Cancer
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- Entretien avec Grégoire Le Gal : la MTEV veineuse fait découvrir le cancer
“Quand il lut quelque part que fumer pouvait provoquer le cancer, il arrêta de lire.” A Kirwan
“Si il n'y avait pas la Science, combien d'entre nous pourraient profiter de leur cancer pendant plus de cinq ans ?” Pierre Desproges
Thème : la MTEV veineuse fait découvrir le cancer
Dans la pratique, la recherche d'un cancer en cas de MTEV sans facteur déclenchant pose toujours de nombreux problèmes.
Doit-on,trop en faire ou pas assez ?Quel est le juste milieux ?
J'ai donc demandé à Grégoire Le Gal , "un de nos cousins canadiens" de nous éclairer sur ce sujet.
Merci d'avoir accepté Grégoire.Dr. Grégoire Le Gal MD PHD
ProfessorDepartment of Medicine, University of Ottawa
Physician, Thrombosis Unit, Division of Hematology
The Ottawa Hospital - General Campus
Senior Scientist, Clinical Epidemiology Program
Ottawa Hospital Research InstituteQUESTION 1
Grégoire pourrais-tu définir ce qu’est exactement une MTEV sans facteur déclenchant ?
Malheureusement non, pas ‘exactement’. Certaines situations sont faciles à identifier. Une fracture de hanche récente traitée chirurgicalement est un facteur déclenchant évident, mais quid d’une arthroscopie en ambulatoire par exemple ? Par ailleurs, certains facteurs déclenchants telle que la période post-opératoire sont transitoires et réversibles, mais d’autres peuvent être persistants, comme un cancer ou une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).
L’ISTH propose de classer les évènements thrombotiques en trois catégories :
1) provoqués par un facteur déclenchant transitoire « majeur » (chirurgie avec anesthésie générale de plus de 30 minutes, hospitalisation avec alitement d’au moins trois jours, césarienne), « mineur bien qu’important »(chirurgie avec anesthésie de moins de 30 minutes, hospitalisation courte, estrogénothérapie, grossesse ou post-partum, alitement à domicile, traumatisme des membres inférieurs avec mobilité réduite) ;
2) provoqués par un facteur déclenchant persistant : cancer, MICI, anticorps antiphospholipides ; 3) les évènements non provoqués, sans facteur déclenchant.
Mais comme vous le voyez, tout n’est pas noir ou blanc, et si certaines thromboses sont clairement non provoquées (« le coup de tonnerre dans un ciel bleu »), un jugement au cas par cas est indispensable.QUESTION 2
Quel est le % de cancer retrouvé en cas de MTEV sans aucun facteur déclenchant ?
On a longtemps pensé que le risque était de 10% à un an. Les essais randomisés récents ont rapporté des chiffres plus bas, de l’ordre de 5% de cancers occultes. Il est probable que dans les études de cohorte anciennes étaient comptabilisés des cancers qui étaient d’emblée apparents au moment du diagnostic de la thrombose.
QUESTION 3
La recherche d’un cancer dans le contexte de MTEV sans facteur déclenchant crée sas cesse la polémique. Il existe une grande distorsion entre les recommandations et la réalité du terrain. La tentation du scanner Thoraco Abdomino Pelvien est grande. Alors chez qui proposer cette recherche de cancer et comment ?
L’essai randomisé canadien SOME (https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1506623) n’a pas montré de bénéfice du scanner abdomino-pelvien par rapport à un dépistage limité (examen clinique, biologie de routine, mise à jour des examens de dépistage recommandés pour l’âge et le sexe), ni sur le nombre de cancers diagnostiqués au moment du diagnostic, ni sur le risque de cancer au suivi. L’essai français MVTEP (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04304651) a montré qu’un PET-scanner augmentait, mais de façon non statistiquement significative, le nombre de cancers diagnostiqués initialement. En revanche, le risque de cancer au cours du suivi était significativement plus faible dans le groupe des patients ayant eu un PET-scanner par rapport à ceux du groupe ayant eu un dépistage limité. Nous avons entrepris un nouvel essai clinique de plus grande ampleur pour évaluer l’intérêt du PET-scanner dans cette indication.
