LDL et Démence : le rôle des statines

 
" Que de nuances dans nos affections ! Approbation, sensibilité, émotion, trouble, saisissement, passion, emportement, démence, fureur, rage. Voilà tous les états par lesquels peut passer cette pauvre âme humaine." Voltaire

"La démence est la rançon de la sapience." Edgard Morin

 
 
Lee M , Lee KJ , Kim J , et al.
Taux de cholestérol des lipoprotéines de basse densité et risque de démence incidente : une analyse de réseau distribué utilisant des modèles de données courants
Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry Publié en ligne pour la première fois le 1er avril 2025. doi : 10.1136/jnnp-2024-334708

 

Contexte

 Le lien entre le taux de cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL-C) et le risque de démence est mal compris, les données concernant le rôle du LDL-C et l’impact du traitement par statines sur les résultats cognitifs étant contradictoires. Nous avons donc cherché à examiner l’association entre le taux de LDL-C et le risque de démence, et à évaluer l’influence du traitement par statines.

Méthodes

 Nous avons analysé rétrospectivement les données de 11 hôpitaux universitaires participant au modèle commun de données (CDM) de l'Observational Medical Outcomes Partnership (OMOP). Les participants ayant reçu un diagnostic préalable de démence ou ceux ayant été observés pendant moins de 180 jours avant l'inclusion dans la cohorte, ainsi que ceux inclus dans les deux cohortes, ont été exclus. Le critère d'évaluation principal était la démence toutes causes confondues, le critère d'évaluation secondaire étant la démence liée à la maladie d'Alzheimer (MADA). L'étude a utilisé un appariement par score de propension 1:1 pour comparer les personnes ayant un taux de LDL-C inférieur à 70 mg/dL (1,8 mmol/L) à celles ayant un taux supérieur à 130 mg/dL (3,4 mmol/L), ce qui a donné lieu à une cohorte d'analyse principale de 108 980 patients appariés. Des analyses secondaires ont également examiné les seuils de LDL-C inférieurs à 55 mg/dL (1,4 mmol/L) et l'influence de l'utilisation de statines.

Résultats 

Les taux de LDL-C inférieurs à 70 mg/dL (1,8 mmol/L) étaient associés à une réduction de 26 % du risque de démence toutes causes confondues et à une réduction de 28 % du risque de MADR, par rapport aux taux supérieurs à 130 mg/dL (3,4 mmol/L). Pour les taux de LDL-C inférieurs à 55 mg/dL (1,4 mmol/L), il y avait une réduction de 18 % du risque pour les deux résultats. Parmi les personnes ayant un LDL-C < 70 mg/dL (< 1,8 mmol/L), l'utilisation de statines était associée à une réduction de 13 % du risque de démence toutes causes confondues et à une diminution de 12 % du risque de MADR par rapport aux non-utilisateurs.

dem

Les courbes de Kaplan-Meier issues de l'étude publiée dans le Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry montrent une réduction significative du risque de démence toutes causes confondues chez les patients avec un LDL-C <70 mg/dL (<1,8 mmol/L) comparé à ceux avec un LDL-C >130 mg/dL (>3,4 mmol/L) dans les 11 centres hospitaliers universitaires coréens analysés

Points clés :

  • Risque réduit de 26% : Les courbes illustrent un écart progressif entre les groupes, avec un avantage net pour le groupe LDL-C bas dès les premières années de suivi

  • Effet seuil :

    La protection maximale est observée autour de 70 mg/dL, puis diminue pour disparaître en dessous de 30 mg/dL (<0,8 mmol/L)1.

  • Synergie avec les statines 

    Les utilisateurs de statines dans le groupe LDL-C <70 mg/dL présentent une courbe de survie sans démence encore plus favorable (réduction supplémentaire de 13%) (PERPLEXITY)

Conclusion 

De faibles taux de LDL-C (< 70 mg/dL (< 1,8 mmol/L)) sont significativement associés à une réduction du risque de démence, y compris de la maladie d'Alzheimer et des démences apparentées (MAAD), le traitement par statines procurant des effets protecteurs supplémentaires. Ces résultats confirment la nécessité d'une gestion ciblée des lipides comme stratégie préventive contre la démence, soulignant l'importance des approches thérapeutiques personnalisées.


Ce que l'on savait déjà sur ce sujet

⇒ La relation entre les taux de cholestérol LDL (LDL-C) et le risque de démence reste controversée, avec des preuves contradictoires dans les études antérieures
⇒ Des essais cliniques récents de grande envergure ont montré qu'abaisser le LDL-C à des niveaux très bas n'augmente pas le risque de démence, remettant en cause les craintes initiales
⇒ Le rôle des statines dans la modulation des résultats cognitifs fait débat, certaines études suggérant des effets neuroprotecteurs potentiels.

