

  • Des tests génétiques pour identifier les variants responsables des déficiences phénotypiquement identifiées d'AT, PC, PS doivent être effectués lorsque les résultats influenceront la prise en charge (grade 2B)

  • La recherche de déficits en anticoagulants physiologiques ne doit être réalisée qu'après 3 mois d'anticoagulation pour thrombose aiguë (Grade 2B).

  • Les tests génétiques pour prédire un premier épisode de thrombose veineuse ne sont pas recommandés (Grade 2B).

  • Nous suggérons de tester l'HPN (hémoglobinurie Paroxystiaue Nocturne)  chez les patients présentant une thrombose à des sites inhabituels et des paramètres hématologiques anormaux (c'est-à-dire une cytopénie et des indices érythrocytaires anormaux) ou des signes d'hémolyse (c'est-à-dire une augmentation de la lactate déshydrogénase, de la bilirubine et du nombre de réticulocytes) (Grade 2C).

  • Nous recommandons de tester le panel MPN  - néoplasmes myéloprolifératifs- (y compris JAK2 V617F, JAK2 exon 12, CALR, analyse de mutation MPL ) chez les patients présentant une thrombose à des sites inhabituels et présentant des anomalies de la formule sanguine complète suggérant un néoplasme myéloprolifératif (Grade 1C).

  • Nous suggérons de tester la mutation JAK2 chez les patients atteints de thrombose de la veine splanchnique ou CVST  - thrombose du sinus veineux cérébral- en l'absence de facteurs déclencheurs clairs et d'un FBC normal (Grade 2C)

  • Le dépistage des anticorps antiphospholipides est recommandé après une MTEV non provoquée car cela peut modifier la prise en charge, y compris le choix du traitement antithrombotique (Grade 1B).

  • Le dépistage des anticorps antiphospholipides est suggéré chez les patients atteints de MTEV provoquée par un facteur de risque mineur car cela peut modifier la prise en charge, y compris le choix du traitement antithrombotique (Grade 2C)

  • Les patients présentant des événements thrombotiques multiples aigus et des signes de défaillance d'organe suggérant un CAPS - syndrome anti-phospholipide catastrophique-
     doivent être testés pour les anticorps antiphospholipides (Grade 1A).

  • Le SAPL étant une thrombophilie acquise, le dépistage des anticorps antiphospholipides n'est pas recommandé chez les proches des patients thrombosés (Grade 1A).

  • Le dépistage des thrombophiles héréditaires après un événement thrombotique veineux n'est pas recommandé en routine pour guider les décisions de prise en charge (Grade 2B).

  • Nous ne recommandons pas de proposer des tests de thrombophilie de routine aux parents au premier degré de personnes ayant des antécédents de MTEV (grade 2B).

  • Nous suggérons des tests sélectifs des parents asymptomatiques au premier degré des proposants présentant un déficit en protéine C, en protéine S et en antithrombine lorsque cela peut influencer la prise en charge et les choix de vie en fonction des circonstances personnelles (Grade 2B).

  • Le dépistage génétique des variants dans les gènes (p. ex., MTHFR , variants SERPINE1 (niveau plasmatique PAI-1)) sans lien cliniquement significatif avec la thrombose n'est pas recommandé (grade 2C).

  • Nous ne recommandons pas de rechercher une thrombophilie héréditaire chez les patients atteints de thrombose si la seule indication est une thrombose de site inhabituel car l'association est faible et la prise en charge ne serait pas modifiée par leur présence (Grade 2B).

  •  Nous recommandons le test avec le panel MPN chez les patients présentant une thrombose à des sites inhabituels avec des anomalies de la formule sanguine complète suggérant un néoplasme myéloprolifératif (Grade 1C)

  • Nous suggérons un test génétique avec mutation JAK2 chez les patients atteints de hrombose de la veine splanchnique ou CVST en l'absence de facteurs provocateurs clairs et d'un FBC normal (Grade 2C)

  • Nous recommandons de tester les anticorps antiphospholipides chez les patients présentant une thrombose à des sites inhabituels en l'absence de facteurs déclencheurs clairs, car le type et la durée de l'anticoagulation sont affectés par la présence de ces anticorps (Grade 1A)

  • Nous suggérons d'envisager le dépistage de l'HPN chez les patients présentant une thrombose à des sites inhabituels et des paramètres hématologiques anormaux (c'est-à-dire une cytopénie et des indices érythrocytaires anormaux) ou des signes d'hémolyse (c'est-à-dire une augmentation de la lactate déshydrogénase, de la bilirubine et du nombre de rétiques) (Grade 2C)

  • La recherche d'anticorps antiphospholipides peut être envisagée chez les patients atteints d'OVR en l'absence de tout autre facteur de risque associé à l'OVR (Grade 2C)

  • La recherche de thrombophilie héréditaire n'est pas recommandée chez les patients atteints de thrombose artérielle car l'association entre thrombophilie héréditaire et thrombose artérielle chez l'adulte est faible et ne modifie pas la prise en charge (Grade 1B).