Dans l’attente des résultats, les guides de pratique français et internationaux préconisent de réaliser un interrogatoire et un examen clinique complets, une biologie de routine et une analyse d’urine, une radiographie pulmonaire, et de mettre à jour les examens de dépistage habituels pour les cancers du sein, du col, de la prostate ou du colon.
Un message important pour finir sur cette question : en pratique, nous sommes souvent très inquiets du risque de cancer chez les patients jeunes présentant une thrombose non provoquée (« pourquoi lui, sportif, en santé etc… »), alors que dans les études récentes, nous avons pu montrer que le risque de cancer était très faible chez les patients jeunes atteints de thrombose (moins de 1%), augmentait de façon assez nette à partir de 50 ans pour atteindre 9% chez les patients de plus de 80 ans. Nous devons donc être particulièrement vigilants chez les patients de plus de 50 ans.
QUESTION 4
En cas de cancer à l’origine d’une MTEV, ce cancer est-il évolué ou au stade occulte, en dehors des tableaux cliniques évolués de cancer.
Dans les essais cités plus hauts, un tiers des cancers solides étaient diagnostiqués à un stage précoce (stade I/II) et deux tiers à un stade plus avancé (III/IV) sans différence significative entre les bras dépistage limité ou intensif. Il faut toutefois noter que quand bien même un dépistage intensif permettrait de diagnostiquer les cancers à un stade plus précoce, le bénéfice sur le pronostic resterait à démontrer. En effet, les études épidémiologiques montrent que la maladie thromboembolique est associée à une mortalité accrue chez les patients avec cancer, et que ceci est particulièrement vrai chez les patients avec un cancer localisé. Même en cas de cancer localisé, la thrombose est probablement la manifestation d’une maladie plus agressive.
QUESTION 5
Existe-t-il une valeur prédictive de cancer en fonction de la localisation initiale de la MTEV : TVP distale versus TVP proximale, EP proximale versus EP distale voire sous segmentaire
Des études antérieures ont montré une association entre thrombose distale bilatérale et diagnostic ultérieur de cancer. Dans les essais de dépistage cités plus haut, le risque de cancer occulte était le même chez les patients avec TVP isolée, TVP et EP ou EP isolée. A noter toutefois que la plupart de ces études avaient exclu les patients avec thromboses distales isolées, et que l’information sur le caractère unilatéral ou bilatéral de la TVP, le caractère sous-segmentaire ou plus proximal de l’EP, n’était pas collectée. Ces points précis n’ont donc pas pu être analysés.
QUESTION 6
Une fois le cancer découvert, le patient est anticoagulé pour sa MTEV. Doit-on envisager alors une modification de ce traitement anticoagulant, selon le type de cancer, selon son évolution ?
Oui. Sans rentrer dans les détails, car cela pourrait faire l’objet d’un entretien complet, la prise en charge de la maladie thromboembolique est bien sûr différente chez les patients avec cancer.
Même si de plus en plus de patients peuvent être traités par AOD, le traitement par héparine de bas poids moléculaire au long cours est toujours indiqué dans certaines situations. Il existe aussi une indication à la poursuite du traitement anticoagulant tant que le cancer est actif et/ou que des traitements sont poursuivis (hormonothérapie…).
Dans l’attente des résultats de l’essai français APICAT,nous manquons de données sur la réduction de la dose d’AOD après 6 mois chez les patients avec cancer.
Etude APICAT : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03692065?cond=API-CAT&draw=2&rank=1
Etude MVPT : https://www.em-consulte.com/article/1029759Merci Grégoire pour la clarté ,la justesse de ton analyse et la pertinence de tes réponses.
