Cancer/MTEV/ ICI

 
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"La guérison n’est jamais si prompte que la blessure." Proverbe français

 

RAPPEL

Le traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire  , ICI (appelé aussi inhibiteur de checkpoint pour reprendre la terminologie anglophone), est une forme d'immunothérapie utilisée dans le traitement de certains cancers. L'inhibiteur, un anticorps monoclonal, bloque les liaisons des points de contrôle immunitaires avec leurs ligands, liaisons qui affectent le fonctionnement du système immunitaire. Les points de contrôle immunitaires sont des molécules de voies de signalisation co-inhibitrices qui agissent pour maintenir la tolérance immunitaire, mais ils sont souvent utilisés par les cellules cancéreuses pour échapper à l'immunosurveillance . Les deux points de contrôle les plus étudiés sont PD-1 (Programmed Cell Death 1) et CTLA-4

Les points de contrôle immunitaire peuvent être stimulants ou inhibiteurs.

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Schéma du fonctionnement du blocage d'un point de contrôle immunitaire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Inhibiteur_de_point_de_contr%C3%B4le
https://www.cancer.gov/publications/dictionaries/cancer-terms/def/immune-checkpoint-inhibitor


Early Change in C-Reactive Protein and Venous Thromboembolism in Patients Treated With Immune Checkpoint Inhibitors. JACC CardioOncol 2024;6:965-975.Summary By:Salim Hayek, MD, FACC

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RTICLE complet libre d'accès : https://www.jacc.org/doi/10.1016/j.jaccao.2024.09.007?_ga=2.57701923.809621684.1734802928-344696177.1734802927


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Illustration centrale

Trajectoires longitudinales de la protéine C-réactive et risque de thromboembolie veineuse chez les patients atteints de cancer traités par des inhibiteurs du point de contrôle immunitaire

Association entre les trajectoires longitudinales de la protéine C réactive (CRP) et le risque de thromboembolie veineuse (TEV) chez les patients atteints de cancer traités par inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (ICI), montrant les cohortes d'étude, les méthodes de répartition des groupes de CRP et les principales conclusions en mettant l'accent sur l'augmentation du risque de TEV chez les patients présentant une augmentation précoce de la CRP après le début de l'ICI. Les patients sont stratifiés en groupes en fonction du schéma des taux longitudinaux de CRP au cours des 3 premiers mois de traitement par ICI : augmentation de la CRP (définie comme une augmentation ≥ 2 fois par rapport à la valeur initiale), baisse de la CRP (définie comme une diminution ≥ 50 % par rapport à la valeur initiale) et CRP stable (aucune augmentation ou baisse par rapport à la valeur initiale). ∗SdHR multivarié obtenu dans une régression des risques concurrents, tenant compte du décès toutes causes confondues comme événement concurrent et ajustant en fonction de l'âge, du sexe, du type de cancer, du stade, de l'indice de performance ECOG et de la charge de comorbidité. IC à 95 % = intervalle de confiance à 95 % ; CRP = protéine C réactive ; ICI = inhibiteur du point de contrôle immunitaire ; sdHR = rapport de risque de sous-distribution ; TEV = thromboembolie veineuse.



Questions d'étude 

 

Une augmentation précoce des taux de protéine C-réactive (CRP) pendant le traitement par inhibiteur du point de contrôle immunitaire (ICI) prédit-elle le risque de thromboembolie veineuse (TEV) chez les patients atteints de cancer?

Méthodes 

 

Cette étude de cohorte rétrospective a porté sur 822 patients atteints de cancer soumis à un traitement par ICI dans deux centres universitaires. Les patients ont été stratifiés en fonction des trajectoires de CRP au cours des 3 premiers mois de traitement, définissant une augmentation de CRP comme une augmentation de deux fois par rapport à la valeur initiale. Des analyses de risque concurrentes et en fonction du temps ont été réalisées pour évaluer l'incidence de thrombose veineuse (TEV). Les résultats ont été validés dans les cohortes primaires et externes.

Résultats

 

L'étude comprenait une cohorte de découverte de 405 patients de l'Université de médecine de Vienne et une cohorte de validation de 417 patients de l'Université de médecine de Graz. L'âge médian de la cohorte de découverte était de 63 ans, dont 38,3 % de femmes. Une variété de cancers étaient représentés, notamment le mélanome (33,3 %), le cancer du poumon non à petites cellules (25,9 %) et le carcinome à cellules rénales (8,9 %), 91,3 % des patients présentant une maladie métastatique au début du traitement par ICI. La plupart des patients ont reçu des ICI en traitement de deuxième intention, avec une médiane de six cycles de traitement.