  • Nous recommandons de rechercher les anticorps antiphospholipides chez les patients présentant une thrombose artérielle en l'absence d'autres facteurs de risque vasculaire (Grade 1B).

  • Chez les patients présentant une thrombose artérielle et des paramètres sanguins anormaux pertinents, envisager un test avec un panel MPN et pour l'HPN (grade 2C).

  • Le dépistage de la thrombophilie héréditaire n'est pas recommandé chez les patients ayant subi un AVC, quel que soit leur âge (Grade 1A).

  • La recherche d'anticorps antiphospholipides doit être envisagée chez les patients jeunes (< 50 ans) en l'absence de facteurs de risque identifiables de maladie cardiovasculaire, car cela peut modifier la prise en charge, y compris le choix du traitement antithrombotique (Grade 1A).

  • Chez les patients ayant subi un AVC, une numération globulaire complète anormale doit inciter à envisager un test avec un panel MPN et pour l'HPN (grade 2C).

  • La présence d'un FOP chez les patients victimes d'un AVC n'est pas une indication pour les tests de thrombophilie (Grade 2C).

  • Les nouveau-nés et les enfants atteints de purpura fulminans doivent être testés de toute urgence pour un déficit en protéines C et S (grade 1B).

  • Le dépistage de la thrombophilie n'est pas systématiquement recommandé pour l'AVC néonatal (Grade 2B).

  • Chez les nouveau-nés atteints de thrombose multiple inexpliquée, en particulier avec des preuves cliniques évocatrices de CAPS, la recherche d'anticorps antiphospholipides et de thrombophilie héréditaire doit être envisagée (grade 2D)

  • Le dépistage du déficit en antithrombine peut être envisagé chez les femmes enceintes ayant des antécédents familiaux connus de ce déficit ou des signes de résistance à l'héparine (grade 2C).

  • Chez les femmes ayant des antécédents de MTEV non provoquée, la recherche d'anticorps antiphospholipides doit être réalisée en dehors de la grossesse (Grade 2B).

  • Nous déconseillons le dépistage de la thrombophilie héréditaire chez les femmes présentant des complications de la grossesse, telles que des fausses couches à répétition ou des issues de grossesse défavorables (Grade 2B).

  • Pour les femmes présentant une perte de grossesse récurrente ou tardive, le dépistage des anticorps antiphospholipides peut être envisagé car les résultats aident à la stratification du risque et aux décisions de traitement (grade 2B).

  • Les tests d'anticorps antiphospholipides doivent être évités pendant la grossesse car les résultats peuvent ne pas être fiables (grade 2B).

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    La déforestation © Philippe Geluck, Casterman 2018.

Commentaire 
 
PRESCRIRE un bilan de thrombophilie doit être TOUJOURS JUSTIFIE par un tableau clinique mais toujours avec du bon sens
Pour interpréter un bilan de Thrombophilie il faut toujours tenir compte de la clinique et des traitements en cours

baisse PSPCATYIdéalement prescrire un bilan de thrombophillie à distance de l'épisode aigüe de MTEV et sans anticoagulant quelqu'il soit
 
Possible phase aigüe avant mise en place de l'anticoagulation, pas la meileure option car alors on est dans le systématique , ce qu'il ne fait pas faire
 
Un bilan de thrombophilie n'est pas une urgence en matière de MTEV, l'urgence c'est anticoaguler la patient.

Interférences sur les résultats du bilan de thrombophilie avec les anticoagulants 
  • Dosage impossible pour Protéine C et Protéine S:

– si traitement par AVK (attendre 1mois après arrêt du traitement),
– ou par AOD (Pradaxa, Xarelto, Eliquis…) (attendre 3-5 jours après arrêt du traitement)
– ou par L-Asparaginase (anti-cancéreux utilisé en hématologie).
– en cas de grossesse (>10 SA),
– ou traitement hormonal substitutif (THS) ou contraception orale (> 30 μg d’éthinylestradiol). Dans ce cas, il est nécessaire d’attendre au moins 2 cycles après arrêt du traitement.
  • Dosage impossible pour AT :

– si traitement par AOD anti Xa (Xarelto, Eliquis…) (attendre 3-5 jours après arrêt du traitement)
– ou si traitement par L-Asparaginase (anti-cancéreux utilisé en hématologie)
– en cas de grossesse (>10 SA),
– ou traitement hormonal substitutif (THS) ou contraception orale (> 30 μg d’éthinylestradiol).
  • Recherche impossible ACC :

– si traitement par les nouveaux anticoagulants (Pradaxa, Xarelto, Eliquis…) (attendre 3-5 jours après arrêt du traitement)
– ou par L-Asparaginase (anti-cancéreux utilisé en hématologie).