- Entretien avec Isabelle Mahé : Thrombose et cancer
"L'esprit humain est plus fort que tout ce qui peut lui arriver." C.C. Scott
« Trois idéaux ont éclairé ma route et m'ont souvent redonné le courage d'affronter la vie avec optimisme : la bonté, la beauté et la vérité. » Albert Einstein
Thrombose et cancer : c'est au quotidien que nous sommes de plus en plus concernés par cette association, une liaison dangereuse, dont il faut écarter tous les pièges. Qui est le mieux placé aujourd'hui pour décrypter cette thématique ? Isabelle Mahé a bien voulu répondre à https://medvasc.info/. Merci Isabelle d'avoir accepté cet entretien.
Isabelle Mahé , Professeur des Universités, Praticien Hospitalier en Médecine Interne
Chef du service de Médecine Interne, Hôpital Louis Mourier, APHP, Université Paris Cité
INNOVTE-FCRIN, Cedex2 ,Saint EtienneEpidémiologie de la MTEV au cours du cancer actif et typologie (localisation, récurrence, risque hémorragique)
Avec les progrès notables des traitements anticancéreux ces dernières années, l’espérance de vie des patients avec cancer s’allonge. Dans le même temps, et dans le contexte des progrès réalisés en imagerie, l’incidence des événements thromboemboliques veineux associés au cancer progresse, quel que soit le site du cancer. Dans une étude récente, le risque thromboembolique chez les patients avec cancer a été estimé à 9 fois celui des patients sans cancer.Le risque thromboembolique veineux dépend du site et du stade du cancer, mais aussi des caractéristiques du patient et des traitements du cancer. Ainsi, les cancers du pancréas, gastrique, du poumon et les tumeurs cérébrales sont les plus à risque thromboembolique en risque relatif ; mais en terme d’effectifs, les patients avec cancers du sein, de la prostate et colorectal, en raison de leur prévalence élevée et bien qu’à moindre risque relatif de thrombose, sont les plus nombreux des patients avec thrombose et cancer.
Quel que soit le type de tumeur, la survenue d’un événement thromboembolique veineux est associée à un mauvais pronostic. Par ailleurs, après un premier épisode, sous traitement anticoagulant bien conduit, les patients avec cancer ont un risque majoré de développer une récidive veineuse thromboembolique et d’avoir des complications hémorragiques par rapport aux patients sans cancer.
Pendant longtemps les HBPM ont été le traitement référence de la MTEV au cours du cancer depuis l’étude CLOT. Aujourd’hui les choses changent, les AOD ont le vent en poupe. Qu’apportent les AOD par rapport aux HBPM dans ce contexte ?Par rapport aux HBPM administrés au long cours par voie injectable, les AOD ont l’avantage de la voie orale. Les HBPM sont longtemps restées la seule alternative thérapeutique recommandée chez les patients atteints de thrombose et cancer. Désormais, 2 alternatives s’offrent au prescripteur et au patient, HBPM et AOD, qui ne sont pas exclusives, puisque l’une ou l’autre des options peut être privilégiée au cours du suivi du patient selon le contexte et les préférences, ce qui est très positif.
Que reste-t-il des indications des HBPM en 2022 ?Les HBPM sont et restent une alternative de premier choix dans la prise en charge thérapeutique de la thrombose associée au cancer, comme cela a été rappelé dans la mise à jour des Recommandations Françaises en 2021 (https://doi.org/10.1016/j.
rmr.2021.03.001). De plus, chez les patients avec une insuffisance rénale sévère, situation où les AOD sont contre-indiqués, les HBPM sont privilégiées (Recommandations Françaises 2021).
La prévention de la MTEV au décours d’un cancer actif se pose régulièrement. Quelle est ta pratique à ce sujet ?Les patients avec cancer sont à risque thromboembolique veineux, à l’origine d’un surcroît de morbidité, de mortalité et de coûts de santé. Dans ce contexte, la thromboprophylaxie semble attractive.
Bien que les HBPM aient démontré une efficacité par rapport au placebo dans la prévention du risque thromboembolique veineux chez les patients avec cancer recevant une chimiothérapie en ambulatoire, leur prescription systématique n’est pas recommandée compte tenu de la réduction modeste du risque de survenue d’événement thromboembolique veineux, du risque hémorragique et de la contrainte de la voie injectable.