Les patients présentant une augmentation de la CRP dans la cohorte de découverte (39,3 %) ont présenté une incidence cumulée de thrombose veineuse (TEV) de 19,9 % (intervalle de confiance [IC] à 95 %, 8,4–34,8) par rapport à 8,6 % (IC à 95 %, 3,1–17,6) chez les patients sans augmentation de la CRP. Après ajustement multivariable en fonction de l'âge, du sexe, du type de cancer, du stade de la maladie, de l'indice de performance de l'Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) et de la charge de comorbidité, le rapport de risque de sous-distribution (sdHR) pour la thrombose veineuse était de 2,64 (IC à 95 %, 1,06–6,62).

La cohorte de validation a donné des résultats cohérents. Les patients présentant une augmentation de la CRP (40,3 %) présentaient une incidence cumulée de thrombose veineuse (TEV) de 22,9 % (IC à 95 %, 9,7-39,3) contre 10,8 % (IC à 95 %, 7,4-15,1) chez les patients sans cette augmentation. Le rapport risque-risque relatif (RRS) pour la thrombose veineuse après ajustement était de 2,25 (IC à 95 %, 1,03-4,94). Les analyses du temps écoulé avant l'événement ont confirmé que le risque élevé de thrombose veineuse n'était pas perturbé par la progression de la maladie ou d'autres facteurs dépendant du temps.

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Représentation schématique des sous-groupes de changement de CRP

Les patients sont stratifiés en groupes en fonction du profil des niveaux longitudinaux de protéine C-réactive (CRP) au cours des 3 premiers mois de traitement par inhibiteur du point de contrôle immunitaire : augmentation de la CRP (définie comme une augmentation ≥ 2 fois par rapport à la valeur initiale), baisse de la CRP (définie comme une diminution ≥ 50 % par rapport à la valeur initiale) et CRP stable (aucune augmentation ou baisse par rapport à la valeur initiale).

 

Conclusions 

 

Une augmentation précoce des taux de CRP pendant le traitement par ICI est associée à un risque plus élevé de thrombose veineuse (TEV), ce qui suggère que les trajectoires de CRP pourraient servir de biomarqueurs précieux dans la pratique clinique pour prédire les complications thrombotiques.

Perspective

Compte tenu de l'impact significatif de la thrombose veineuse sur l'évolution du cancer, il est essentiel d'identifier des biomarqueurs fiables du risque thrombotique. La relation constante entre les trajectoires de CRP et la thrombose veineuse dans plusieurs cohortes suggère une utilité clinique potentielle.

Cependant, lors de l'interprétation de ces résultats, il est essentiel de reconnaître que les élévations de CRP peuvent provenir non seulement de la modulation immunitaire induite par l'ICI, mais également de la progression tumorale sous-jacente.

Bien que les augmentations précoces de la CRP observées puissent signaler un risque thrombotique accru, la mesure dans laquelle ces changements sont dus aux ICI par rapport à la maladie avancée reste incertaine.

De plus, la CRP est un marqueur inflammatoire non spécifique influencé par divers facteurs cliniques, et l'analyse actuelle est rétrospective, ce qui limite les inférences causales définitives.

Des études prospectives sont encore nécessaires pour établir des seuils optimaux de CRP, comprendre les mécanismes sous-jacents et faire la distinction entre la progression tumorale et l'inflammation liée aux ICI.

À mesure que l'immunothérapie continue d'évoluer, l'exploitation de biomarqueurs comme la CRP pourrait aider à obtenir une évaluation des risques et des stratégies de prophylaxie plus personnalisées, améliorant ainsi les résultats des patients.

Commentaire

Article intéressant mais est vrai que l'augmentation de la CRP chez un patient atteint de cancer est le plus souvent la règle. D'autant plus dans cette étude il s'agit de cancers graves avec 90% des patients avec métastases. On veut faire dire plein de choses à la CRP, à mon avis beaucoup trop. Mais compte tenu de cela il faudrait associer la CRP à d'autres marqueurs comme les D Dimères et le Fibrinogène  en se concentrant sur leur cinétique . Cette cinétique est un marqueur plus spécifique à priori et plus pertinent qu'une CRP isolée.

Copyright : Dr Jean Pierre Laroche / 2024