Pas d’interférences sur la génétique (mutation facteur V Leiden et facteur II) et les auto-anticorps (anti beta 2 glycoproteine et anti cardiolipine)

INTEFAODTHROMBO

https://labo.chi-fsr.fr/bilan-de-thrombophilie/
 
PRESCRIRE un BILAN de THROMBOPHILIE

N. Gendron, D.M. Smadja, L. Mauge
Archives des Maladies du Coeur et des Vaisseaux - Pratique, 2020, 2020, pp.15 - 18. ￿
https://www.hal.inserm.fr/hal-03490660/

Quel bilan de thrombophilie réaliser pour rechercher un facteur de risque constitutionnel ou acquis ?

Il est recommandé de ne pas réaliser de bilan de thrombophilie constitutionnelle systématique après un premier épisode de MVTE  notamment après 50 ans que la thrombose soit provoquée ou non

il est suggéré de réaliser un bilan de thrombophilie constitutionnelle chez les patients ayant un premier épisode de thrombose veineuse profonde (TVP) proximale ou d’embolie pulmonaire (EP), non provoqué, avant l’âge de 50 ans et avec une histoire familiale au premier degré de thromboses ainsi que chez les patients avec un évènement thromboembolique veineux récidivant (au moins un épisodede TVP proximale ou d’EP et au moins un épisode non provoqué, avant 50 ans) ou encore chez lespatients ayant une thrombose veineuse non provoquée dans des sites atypiques.

Dans les autres situations, compte tenu de la complexité d’analyse des dossiers et des conséquences thérapeutiqueséventuelles, il est suggéré d’avoir un avis d’un centre expert en thrombose multidisciplinaire
.


 
gendrontablezaugnendron222
La fréquence et le risque thromboembolique de première thrombose ou de récidive dépendent du typede thrombophilie (sévère ou non sévère) .

Les risques de thrombose étant cumulables, le bilan de thrombophilie comprend la recherche de plusieurs facteurs de risque biologiques, qu’ils soient associés à un haut ou un faible risque de récidive.

Il comprend :
  • une numération et formule sanguine qui permettra de déceler un syndrome myéloprolifératif ou une anémie,
  • un bilan de coagulation de routine avec un TP et un TCA, sauf patient sous AOD,
  • le dosage d’activité des inhibiteurs de la coagulation : AT, PC et PS. En cas de déficit, il faut exclure une cause acquise et contrôler l’anomalie. Si une suspicion de déficit constitutionnel est confirmée, un typage plasmatique doit être réalisé. L’intérêt du génotypage a été montré récemment pour l’AT notamment car il apporte des informations supplémentaires sur le caractère thrombogène des mutations, notamment dans le groupe HBS.
  • Il peut également permettre de diagnostiquer des mutations thrombogènes non associées à des déficits francs en inhibiteurs par les tests plasmatiques et d’aider au conseil génétique dans les formes récessives par exemple,
  • la recherche des mutations FVL et F2 G20210A (consentement nécessaire),
  • la recherche d’un anticorps antiphospholipides (pour le diagnostic de SAPL) qui inclue la recherche dun anticoagulant circulant de type lupique, d’anticorps IgG anticardiolipine et anti-b2-glycoprotéine-I (b2GP1) La présence d’un anticoagulant circulant de type lupique e/ou d’anticorps anticardiolipine et/ou d’anti-b2GP1 sur 2 prélèvements réalisés à au moins 12 semaines d’intervalle dans les 5 ans suivant une thrombose veineuse ou artérielle ou des complications obstétricales définit le SAPL.
En cas de thrombose veineuse non provoquée de sites atypiques, par exemple, une recherche de la mutation JAK2 (V617F) et/ou une recherche d’HPN (quantification de l’expression membranaire de protéines GPl-dépendantes des leucocytes et/ou des globules rouges par cytométrie en flux) peuvent être réalisées.

Soumettre les dossiers complexes à une RCP s'impose


La recherche de la Mutation JAK 2 non remboursée, la faire réaliser en Centre Hospitalier

Dossiers complémentaires

THROMBOSUITERRR

https://medicalforum.ch/fr/detail/doi/fms.2020.08452

La carte d'identité thrombophilie : photo dans le smartphone  du patient (++++) 

cartethrombo