Plus récemment, les AOD ont été évalués prospectivement chez les patients avec cancer les plus à risque thromboembolique veineux (score de Khorana ≥2), mettant en évidence une réduction du risque thromboembolique veineux à 6 mois, au prix d’une augmentation significative du risque de saignements majeurs.
En pratique, en dehors du cas du myélome qui justifie une prophylaxie, la thromboprophylaxie doit être discutée au cas par cas devant les cancers les plus thrombogènes, en l’absence de facteur de risque hémorragique.
L’étude APICAT qui tu diriges est très attendue, peux-tu nous en rappeler la philosophie ?
Mahé I, et al. Thromb Haemost 2021. doi: 10.1055/a-1647-9896Les essais thérapeutiques évaluant les différents schémas thérapeutiques d’anticoagulants chez des patients avec un cancer ont pour la plupart été menés avec une évaluation à 6 mois de l’événement index.
Avec les progrès des traitements anticancéreux et des soins de support, près de 60% des patients pris en charge pour un événement thromboembolique veineux associé à un cancer sont encore vivants 6 mois plus tard. La question de leur traitement se pose alors.
Après un épisode thromboembolique veineux dans un contexte de cancer, le risque de récidive est élevé, surtout dans les premières semaines suivant l’événement. Après 6 mois, ce risque persiste, même s’il est moins élevé que dans les 6 premiers mois alors que le risque hémorragique est significatif. Dans ce contexte, l'option d’une dose réduite d’anticoagulant semble attractive et justifie d'être évaluée prospectivement.
L’objectif principal de l’étude API-CAT (étude prospective randomisée en double aveugle) est d’évaluer la non infériorité sur le risque de récidive thrombo-embolique veineux d’une dose réduite d’anticoagulant (apixaban 2.5 mg X2/j) par rapport à la dose pleine (5 mg X2/j) chez des patients avec cancer actif ayant reçu au moins 6 mois d’anticoagulant pour un événement thrombo-embolique veineux ; si cet objectif est atteint, la supériorité de la dose réduite sur le risque hémorragique sera recherchée. L’analyse sera stratifiée selon le site de cancer.
A ce jour, plus de 1100 patients sur les 1722 patients attendus ont été inclus dans les 11 pays participant à l’étude.
Les AOD présentent des interactions avec les traitements du cancer. Peux-tu nous rappeler les interactions les plus dangereuses. Existe-t-il un ou des sites qui permettent en consultation lorsque que la prescription d’un AOD est possible d’éviter des associations à risqueLa question des interactions médicamenteuses entre AOD et anticancéreux est souvent évoquée. Elle peut s’envisager sous 2 angles ; le premier : peut-on attendre un effet de l’AOD sur l’effet antitumoral ? La réponse est non, il y a peu ou pas d’effet attendu de l’AOD sur l’effet du traitement antitumoral ; le deuxième : peut-on attendre un effet de l'anti tumoral sur l’effet de l’AOD ? La question se pose pour les traitements dont le métabolisme passe par le CYP3A4 et qui sont substrats de la P-gp. Dans la plupart des cas, l’intervalle thérapeutique large des AOD permet de ne pas anticiper d’impact clinique. La question reste posée pour les inhibiteurs/inducteurs puissants du 3A4 et de la P-gp, qui étaient des critères de non inclusion des essais thérapeutiques évaluant les AOD dans la thrombose associée au cancer. Il faut rappeler que pour ces situations, les données disponibles concernant les interactions n’ont pas été obtenues chez des patients.
https://cancer-<wbr< a=""> />druginteractions.org</wbr<>
https://www.afsos.org/fiche-
referentiel/prise-charge-de- maladie-thromboembolique- veineuse-cancerologie/
Les nouveaux AOD arrivent. Est-ce que les Anti XI par exemple ont été testés pour traiter la MTEV dans le cancer ou la prévenir ?Les anti XI semblent avoir un profil intéressant : en agissant au niveau du facteur XI, ces traitements permettent de prévenir le risque thromboembolique tout en minimisant le risque hémorragique.
A ce jour des données sont disponibles dans la prévention du risque thromboembolique dans la chirurgie du genou et la prévention du risque cardio-embolique dans la fibrillation auriculaire.