Ce que cette étude apporte

⇒ Des niveaux de LDL-C inférieurs à 70 mg/dL (1,8 mmol/L) sont associés à une réduction significative du risque de démence toutes causes confondues (-26 %) et de démence liée à la maladie d'Alzheimer (-28 %)
⇒ L'utilisation de statines apporte une protection supplémentaire contre la démence chez les personnes avec un LDL-C < 70 mg/dL, soulignant un effet synergique.
⇒ Les niveaux très bas de LDL-C (<30 mg/dL ou <0,8 mmol/L) ne réduisent pas davantage le risque, suggérant un effet seuil pour un bénéfice cognitif optimal

Implications pour la recherche, la pratique et les politiques

⇒ Ces résultats soulignent l'importance de cibler la gestion du LDL-C dans les stratégies de prévention de la démence, avec une intégration potentielle dans les recommandations cliniques
⇒ Ils soutiennent l'utilisation des statines dans des plages spécifiques de LDL-C, combinant bénéfices cardiovasculaires et cognitifs
⇒ Les recherches futures pourraient affiner les seuils de LDL-C et explorer les mécanismes liant le métabolisme lipidique au déclin cognitif

 

OIG3

SYNTHESE

Cette étude rétrospective, utilisant les données harmonisées de 11 hôpitaux universitaires coréens, examine le lien entre les taux de cholestérol LDL et le risque de démence. Les chercheurs ont constaté que des niveaux de LDL inférieurs à 70 mg/dL sont associés à une réduction significative du risque de démence, y compris la maladie d'Alzheimer. De plus, chez les individus avec un LDL bas, l'utilisation de statines procure une protection supplémentaire contre la démence. Ces résultats suggèrent que la gestion ciblée du LDL pourrait être une stratégie préventive importante contre le déclin cognitif, bien que des taux très bas de LDL (<30 mg/dL) n'aient pas montré de bénéfice supplémentaire. L'étude met en lumière la nécessité de considérer les seuils de LDL dans les recommandations cliniques pour la prévention de la démence. (NotebooKLM) 

PERPLEXITY/IA

Les résultats de cette étude offrent des pistes concrètes pour optimiser la prévention de la démence en pratique clinique, notamment grâce à une gestion ciblée du cholestérol LDL et l'utilisation stratégique des statines.

Applications cliniques clés :

  1. Cible lipidique optimale :

    • Prioriser un objectif de LDL-C <70 mg/dL (1,8 mmol/L) chez les patients à risque cardiovasculaire et cognitif, avec un suivi régulier par bilan lipidique

    • Éviter une réduction excessive en dessous de 30 mg/dL (0,8 mmol/L), qui n'apporte pas de bénéfice supplémentaire

  2. Stratégie statines :

    • Prescrire des statines en combinaison avec la réduction du LDL-C chez les patients avec LDL-C <70 mg/dL, pour une réduction supplémentaire de 13% du risque de démence.

    • Privilégier les statines à haute puissance (atorvastatine, rosuvastatine) qui montrent un effet neuroprotecteur plus marqué dans les méta-analyses.

  3. Personnalisation des traitements :

    • Adapter les cibles de LDL-C selon le profil patient : antécédents d'AVC, facteurs de risque vasculaires, ou antécédents familiaux de démence.

    • Chez les patients âgés (>75 ans), évaluer le ratio bénéfice/risque avant d'initier un traitement intensif, en s'appuyant sur des marqueurs cognitifs.

Intégration dans les parcours de soins :

  • Dépistage combiné : Inclure le LDL-C dans les bilans de prévention cognitive systématiques après 50 ans.

  • Éducation thérapeutique : Expliquer aux patients le lien entre santé cardiovasculaire et cognitive, en valorisant l'adhésion aux traitements hypolipémiants.

  • Suivi interdisciplinaire : Coordonner médecins généralistes, neurologues et cardiologues pour ajuster les traitements selon l'évolution cognitive14.

Recherche translationnelle nécessaire :

  • Développer des outils prédictifs combinant biomarqueurs lipidiques et cognitifs (ex : APOE ε4 + LDL-C).

  • Explorer les mécanismes synergiques entre statines et métabolisme cérébral (effets anti-inflammatoires, modulation de la protéine tau).

Ces recommandations s'appuient sur des données observationnelles robustes mais nécessitent confirmation par des essais randomisés à long terme avant une intégration large dans les guidelines

Bien que les statines montrent un potentiel prometteur dans la réduction du risque d'Alzheimer, leur utilisation doit être adaptée au profil du patient et guidée par des données solides.


Commentaire

Effet des statines sur le risque de démence positif.
Est ce qu'il faut introduire ce résultat dans l'AMM des statines, peut être pas immédiatement mais demain probablement
Cette action peut être un élément décisif pour les patients "hésitants "face aux statines
Les article sur statines , démence et Alzheimer se multiplient avec des résultast globalement favorables

Les STATINES sont bienfaitrices pour mille et une chose en médecine. Il faut arrêter de les diaboliser. L'effet NOCEBO des statines est leur "tendon d'Achille", c'est déjà suffisant.

Prescrire une statine en primo prescription c'est un temps médical trés important qu'il ne faut pas réduire à quelques secondes.....mais EXPLIQUER, JUSTIFIER et RASSURER et ce quelque soit l'indication.


A LIRE

STATINE et DEMENCE

m zwab208f4


https://medvasc.info/archives-blog/statine-et-d%C3%A9mence
Pages 804–814, https://doi.org/10.1093/eurjpc/zwab208


Copyright : Dr Jean Pierre Laroche / 2025