Un tel profil semble particulièrement attractif dans la prise en charge de la maladie veineuse thromboembolique associée au cancer. Des études prospectives randomisées sont sur le point de débuter en France dans la prise en charge initiale de la thrombose associée au cancer, avec un suivi à 6 mois.
Merci à Isabelle Mahé, des réponses claires, pour une meilleure connaissance sur THROMBOSE et CANCER, avec des retombées pratiques précieuses.- Entretien avec l'autrice Géraldine Poénou (Hgie/Cancer/MTEV)
"Quand il lut quelque part que fumer pouvait provoquer le cancer, il arrêta de lire." A Kirwan
« Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies. » MOLIÈRE (1622-1673), Le Malade imaginaire
Entretien ave Géraldine Poénou à propos de l'article
( inCancers 2022, 14, 1937. https://doi.org/10.3390/cancers14081937Le point de départ :Les patients présentant des événements thromboemboliques veineux dans le cadre d'un cancer relèvent d’un traitement anticoagulant (quand il est possible) tant que le cancer est actif. De plus, malheureusement le cancer actif est autant un facteur de risque de récurrence d’événements thromboemboliques veineux qu’un facteur de risque hémorragique sous anticoagulant. Par conséquent, une stratégie d'anticoagulation sur mesure doit reposer sur une évaluation individualisée des risques de récidive thromboembolique veineuse et d'hémorragie associée aux anticoagulants. Aucun modèle d'évaluation des risques existant pour le risque de saignement associé aux anticoagulants n'a été validé pour la thrombose associée au cancer.
Pour obtenir un meilleur modèle d'évaluation des risques, il semble nécessaire de se poser plusieurs questions que l'on a directement posé à Géraldine
Dr Géraldine Poénou@zudenstein
Assistante spécialiste en médecine vasculaire et thérapeutique
(Pr Laurent Bertoletti)
Service de Médecine Interne, Hôpital Louis Mourier, APHP Paris, Colombes
(Pr Isabelle Mahé)
Tout d’abord félicitations à toute l’équipe du Pr Isabelle Mahé pour cet article passionnant et très utile car il met en évidence des points majeurs sur l’anticoagulation de la MTEV au cours du cancer et notamment sur le risque hémorragique.
Le résumé graphique de l'article est hautement pertinent et didactique
Alors première question : quelles sont les particularités du risque hémorragique, durant l’anticoagulation d’une MTEV au décours d’un cancer actif ?
Merci pour les félicitations, nous sommes tous très heureux des retours positifs que nous avons pour l’article ! Je pense que le plus important dans notre approche est que nous avons tenu à recentrer la question autours du patient : « Qu’est qui rend un patient souffrant de cancer ayant une MVTE sous anticoagulant plus à risque hémorragiquequ’un autre patient ? ». En se posant la question de cette façon cela force à se pencher, tout d’abord sur les caractéristiques intrinsèques du patient puis sa relation avec son environnement notamment thérapeutique.
Les caractéristiques intrinsèques du patient regroupent sa balance risque thrombotique/ risque hémorragique constitutionnelle propre à ce dernier (âge, situation à risques hémorragiques, insuffisance d’organe…) ainsi que les caractéristiques liées à son cancer (site, type, métastase…). Ces facteurs de risques sont immuables et doivent être recherché de manière systématique.
En association aux deux caractéristiques sus citées, il est important d’ajouter l’influence des traitements anticoagulant d’une part et des traitements anti cancéreux d’autre part. En effet, la sensibilité à certains traitements, ses propriétés pharmacologiques, sa toxicité et ses interactions médicamenteuses influent sur le risque hémorragique.
Si deux aspects sont systématiquement à évaluer chez tout patient ayant une MVTE (sa balance hémorragie/thrombose et son type de traitement anticoagulant) les particularités de notre patient dans cette situation est qu’il est nécessaire de prendre en compte aussi de manière de manière simultanée les caractéristiques liées à son cancer et l’impact de son traitement anticancéreux.
Le risque hémorragique dans ce contexte est il supérieur ou inférieur au risque de récidive de la MTEV ?Cette question à une réponse variable au cours du temps. D’après la littérature, chez un patient ayant une MTEV ce que l’on sait c’est qu’au moment du diagnostic risque de récidive et risque hémorragique sont égaux. Mais là où le risque de récidive diminue au fil des mois, le risque hémorragique reste constant sous anticoagulant et devient donc supérieur. C’est sur ce raisonnement qu’après la phase initiale de traitement, il est proposé une demi-dose en prévention des récidives de MVTE en population général. La même cinétique est observée chez les patients atteints de cancer. D’où l’idée de l’essai randomisé contrôlé international APICAT du Professeur Isabelle MAHÉ qui j’espère avec la participation active de tous permettra une limitation des expositions évitables à un surrisque hémorragique.
Dans cet article les différents scores de risque hémorragiques sont passés en revue. Pour mémoire il n’existe qu’un score de risque hémorragique Cancer et MTEV associé le score CAT-BLEED. Nous savons toutes et tous que les scores ont des limités ce que souligne la littérature et que le score parfait n’existe pas. Les items des scores sont plus pertinents. Alors quels seraient les paramètres les plus utiles dans la pratique quotidienne pour évaluer le risque hémorragique, en cas de MTEV/Cancer actif ?
Question difficile !La liste des facteurs influençant le risque hémorragique est longue voir fastidieuse pour une pratique en routine. Dans un monde idéal, il faudrait arriver à développer pour la pratique quotidienne une évaluation de la balance risque thrombotique/ risque hémorragiquerespectant la balance bénéficie/risque.
Cela passera potentiellement par l’intégration de nouveaux outils faciles d’emploi comme des biomarqueurs pour évaluer l’ensemble des éléments de l’équation « à quel risque hémorragique nous exposons les patients ? ».
Ce risque hémorragique est différent selon le type de cancer, sa localisation, les traitements du cancer et le traitement anticoagulant. Cette notion est très importante. Sans caricaturer le sujet quels sont les directions majeures à retenir des quatre questions : WHOM ? HOW ? WHAT ? WHEN ?WHOM ? => Comprendre qu’un patient cancéreux est à plus haut risque hémorragique et thrombotique que la population générale et donc doit être traité à part.
HOW? => Se rappeler qu’il est plus complexe dans sa prise en charge. Nous nous devons de trouver un moyen d’évaluer de manière globale l’addition des facteurs à prendre en compte.
WHAT? => Parler et mesurer la même chose. Nous nous devons de nous appuyer sur les critères tel que défini par l’ISTH pour parler d’hémorragie majeure, ou non majeure mais cliniquement pertinente.
WHEN? => Après 6 mois pour être plus bénéfique qu’à risque. La chose que nous souhaitons le plus en tant que médecin c’est d’abord le primum non nocere, il ne faut pas évaluer le traitement alors que ça non-prescription entrainerait une forte probabilité de décès. C’est après 6 mois de traitement, lorsque le risque de récidive est au plus bas, que l’évaluation prend tout son intérêt.
Compte tenu des bases de données sur cette thématique majeure, est ce que l’Intelligence Artificielle (Machine Learning) pourrait être d’une aide efficace ?
OUI ! L’individualisation ou personnalisation d’un traitement ne peut être que plus efficace via l’Intelligence Artificielle
Merci à toi Géraldine de nous avoir éclairé sur un sujet "délicat" auquel les médecins vasculaires sont confrontrés au quotidien.
Merci pour cet article qui pose les bonnes questions. Le réponses ne sont pas toutes au rendez-vous, la question du traitement anticoagulant devrait avancer avec les résultats de l’étude APICAT et d’autres.
Les RCP ONCO-THROMBOSE pour ces cas difficiles sont d'un grande aide.- FAST TRACK BIBLIO 37 : des articles importants
Veille bibliographique- Femmes, pouvoir et cancer
Femmes et Cancers- IA et CANCER : un pas de plus en avant
- Entretien avec Grégoire Le Gal : la MTEV veineuse fait découvrir le cancer